Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


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Page 38

--Et tu crois, s'�cria le prince, que je te permettrai de me quitter
avec l'aum�ne des �mes charitables du quartier? Toi, si fi�re, tu
passerais � l'�tat de mendiante? Non! voil� un billet de banque que je
mets sous ce flambeau. Quand tu voudras partir, tu pourras le faire sans
rien devoir � personne, sans me consulter, sans m'avertir; donc tu n'es
plus retenue par rien que par l'id�e de me briser le coeur. Va-t'en, si
tu veux, tout de suite! Je ne souffrirai pas longtemps, va; si la guerre
recommence, je me ferai tuer � la premi�re affaire et je ne regretterai
pas la vie. Je me dirai que j'ai �t� heureux pendant trois jours dans
toute mon existence. Ce bonheur a �t� si grand, si d�licieux, si
complet, qu'il peut compter pour un si�cle!

Mourzakine parlait avec tant de conviction apparente que Francia tomba
dans ses bras en pleurant.

--Non! dit-elle, ce n'est pas possible qu'un homme si bon et si g�n�reux
ait jamais tu� une femme! Cette marquise m'a tromp�e! Ah! c'est bien
cruel! Pourvu qu'elle ne te dise pas quelque chose contre moi qui me
fasse ha�r de toi, comme je te ha�ssais tout � l'heure!

--Moquons-nous d'elle, dit le prince.

Et, faisant aussi bon march� de madame de Thi�vre qu'il avait fait de
Francia en parlant d'elle � la marquise, il jura qu'elle �tait trop
grande, trop grasse, trop blonde, et qu'il ne pouvait souffrir ces
natures flamandes priv�es de charme et de feu sacr�. Il n'en savait rien
du tout, mais il savait dire tout ce qui le menait � ses fins. La bonne
Francia n'�tait pas vindicative, mais une femme aime toujours � entendre
rabaisser sa rivale. Les hommes le savent, et souvent une raillerie les
disculpe mieux qu'un serment. Mourzakine ne se fit faute ni de l'un ni
de l'autre, et peut-�tre se persuada-t-il qu'il disait la v�rit�.

--Voyons, dit-il � sa petite amie quand il eut r�ussi � lui arracher un
sourire, tu t'es ennuy�e d'�tre seule, tu as eu des id�es noires, je ne
veux pas que tu sois malade; ach�ve de t'habiller, nous allons sortir en
voiture. J'ai vu aux Champs-�lys�es des petites maisons o� l'on mange
comme si on �tait � la campagne. Allons d�ner ensemble dans une chambre
bien gaie, et puis � la nuit nous nous prom�nerons � pied. Ou bien
veux-tu aller au spectacle? dans une petite loge d'en bas o� tu ne seras
vue de personne? Valentin nous suivra. Nous nous arrangerons pour que tu
ne sois pas vue au bras d'un �tranger en uniforme, puisque tu crains de
passer pour tra�tre envers ta patrie! Nous irons o� tu voudras, nous
ferons ce que tu voudras, pourvu que je te voie me sourire comme l'autre
jour. Je donnerais ma vie pour un sourire de toi!

Pendant qu'elle s'habillait, on apporta des cartons o� elle dut choisir
rubans, �charpes, voiles, chapeaux et gants. Elle accepta moiti�
honteuse, moiti� ravie. Elle �tait pr�te, elle �tait par�e, �mue,
heureuse, quand le docteur reparut. Elle redevint p�le. Le prince re�ut
M. Faure avec une politesse railleuse.

--Votre petite malade est gu�rie, lui dit-il, elle sait que je n'ai
massacr� personne de sa famille. Nous allons sortir; veuillez me dire,
docteur, ce que je vous dois pour vos deux visites.

--Je ne venais pas chercher de l'argent, r�pondit M. Faure, j'en
apportais, je croyais avoir une bonne action � faire; mais puisque j'ai
�t�, selon ma coutume, dupe de ma simplicit�, je remporte mon aum�ne et
je vais chercher � la mieux placer.

Il s'en alla en haussant les �paules et en jetant � Francia confuse un
regard de moquerie m�prisante qui lui alla au fond du coeur comme un
coup d'�p�e. Elle cacha sa t�te dans ses mains, et resta comme bris�e
sous une humiliation que personne jusqu'alors ne lui avait inflig�e.

--Voyons, lui dit le prince, vas-tu �tre malheureuse avec moi, quand
je fais mon possible pour te distraire et t'�gayer! Te sens-tu malade?
veux-tu te recoucher et dormir?

--Non! s'�cria-t-elle en lui saisissant le bras; vous vous en iriez chez
cette dame!

--Te voil� jalouse encore?

--Eh bien! oui, je suis jalouse malgr� tout ce que vous m'avez dit, je
suis jalouse malgr� moi! Ah! tenez, je souffre bien; je sens que je suis
l�che d'aimer un ennemi de mon pays! Je sais que pour cela je m�rite le
m�pris de tous les honn�tes gens. Ne dites rien, allez, vous le savez
bien vous-m�me, et peut-�tre que vous me m�prisez aussi au fond du
coeur. Peut-�tre qu'une femme de votre pays ne se donnerait pas � un
militaire fran�ais; mais je supporterai cette honte, si vous m'aimez,
parce que cette chose-la est tout pour moi; seulement il faut m'aimer!
Si vous me trompiez!.....

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 5:19