Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


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Page 2

Quand le d�fil� ennemi d�boucha sur le boulevard, la sc�ne changea comme
par magie.

A mesure qu'on avan�ait vers les quartiers riches, l'entente se faisait,
l'�tranger respirait; puis tout � coup la fusion se fit, non sans
honte mais sans scrupule. L'�l�ment royaliste jetait le masque et se
pr�cipitait dans les bras du vainqueur. L'�motion avait gagn� la masse;
on n'y songeait pas aux Bourbons, on n'y croyait pas encore, on ne les
connaissait pas; mais on aimait Alexandre, et les femmes sans coeur
qui se jetaient sous ses pieds en lui demandant un roi ne furent
ni repouss�es, ni insult�es par la garde nationale qui regardait
tristement, croyant qu'on remerciait simplement l'�tranger de n'avoir
pas saccag� Paris. Ils trouvaient cette reconnaissance pu�rile et
outr�e; ils ne voyaient pas encore que cette joie folle applaudissait
� l'abaissement de la France. Le jeune officier russe qui avait failli
compromettre toute la repr�sentation de cette triste com�die, o� tant
d'acteurs jouaient un r�le de comparses sans savoir le mot de la pi�ce,
essayait en vain de comprendre ce qu'il voyait � Paris, lui qui avait vu
br�ler Moscou et qui avait compris! C'�tait un esprit aussi r�fl�chi que
pouvaient le permettre l'�ducation toute militaire qu'il avait re�ue et
l'�poque agit�e, vraiment terrible, o� sa jeunesse se d�veloppait. Il
suppl�ait aux facult�s de raisonnement philosophique qui lui manquaient,
par la subtile p�n�tration de sa race et la d�fiance cauteleuse de son
milieu. Il avait vu et il voyait � deux ann�es de distance les deux
extr�mes du sentiment patriotique: le riche et industrieux Moscou br�l�
par haine de l'�tranger, d�vouement sauvage et sublime qui l'avait
frapp� d'horreur et d'admiration,--le brillant et splendide Paris
sacrifiant l'honneur � l'humanit�, et regardant comme un devoir de
sauver � tout prix la civilisation dont il est l'in�puisable source. Ce
Russe �tait � beaucoup d'�gards sauvage lui-m�me, et il se crut en droit
de m�priser profond�ment Paris et la France.

Il ne se disait pas que Moscou ne s'�tait pas d�truit de ses propres
mains et que les peuples esclaves n'ont pas � �tre consult�s; ils
sont h�ro�ques bon gr� mal gr�, et n'ont point � se vanter de leurs
involontaires sacrifices. Il ne savait point que Paris n'avait pas �t�
consult� pour se rendre, plus que Moscou pour �tre br�l�, que la France
n'�tait que tr�s-relativement un peuple libre, qu'on sp�culait en haut
lieu de ses destin�es, et que la majorit� des Parisiens e�t �t� d�s lors
aussi h�ro�que qu'elle l'est de nos jours[1].

[Note 1: Janvier 1871.]

Pas plus que l'habitant de la France, l'�tranger venu des rives du
Tana�s ne p�n�trait dans le secret de l'histoire. Au moment de la
brutalit� de son cheval, il avait compris le Parisien du faubourg, il
avait lu sur son front soucieux, dans ses yeux courrouc�s. Il s'�tait
dit:

Ce peuple a �t� trahi, vendu peut-�tre!

En pr�sence des honteuses sympathies de la noblesse, il ne comprenait
plus. Il se disait:

--Cette population est l�che. Au lieu de la caresser, notre tsar devrait
la fouler aux pieds et lui cracher au visage.

Alors les sentiments humains et g�n�reux se trouvant �touff�s et comme
avilis dans son coeur par le spectacle d'une l�chet� inou�e, il se
trouva lui-m�me en proie � l'enivrement des instincts sauvages. Il se
dit que cette ville �tait riante et folle, que cette population �tait
facile et corrompue, que ces femmes qui venaient s'offrir et s'attacher
elles-m�mes au char du vainqueur �taient de beaux troph�es. D�s lors,
tout au d�sir farouche, � la soif des jouissances, il traversa Paris,
l'oeil enflamm�, la narine fr�missante et le coeur hautain.

Le tsar, refusant avec une modestie habile d'entrer aux Tuileries, alla
aux Champs-Elys�es passer la revue de sa magnifique arm�e d'�lite,
donnant jusqu'au bout le spectacle � ces Parisiens avides de spectacles;
apr�s quoi, il se disposait � occuper l'h�tel de l'Elys�e. En ce moment,
il eut � r�gler deux d�tails d'importance fort in�gale. Le premier fut �
propos d'un avis qu'on lui avait transmis pendant la revue: suivant ce
faux avis, il n'y avait point de s�curit� pour lui � l'�lys�e, le palais
�tait min�. On avait sur-le-champ d�p�ch� vers M. de Talleyrand, qui
avait offert son propre palais. Le tsar accepta, ravi de se trouver l�
au centre de ceux qui allaient lui livrer la France; puis il jeta les
yeux sur l'autre avis concernant le jeune prince Mourzakine, qui s'�tait
si mal comport� en traversant le faubourg Saint-Martin.

--Qu'il aille loger o� bon lui semblera, r�pondit le souverain, et qu'il
y garde les arr�ts pendant trois jours.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 19th May 2024, 17:11