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Page 3
Puis, remontant � cheval avec son �tat-major, il retourna � la place de
la Concorde, d'o� il se rendit � pied chez M. de Talleyrand. Ses soldats
avaient re�u l'ordre de camper sur les places publiques. L'habitant,
trait� avec tant de courtoisie, admirait avec stupeur ces belles troupes
si bien disciplin�es, qui ne prenaient possession que du pave de
la ville et qui installaient la leurs cantines sans rien exiger en
apparence. Le _badaud_ de Paris admira, se r�jouit, et s'imagina que
l'invasion ne lui co�terait rien.
Quant au jeune officier attach� � l'�tat-major, exclu de l'h�tel o�
allait r�sider son empereur, il se crut radicalement disgraci�, et il en
cherchait la cause lorsque son oncle, le comte Ogoksko�, aide-de-camp du
tsar, lui dit � voix basse en passant:
--Tu as des ennemis aupr�s du _p�re_, mais ne crains rien. Il te conna�t
et il t'aime. C'est pour te pr�server d'eux qu'il t'�loigne. Ne reparais
pas de quelques jours, mais fais-moi savoir o� tu demeures.
--Je n'en sais rien encore, r�pondit le jeune homme avec une r�signation
fataliste, Dieu y pourvoira!
Il avait � peine prononc� ces mots qu'un jockey de bonne mine se
pr�senta et lui remit le message suivant:
�La marquise de Thi�vre se rappelle avec plaisir qu'elle est, par
alliance, parente du prince Mourzakine; elle me charge de l'inviter �
venir prendre son g�te � l'h�tel de Thi�vre, et je joins mes instances
aux siennes.�
Le billet �tait sign� _Marquis de Thi�vre_.
Mourzakine communiqua ce billet � son oncle qui le lui rendit en
souriant et lui promit d'aller le voir aussit�t qu'il aurait un moment
de libert�. Mourzakine fit signe � son heiduque cosaque et suivit le
jockey, qui �tait bien mont� et qui les conduisit en peu d'instans �
l'h�tel de Thi�vre, au faubourg Saint-Germain.
Un bel h�tel, style Louis XIV, situ� entre cour et jardin, jardin
myst�rieux �touff� sous de grands arbres, rez-de-chauss�e �lev� sur un
perron seigneurial, larges entr�es, tapis moelleux, salle � manger d�j�
richement servie, un salon tr�s-confortable et de grande tournure, voil�
ce que vit confus�ment Diom�de Mourzakine, car il s'appelait modestement
de son petit nom _Diom�de, fils de Diom�de, Diomid Diomiditch_. Le
marquis de Thi�vre vint � sa rencontre les bras ouverts. C'�tait un
vilain petit homme de cinquante ans, maigre, vif, l'oeil tr�s-noir,
le teint tr�s-bl�me, avec une perruque noire aussi, mais d'un noir
invraisemblable, un habit noir raide et serr�, la culotte et les bas
noirs, un jabot tr�s-blanc, rien qui ne f�t cr�ment noir ou blanc dans
sa mince personne: c'�tait une pie pour le plumage, le babil et la
vivacit�.
Il parla beaucoup, et de la mani�re la plus courtoise, la plus
empress�e. Mourzakine savait le fran�ais aussi bien possible,
c'est-�-dire qu'il le parlait avec plus de facilit� que le russe
proprement dit, car il �tait n� dans la Petite-Russie et avait d� faire
de grands efforts pour corriger son accent m�ridional; mais ni en russe,
ni en fran�ais, il n'�tait capable de bien comprendre une �locution
aussi abondante et aussi pr�cipit�e que celle de son nouvel h�te, et, ne
saisissant que quelques mots dans chaque phrase, il lui r�pondit un peu
au hasard. Il comprit seulement que le marquis se d�menait pour �tablir
leur parent�. Il lui citait, en les estropiant d'une mani�re indigne,
les noms des personnes de sa famille qui avaient �tabli au temps de
l'�migration fran�aise des relations, et par suite une alliance avec
une demoiselle apparent�e � la famille de madame de Thi�vre. Mourzakine
n'avait aucune notion de cette alliance et allait avouer ing�nument
qu'il la croyait au moins fort �loign�e, quand la marquise entra. Elle
lui fit un accueil moins loquace, mais non moins affectueux que son
mari. La marquise �tait belle et jeune: ce d�tail effa�a promptement les
scrupules du prince russe. Il feignit d'�tre parfaitement au courant et
ne se g�na point pour accepter le titre de cousin que lui donnait la
marquise en exigeant qu'il l'appel�t �ma cousine,� ce qu'il ne put faire
sans biaiser un peu. Les rapports ainsi �tablis en quelques minutes, le
marquis le conduisit � un tr�s-bel appartement qui lui �tait destin�
et o� il trouva son cosaque occup� � ouvrir sa valise, en attendant
l'arriv�e de ses malles qu'on �tait all� chercher. Le marquis mit en
outre � sa disposition un vieux valet de chambre de confiance qui, ayant
voyag�, avait retenu quelques mots d'allemand et s'imaginait pouvoir
s'entendre avec le cosaque, illusion na�ve � laquelle il lui fallut
promptement renoncer; mais, croyant avoir affaire � quelque prince
r�gnant dans la personne de Mourzakine, le vieux serviteur resta debout
derri�re lui, suivant des yeux tous ses mouvements et cherchant �
deviner en quoi il pourrait lui �tre utile ou agr�able.
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