Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


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Page 20

Le comte Ogoksko� comprit. Il r�pondit � l'instant m�me:

�Mon frivole et cher neveu, si tu as d�plu � ta belle h�tesse, ce n'est
pas ma faute. Je t'envoie deux cents louis de France, dont tu disposeras
comme tu l'entendras. Il n'y a pas de place pour toi � l'h�tel
Talleyrand, o� nous sommes fort encombr�s; mais demain tu peux
repara�tre devant _le p�re_: j'arrangerai ton affaire.�

Mourzakine, enchant� du succ�s de sa ruse, donna l'ordre � Martin de
conclure le march� et de tout disposer pour son d�m�nagement.

--Vous nous quittez, mon cher cousin? lui dit le marquis � d�jeuner;
vous �tes donc mal chez nous?

La marquise devint p�le; elle pressentit une trahison: la jalousie lui
mordit le coeur.

--Je suis ici mieux que je ne serai jamais nulle part, r�pondit
Mourzakine; mais je reprends demain mon service, et je serais un h�te
incommode. On peut m'appeler la nuit, me forcer � faire dans votre
maison un tapage _du diable_...

Il ajouta quelques autres pr�textes que le marquis ne discuta pas. La
marquise exprima froidement ses regrets. D�s qu'elle fut seule avec lui,
elle s'emporta.

--J'esp�rais, lui dit-elle, que vous prendriez patience encore
quarante-huit heures avant de voir mademoiselle Francia; mais vous
n'avez pu y tenir et vous avez re�u cette fille hier dans ma maison. Ne
niez pas, je le sais, et je sais que c'est une courtisane, la ma�tresse
d'un perruquier.

Mourzakine se justifia en racontant la chose � peu pr�s comme elle
s'�tait pass�e, mais en ajoutant que la petite fille �tait plut�t laide
que jolie, autant qu'il avait pu en juger sans avoir pris la peine de
la regarder. Puis il se jeta aux genoux de la marquise en jurant qu'une
seule femme � Paris lui semblait belle et s�duisante, que les autres
n'�taient que des fleurettes sans parfum autour de la rose, reine des
fleurs. Ses compliments furent pitoyablement classiques, mais ses
regards �taient de feu. La marquise fut effray�e d'un adorateur que la
crainte d'�tre surpris � ses pieds n'arr�tait pas en plein jour, et
en m�me temps elle se persuada qu'elle avait eu tort de l'accuser de
l�chet�. Elle lui pardonna tout et se laissa arracher la promesse de le
voir en secret quand il aurait un autre g�te.

--Tenez, lui dit Mourzakine, qui, des fen�tres de sa chambre au premier
�tage, avait examin� les localit�s et dress� son plan, la maison que je
vais habiter n'est s�par�e de la v�tre que par un grand h�tel...

--Oui, c'est l'h�tel de madame de S..., qui est absente. Beaucoup
d'h�tels sont vides par la crainte qu'on a eue du si�ge de Paris.

--Il y a un jardin � cet h�tel, un jardin tr�s-touffu qui touche au
v�tre. Le mur n'est pas �lev�.

--Ne faites pas de folies! Les gens de madame de S... parleraient.

--On les payera bien, ou on trompera leur surveillance. Ne craignez rien
avec moi, �me de ma vie! je serai aussi prudent qu'audacieux, c'est le
caract�re de ma race.

Ils furent interrompus par les visites qui arrivaient. Mourzakine
procura un vrai triomphe � la marquise en se montrant tr�s-r�serv�
aupr�s des autres femmes.

Le jour suivant, l'Op�ra offrait le plus brillant spectacle. Toute la
haute soci�t� de Paris se pressait dans la salle, les femmes dans tout
l'�clat d'une parure outr�e, beaucoup coiff�es de lis aux premi�res
loges; aux galeries, quelques-unes portaient un affreux petit chapeau
noir orn� de plumes de coq, appel� chapeau � la russe, et imitant celui
des officiers de cette nation. Le chanteur La�s, d�j� vieux, et se
piquant d'un ardent royalisme, �tait sur la sc�ne. L'empereur de Russie
avec le roi de Prusse occupait la loge de Napol�on et La�s chantait sur
l'air de _vive Henri IV_ certains couplets que l'histoire a enregistr�s
en les qualifiant de �rimes abjectes.� La salle enti�re applaudissait.
La belle marquise de Thi�vre sortait de sa loge deux bras d'alb�tre pour
agiter son mouchoir de dentelle comme un drapeau blanc. Du fond de la
loge imp�riale, le monumental Ogoksko� la contemplait. Mourzakine �tait
tellement au fond, lui, qu'il �tait dans le corridor.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 6:27