Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 35

--Il l'a bien fallu, puisque vous �tes venue lui parler chez moi. Je
devais bien savoir qui vous �tiez!

--Chez vous?... Ah! oui, vous �tes la marquise de Thi�vre. Il faut me
pardonner, madame, j'esp�rais,... � cause de ma m�re...

--Oui, oui, je sais tout, mon cousin m'a donn� tous les d�tails. Eh
bien! votre pauvre m�re, il n'y a plus d'espoir, et c'est pour cela...

--Plus d'espoir? Il vous a dit qu'il n'y avait plus d'espoir?

--Il ne vous a donc pas dit la v�rit�, � vous?

--Il m'a dit qu'il �crirait, qu'on la retrouverait peut-�tre! Ah! mon
Dieu, il m'aurait donc tromp�e!

--Tromp�e? pourquoi vous tromperait-il?...

Madame de Thi�vre fit cette interpellation d'un ton qui effraya la jeune
fille; elle baissa la t�te et ne r�pondit pas: elle pressentait une
rivale.

--R�pondez donc! reprit la marquise d'un ton plus �pre encore... Est-il
votre amant, oui ou non?

--Mais, madame, je ne sais pas de quel droit vous me questionnez comme
�a!

--Je n'ai aucun droit, dit madame de Thi�vre en reprenant possession
d'elle-m�me et en mettant un sourire dans sa voix. Je m'int�resse �
vous, parce que vous �tes malheureuse, d'un malheur exceptionnel et
bizarre. Votre m�re a �t� �cras�e sous les pieds du cheval de Mourzakine
et c'est lui justement qui vous adopte et vous recueille! C'est tout un
roman cela, ma petite, et si l'amour s'en m�le,... ma foi, le d�no�ment
est neuf, et je ne m'y serais pas attendue!

Francia ne dit pas une parole, ne fit pas entendre un soupir. Elle
s'enfuit comme si elle e�t �t� mordue par un serpent, et laissant madame
de Thi�vre �tourdie de sa disparition soudaine, elle remonta dans sa
chambre, o� elle se laissa tomber par terre et passa la nuit dans un
�tat de torpeur ou de d�lire dont elle ne put rien se rappeler le
lendemain.

Au demi-jour pourtant elle se tra�na jusqu'� son lit, o� elle s'endormit
et fit des r�ves horribles. Elle voyait sa m�re �tendue sur la neige
et le pied du cheval de Mourzakine s'enfon�ant dans son cr�ne, qu'il
emportait tout sanglant comme l'anneau d'une entrave. Ce n'�tait plus
qu'un informe d�bris; mais cela avait encore des yeux qui regardaient
Francia, et ces yeux effroyables, c'�taient tant�t ceux de sa m�re et
tant�t ceux de Th�odore.



III

Au milieu de ces r�ves affreux, Francia s'�veilla en criant. Il faisait
grand jour. Madame Valentin l'entendit, entra chez elle, et voulut
savoir la cause de son agitation: Francia fit un effort pour lui
r�pondre; mais elle ne voulait pas se confier � cette femme, et madame
Valentin fut r�duite � parler toute seule.

--Voyez-vous, ma ch�re enfant, lui disait-elle, si c'est parce que vous
craignez la guerre, vous avez tort; il n'y aura plus de guerre. Le tyran
sera mis dans une tour o� on pr�pare une cage de fer. Nos bons alli�s
sont en train de s'emparer de sa personne, et votre cher prince n'aura
pas une �gratignure: les cartes me l'ont dit hier soir. Ah! vous l'aimez
bien, ce beau prince! Je comprends �a. Il vous aime aussi, � ce qu'il
para�t. M. Valentin me disait hier: C'est singulier comme ces Russes se
prennent d'amour pour nos petites Fran�aises! �a ne ressemble pas du
tout aux fantaisies de notre ancien ma�tre, qui avait fait arranger
l'appartement o� vous voil� pour mener sans bruit ses petites affaires
de coeur. Eh bien! il en changeait comme de cravate, et il y tenait si
peu, si peu, qu'il oubliait quelquefois de renvoyer l'une pour faire
entrer l'autre. Alors, �a amenait des sc�nes, et m�me des batailles; il
y avait de quoi rire, allez! Mais le prince n'est pas si avanc� que �a;
c'est un homme simple, capable de vous �pouser, si vous avez l'esprit de
vous y prendre. Vous ne croyez pas? ajouta-t-elle en voyant tressaillir
Francia. Ah! dame, ce n'est pas tout � fait probable; pourtant on a vu
de ces choses-l�. Tout d�pend de l'esprit qu'on a, et je ne vous crois
pas sotte, vous! Vous avez l'air distingu�, et des mani�res... comme une
vraie demoiselle. Quel malheur pour vous d'avoir �cout� ce perruquier!
sans cela, voyez-vous, tout serait possible. Vous me direz que bien
d'autres ont fait fortune sans �tre �pous�es, c'est encore vrai. Le
prince parti, vous en retrouverez peut-�tre un autre de m�me qualit�.
�a fait tr�s-bien d'avoir �t� aim�e d'un prince, �a efface le pass�, �a
vous fait remonter dans l'opinion des hommes. Allons, ne vous tourmentez
pas; M. Valentin conna�t le beau monde, et si vous voulez vous fier
� lui, il est capable de vous donner de bons conseils et de bonnes
relations.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 23:01