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Page 32
Francia pleurait de son c�t�; mais elle prit courage en se disant:
--Sans tout cela, il ne serait pas encore d�cid� � se ranger, il
se serait peut-�tre perdu! Si Dieu veut qu'il tienne parole, je ne
regretterai pas ce que j'ai fait.
Elle le regrettait pourtant sans vouloir se l'avouer. Sa pauvre petite
existence �tait boulevers�e. Elle quittait pour toujours son petit coin
de Paris o� elle �tait plus aim�e que jug�e dans un certain milieu
d'honn�tes gens; elle y avait attir� plus d'attention que ne le
comportait sa mince position.
Une enfant de quinze ans �chapp�e aux horreurs de la retraite de Russie
et au d�sastre de la B�r�zina, jolie, douce, modeste dans ses mani�res,
assez fi�re pour n'implorer personne, assez d�vou�e pour se charger de
son fr�re, ce n'�tait pas la premi�re venue, et si on lui reprochait
d'avoir des liaisons irr�guli�res, on l'excusait en voyant qu'elle ne
voulait �tre � charge � personne.
L'�go�sme r�clame toujours sa part dans les jugements humains. On
repousse une mendiante qui vous dit:
--Donnez-moi pour que je ne sois pas forc�e de me donner.
Et on a raison jusqu'� un certain point, car beaucoup exploitent
l�chement cette pr�tendue r�pugnance � l'avilissement. On aime mieux que
l'innocence succombe fi�rement sans demander conseil, et qu'elle porte
sans se plaindre la fatalit� du destin.
Francia laissait donc derri�re elle un groupe qu'elle appelait _le
monde_, et qui �tait le sien. Elle se trouvait seule, ayant pour tout
appui un �tranger qui promettait de l'aimer, pour toute relation un
inconnu, ce Valentin, dont la perversit�, voil�e sous un air suffisant,
lui inspirait d�j� une vague m�fiance. Elle regarda son joli appartement
sans trop se demander si dans quelques jours les alli�s ne quitteraient
point Paris, et ce qu'elle deviendrait, si Mourzakine l'abandonnait.
Cette pr�vision ne lui vint pas plus � l'esprit qu'elle n'�tait venue �
Th�odore. Elle d�fit ses paquets, rangea ses bardes dans les armoires,
se fit belle et se regarda dans une psych� en acajou qui avait pour
pieds des griffes de lion en bronze dor�. Elle admira le luxe relatif
que lui procurait son beau prince, les affreux meubles plaqu�s de
l'�poque, les rideaux de mousseline � mille plis drap�s _� l'antique_,
les vases d'alb�tre avec des jacynthes artificielles sous verre, le sofa
bleu � cr�pines orange, la petite pendule repr�sentant un Amour avec un
doigt sur les l�vres; mais elle pla�a sous ses yeux les quelques ch�tifs
bibelots que Valentin lui avait apport�s de chez elle, bien que, par
leur pauvret� vulgaire, ils fissent tache dans son nouveau logement.
Ensuite elle se mit � la fen�tre pour admirer le beau jardin et les
grands arbres; mais elle le trouva triste en se rappelant les laides
mansardes et les toits noirs qu'elle avait l'habitude de contempler.
Elle chercha sur sa fen�tre le pot de r�s�da qu'elle arrosait soir et
matin.
--Ah! mon Dieu, dit-elle, ce Valentin a laiss� l�-bas le r�s�da!
Et elle se remit � pleurer sur cet ensemble de choses � jamais perdues,
dont la valeur lui devenait inappr�ciable, car il repr�sentait des
habitudes, des souvenirs et des sympathies qu'elle ne devait plus
retrouver.
Que faisait Mourzakine pendant que le complaisant Valentin proc�dait �
l'installation de sa ma�tresse dans les conditions les plus favorables �
leurs secrets rapports? Il �tait en train d'endormir les soup�ons de son
oncle. Ogoksko� avait revu madame de Thi�vre � l'Op�ra dans tout l'�clat
de sa plantureuse beaut�, il avait �t� la saluer dans sa loge: elle
avait �t� charmante pour lui. S�rieusement �pris d'elle, il �tait r�solu
� ne rien �pargner pour supplanter son neveu. Mourzakine, sans renoncer
� la belle Fran�aise, voulait para�tre c�der le pas � l'oncle dont il
d�pendait absolument.
--Vous avez, lui dit-il, consomm� ma disgr�ce hier � l'Op�ra. Ma belle
h�tesse n'a plus un regard pour moi, et pour m'en consoler je me suis
jet� dans une moindre, mais plus facile aventure. J'ai pris chez
moi _une petite_; ce n'est pas grand'chose, mais c'est parisien,
c'est-�-dire coquet, gentil, propret et dr�le; vous me garderez
pourtant le secret l�-dessus, mon bon oncle? Madame de Thi�vre, qui est
passablement femme, me m�priserait trop, si elle savait que j'ai si vite
cherch� � me consoler de ses rigueurs.
--Sois tranquille, Diomiditch, r�pondit Ogoksko� d'un ton qui fit
comprendre � Mourzakine qu'il comptait le trahir au plus vite.
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