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Page 22
--Possible, mais ne _m'ostine pas!_ Ton Russe...
--Oui, disons-en du mal du Russe, qui peut nous faire retrouver notre
pauvre maman! Si tu savais t'expliquer au moins! Mais pas capable de
faire une commission! Il para�t que tu lui as mal parl�; il a dit que,
si tu y retournes, il te tuera.
--Voyez-vous �a, _Lisette!_ Il m'embrochera dans la lance de son sale
cosaque! Des jolis cadets, avec leurs bouches de morue et leurs yeux
de merlans frits! J'en ferais tomber cinq cents comme des capucins de
cartes en leur passant dans les jambes; veux-tu voir?
--Allons-nous-en, tiens! tu ne dis que des b�tises... Ceux qui sont l�,
c'est des Prussiens, d'ailleurs!
--Encore _pire!_ Avec �a que je les aime, les Prussiens! Veux-tu voir?
Francia haussa les �paules et frappa avec une cl� sur la table pour
appeler le gar�on. Dodore le paya, reprit le bras de sa soeur et se
disposa � sortir. Le groupe de Prussiens �tait toujours arr�t� sur la
porte, causant � voix haute et ne bougeant non plus que des blocs de
pierre pour laisser entrer ou sortir. Le gamin les avertit, les poussa
un peu, puis tout � fait, en leur disant:
--Voyons, laissez-vous _cerculer_ les dames?
Ils �taient comme sourds et aveugles � force de m�pris pour la
population. L'un d'eux pourtant avisa la jeune fille et dit en mauvais
fran�ais un mot grossier qui peut-�tre voulait �tre-aimable; mais il
ne l'eut pas plus t�t prononc� qu'un coup de poing bien ass�n�
lui meurtrissait le nez jusqu'� faire jaillir le sang. Vingt bras
s'agit�rent pour saisir le coupable; il tenait parole � sa soeur, il
glissait comme un serpent entre les jambes de l'ennemi et renversait les
hommes les uns sur les autres. Il se f�t �chapp�, s'il ne fut tomb� sur
un peloton russe qui s'empara de lui et le conduisit au poste. Dans
la bagarre, Francia s'�tait r�fugi�e aupr�s du p�re Moynet, le vieux
troupier, son meilleur ami: c'est lui qui l'avait ramen�e en France �
travers mille aventures, la prot�geant quoique bless� lui-m�me, et la
faisant passer pour sa fille.
La pauvre Francia �tait d�sol�e, et il ne la rassurait pas. Bien au
contraire, en haine de l'�tranger, il lui pr�sentait l'accident sous les
couleurs les plus sombres: �tre arr�t� pour une rixe en temps ordinaire,
ce n'�tait pas grand'chose, surtout quand il s'agissait d'un fr�re
voulant faire respecter sa soeur; mais avec les �trangers il n'y avait
rien � esp�rer. La police leur livrerait le pauvre Dodore et ils ne se
g�neraient pas pour le fusiller. Francia adorait son fr�re; elle ne
se faisait pourtant pas illusion sur ses vices pr�coces et sur son
incorrigible paresse. Au retour de la campagne de Russie, elle l'avait
trouv� litt�ralement sur le pav� de Paris, vivant des sous qu'il gagnait
en jouant au bouchon, ou qu'il recevait des bourgeois en ouvrant les
porti�res des fiacres. Elle l'avait recueilli, nourri, habill�, comme
elle avait pu, n'ayant pour vivre elle-m�me que le produit de quelques
bijoux �chapp�s par miracle aux d�sastres de la retraite de Moscou. Ses
minces ressources �puis�es, et ne gagnant pas plus de dix sous par jour
avec son travail, elle avait consenti � partager l'infime existence d'un
petit clerc de notaire qui lui parut joli et qu'elle aima ing�nument.
Trahie par lui, elle le quitta avec fiert�, sans savoir o� elle d�nerait
le lendemain. Par une courte s�rie d'aventures de ce genre, elle �tait
trop jeune pour en avoir eu beaucoup, elle arriva � poss�der le coeur
de M. Guzman, qui �tait relativement � l'aise et qu'elle ch�rissait
fid�lement malgr� son humeur jalouse et son outrecuidante fatuit�.
Francia n'�tait pas difficile, il faut l'avouer. M�diocrement �nergique,
�tiol�e au physique et au moral, elle reprenait � la vie depuis peu et
n'avait pas encore tout � fait l'air d'une jeune fille, bien qu'elle e�t
dix-sept ans; sa jolie figure inspirait la sympathie plut�t que l'amour,
et, tout eu donnant le nom d'amour � ses affections, elle-m�me y portait
plus de douceur et de bont� que de passion. Si elle aimait v�ritablement
quelqu'un, c'�tait ce petit vaurien de fr�re qui l'aimait de m�me, sans
pouvoir s'en rendre compte, et sans soumettre l'instinct � la r�flexion;
mais ce soir-l� une transformation s'�tait faite dans l'�me confuse de
ces deux pauvres enfants: Th�odore s'�veillait � la vie de sentiment par
l'orgueil patriotique; Francia s'�veillait � la possession d'elle-m�me
par la crainte de perdre son fr�re.
--�coutez, p�re Moynet, dit-elle au limonadier, mettez-moi dans un
cabriolet; je veux aller trouver un officier russe que je connais, pour
qu'il sauve mon pauvre Dodore.
--Qu'est-ce que tu me chantes l�? s'�cria Moynet qui �tait en train
de fermer son �tablissement tout en causant avec elle; tu connais des
officiers russes, toi?
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