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Page 47
--Mon papa Moynet, dit Francia, humili�e et bris�e, je n'ai jamais �t�
si bas que �a. Je n'ai jamais rien voulu recevoir de vous et de ceux qui
travaillent avec peine et sans profit. Voil� toute ma faute, je n'ai pas
voulu me mettre dans la mis�re avec Antoine qui ne gagne pas assez pour
�tre en famille et qui aurait �t� malheureux. Ceux dont j'ai accept�
quelque chose n'auraient jamais trouv� de ma�tresses qui se seraient
content�es d'aussi peu que moi, et je ne suis jamais rest�e sans gagner
quelques sous pour habiller mon fr�re; enfin je ne me suis jamais �gar�e
que par inclination: vous ne m'avez jamais vue avec des riches, et vous
savez bien qu'il n'en manque pas pour nous offrir tout ce que nous
pourrions souhaiter.
--Je sais tout �a; jusqu'� pr�sent tu avais �t� plus folle que fautive,
c'est pourquoi je te pardonnais; je t'aimais encore, je ne souffrais pas
qu'on d�t du mal de toi. Je me figurais que tu rencontrerais quelque
amant convenable dont tu saurais faire un mari par ta gentillesse et ton
bon coeur; mais � pr�sent! � pr�sent, petite, quel honn�te homme, m�me
amoureux de toi, voudrait prendre � tout jamais le reste d'un Russe! �a
sera bon pour un jour ou deux, la fantaisie de te promener, et puis il
faudra passer de l'un � l'autre, jusqu'� l'h�pital et au trottoir!
--Si c'est comme �a que vous me consolez, dit Francia, je vois bien que
je n'ai plus qu'� me jeter � l'eau!
--Non, �a ne r�pare rien du tout, ces b�tises-la! on n'en a pas le
droit; un homme se doit � son pays, une femme se doit � son devoir.
--Quel devoir ai-je donc � pr�sent, puisque vous me trouvez d�shonor�e,
perdue?
Moynet fut embarrass�, il avait �t� trop loin. Il n'�tait pas assez fort
en raisonnement pour sortir de son dilemme. Il ne trouva qu'une issue.
Ce fut de lui offrir le pardon et l'amour d'Antoine.
--Il n'y a, lui dit-il, qu'un homme assez bon et assez patient pour ne
pas te repousser. Tu n'as qu'un mot � lui dire; il n'est pas sans point
d'honneur pourtant, mais il me consulte, et quand je lui aurai
dit: �L'honneur peut aller avec le pardon,� il me croira. Voyons,
finissons-en, je vais l'appeler, et pendant que vous causerez tous deux,
j'irai mettre une paillasse pour moi dans le billard. Tu dormiras
dans ma chambre sur un matelas; demain nous verrons � te trouver une
mansarde.
Il sortit. Francia resta seule, effray�e, h�sitante quelques instants.
Il fallait � Moynet le temps d'avertir et de persuader son neveu. Si
l'explication e�t �t� imm�diate et prompte, Francia e�t �t� sauv�e.
Attendrie par l'aveugle d�vouement d'Antoine, elle e�t vaincu sa
r�pugnance, sauf � mourir � la longue dans ce milieu de g�ne et
de r�alisme qui froissait la d�licatesse de ses go�ts et de son
organisation; mais Antoine, qui s'�tait fait un devoir d'attendre, ne
savait pas veiller: c'�tait un rude travailleur, chaque soir il tombait
de fatigue. Pour ne pas s'endormir, il avait allum� sa pipe et, comme
l'atmosph�re chaude et visqueuse de la tabagie le narcotisait, il �tait
sorti pour marcher en fumant; il �tait assez loin dans la rue. Moynet
envoya le gar�on � sa recherche. Quand il fut revenu, on s'expliqua;
mais, si vite que Moynet p�t r�sumer une situation tellement anormale,
il fallut quelques minutes pour s'entendre, et Francia avait eu le temps
de la r�flexion.
--Il h�site, pensa-t-elle. Il ne se d�cide pas comme cela tout d'un
coup. Le temps se passe, Moynet est oblig� de lui dire beaucoup de
paroles pour lui donner en moi une confiance qu'il ne peut plus avoir.
Ah! voil� qui est plus humiliant que toutes mes abjections! Prendre pour
ma�tre un homme qui rougit de vous aimer! Non! ce n'est pas possible,
mieux vaut mourir!
La porte de l'arri�re-boutique �tait ouverte. Elle s'�lan�a dehors, elle
courut comme une fl�che. Quand Antoine vint pour lui parler, elle �tait
d�j� loin; il la chercha au hasard toute la nuit. Il ne savait pas ou
elle demeurait; il lui fut impossible de la rejoindre.
D'abord Francia, en proie au vertige du suicide, ne songea qu'� gagner
la Seine; mais un instinct plus fort que le d�sespoir, un vague
sentiment de l'amour que Mourzakine lui portait encore l'arr�ta au bord
du parapet. Qui sait si le prince n'�tait pas innocent? Le comte avait
peut-�tre tout invent� pour la perdre. C'�tait sans doute un homme
indigne, inf�me, puisqu'il avait voulu lui faire violence. Sans doute
aussi Mourzakine le savait capable de tout, puisqu'il avait donn� �
Francia une arme pour se d�fendre. Ce poignard en disait beaucoup. Le
prince n'avait pas voulu livrer sa ma�tresse, puisqu'il avait fait cette
action qui signifiait: tue-le, plut�t que de c�der.
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