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Page 14
--Mais oui, d'abord.
--Sans doute; mais n'a-t-il pas de grands avantages � faire valoir?...
--Nous sommes assez riches pour �tre d�sint�ress�s.
--D'accord! Pourtant, si vous �tiez desservis aupr�s d'eux...
--Notre position serait tr�s-fausse, car on ne sait ce qui peut
arriver. Nous nous sommes beaucoup compromis, nous avons fait de grands
sacrifices.--Mais en quoi votre oncle peut-il nous nuire aupr�s des
Bourbons?
--Le tsar peut tout, r�pondit Mourzakine d'un air profond.
--Et votre oncle peut tout sur le tsar?
--Non pas tout, mais beaucoup, reprit-il avec on myst�rieux sourire qui
effraya la marquise.
--Vous croyez donc, dit-elle apr�s un moment d'h�sitation, que j'ai eu
tort de railler sa galanterie tout � l'heure?
--Devant moi, oui, grand tort!
--Cela pourra vous nuire, vraiment?
--Oh! cela, peu importe! mais le mal qu'il peut vous faire, je m'en
soucie beaucoup plus... Vous ne connaissez pas mon oncle. Il a �t�
l'idole des femmes dans son temps; il �tait beau, et il les aimait
passionn�ment. Il a beaucoup rabattu de ses pr�tentions et de ses
audaces; mais il ne faut pas agacer le vieux lion, et vous l'avez agac�.
Un instant, il a pu croire...
--Taisez-vous. Est-ce par... jalousie que vous me donnez cette am�re
le�on?
--C'est par jalousie, je ne peux pas le nier, puisque vous me forcez �
vous le dire; mais c'est aussi par amiti�, par d�vouement, et par suite
de la connaissance que j'ai du caract�re de mon oncle. Il est aigri par
l'�ge, ce qui ajoute au temp�rament le plus vindicatif qu'il y ait en
Russie, pays o� rien ne s'oublie. Prenez garde, ma belle, ma s�duisante
cousine! Il y a des griffes ac�r�es sous les pattes de velours.
--Ah! mon Dieu, s'�cria-t-elle, voil� que vous m'effrayez! Je ne sais
pourtant pas quel mal il peut me faire!...
--Voulez-vous que je vous le dise?
--Oui, oui, dites; il faut que je le sache.
--Vous ne vous f�cherez pas?
--Non.
--Ce soir, quand le p�re, comme nous appelons le tsar, lui demandera ce
qu'il a vu et entendu dans la journ�e, il lui dira, oh! je l'entends
d'ici! Il lui dira:
�--J'ai vu mon neveu log� chez une femme d'une beaut� incomparable. Il
en est fort �pris.
--Bien, tant mieux pour lui! dira le p�re, qui est encore jeune, et qui
aime les femmes avec candeur.
Demain il se souviendra, et il demandera le soir � mon oncle:
--Eh bien! ton neveu est-il heureux?
--Probablement, r�pondra le comte.
Et il ne manquera pas de lui faire remarquer M. le marquis de Thi�vre
dans quelque salon de l'h�tel de Talleyrand. Il lui dira:
--Pendant que le mari fait ici de la politique et aspire � vous faire
sa cour, mon neveu fait la cour � sa femme et passe agr�ablement ses
arr�ts...
--Assez! dit la marquise en se levant avec d�pit; mon mari sera not�
comme ridicule, il jouera peut-�tre un r�le odieux. Vous ne pouvez pas
rester une heure de plus chez moi, mon cousin!
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