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Page 19
La marquise rentra vers minuit. Elle �tait agit�e. On lui avait tant
parl� de son prince russe, on le trouvait si beau, tant de femmes
d�siraient le voir, qu'elle se sentait bless�e en pensant avec quelle
facilit� il pourrait se consoler de ses d�dains.--Persisterait-il �
la d�sirer, quand un essaim de jeunes beaut�s, comme on disait alors,
viendrait s'offrir � sa convoitise? Peut-�tre, ne s'�tait-il souci�
d'elle que tr�s-m�diocrement jusque-l�: c'�tait un affront qu'elle ne
pouvait endurer. Elle revenait donc � lui, r�solue � l'enflammer de
telle mani�re qu'il d�t regretter am�rement la d�ception qu'elle se
promettait de lui infliger, car en aucun cas elle ne voulait lui
appartenir.
Elle avait cong�di� ses gens, disant qu'elle attendrait M. de Thi�vre
jusqu'au jour, s'il le fallait, pour avoir des nouvelles, et elle avait
gard� sa toilette provocante, si l'on peut appeler toilette l'�troite et
courte gaine de cr�pe et de satin qui servait de robe dans ce temps-l�.
Elle avait gard�, il est vrai, un splendide cachemire couleur de feu
dont elle se drapait avec beaucoup d'art, et qui, dans ses �volutions
habiles, couvrait et d�couvrait alternativement chaque �paule; sa t�te
blonde, frisott�e � l'_antique_, �tait encadr�e de perles, de plumes et
de fleurs; elle �tait vraiment belle et de plus anim�e �trangement
par la volont� de le para�tre. Mourzakine n'�tait point un homme de
sentiment. Un Fran�ais e�t perdu le temps � discuter, � vouloir vaincre
ou convaincre par l'esprit ou par le coeur. Mourzakine, ne se piquant ni
de coeur ni d'esprit en amour, n'employant aucun argument, ne faisant
aucune promesse, ne demandant pas l'amour de l'�me, ne se demandant m�me
pas � lui-m�me si un tel amour existe, s'il pouvait l'inspirer, si la
marquise �tait capable de le ressentir, lui adressa des instances de
sauvage. Elle fut en col�re; mais il avait fait vibrer en elle une corde
muette jusque-l�. Elle �tait troubl�e, quand la voiture du marquis roula
devant le perron. Il �tait temps qu'il arriv�t. Flore se jura de ne plus
s'exposer au danger; mais la soif aveugle de s'y retrouver l'emp�cha de
dormir. Bien que son coeur rest�t libre et froid, sa raison, sa fiert�,
sa prudence, ne lui appartenaient plus, et le beau cosaque s'endormait
sur les deux oreilles, certain qu'elle n'essayerait pas plus de lui
nuire qu'elle ne r�ussirait � lui r�sister.
Le lendemain, il fit pourtant quelques r�flexions. Il ne fallait pas
�veiller la jalousie de M. de Thi�vre, qui, en le trouvant t�te-�-t�te
avec sa femme � deux heures du matin, lui avait lanc� un regard
singulier. Il fallait, d�s que les arr�ts seraient lev�s, quitter la
maison et s'installer dans un logement o� la marquise pourrait venir le
trouver. Il appela Martin et le questionna sur la proximit� d'un h�tel
garni.
--J'ai mieux que �a, lui r�pondit le valet de chambre. Il y a, �
deux pas d'ici, un pavillon entre cour et jardin; c'est un ravissant
appartement de gar�on, occup� l'an dernier par un fils de famille qui a
fait des dettes, qui est parti comme volontaire et n'a pas reparu. Il a
donn� la permission � son valet de chambre, qui est mon ami, de se
payer de ses gages arri�r�s en sous-louant, s'il trouvait une occasion
avantageuse, le local tout meubl�. Je sais qu'il est vacant, j'y cours,
et j'arrange l'affaire dans les meilleures conditions possible pour
Votre Excellence.
Mourzakine n'�tait pas riche. Il n'�tait pas certain de n'�tre pas
brouill� avec son oncle; mais il n'osa pas dire � Martin de marchander,
et, une heure apr�s, le valet revint lui apporter la clef de son nouvel
appartement en lui disant:
--Tout sera pr�t demain soir. Votre Excellence y trouvera ses malles,
son cosaque, ses chevaux, une voiture fort �l�gante qui est mise �
sa disposition pour les visites; en outre mon ami Valentin, valet de
chambre du propri�taire, sera � ses ordres � toute heure de jour et de
nuit.
--Le tout pour... combien d'argent? dit Mourzakine avec un peu
d'inqui�tude.
--Pour une bagatelle: cinq louis par jour, car on ne suppose pas que Son
Excellence mangera chez elle.
--Avant de conclure, dit Mourzakine, effray� d'�tre ainsi ran�onn�, mais
n'osant discuter, vous allez porter une lettre � l'h�tel Talleyrand.
Et il �crivit � son oncle:
�Mon cher et cruel oncle, quel mal avez-vous donc dit de moi � ma belle
h�tesse? Depuis votre visite, elle me persifle horriblement et je sens
bien qu'elle aspire � me mettre � la porte. Je cherche un logement. Vous
qui �tes d�j� venu � Paris, croyez-vous qu'on me vole en me demandant
cinq louis par jour, et que je puisse me permettre un tel luxe?�
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