Leone Leoni by George Sand


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Page 8

Ma m�re, �tonn�e de ma conduite, commen�a � craindre que je ne fusse
capable d'une volont� quelconque. Elle me parla doucement, esp�rant
qu'au bout de quelque temps je consentirais � danser et que Leoni
m'inviterait de nouveau; mais je m'obstinai � rester � ma place. Au bout
d'une heure, nous entend�mes � diverses reprises, dans le bourdonnement
vague du bal, le nom de Leoni; quelqu'un dit en passant pr�s de nous que
Leoni perdait six cents louis.--Tr�s-bien! dit ma tante d'un ton sec; il
fera bien de chercher une belle fille � marier avec une belle dot!

--Oh! il n'a pas besoin de cela, reprit une autre personne, il est si
riche!

--Tenez, ajouta une troisi�me, le voil� qui danse; voyez s'il a l'air
soucieux.

Leoni dansait en effet, et son visage n'exprimait pas la moindre
inqui�tude. Il se rapprocha ensuite de nous, adressa des fadeurs � ma
m�re avec la facilit� d'un homme du grand monde, et puis essaya de me
faire dire quelque chose en m'adressant des questions indirectes. Je
gardai un silence obstin�, et il s'�loigna d'un air indiff�rent. Ma
m�re, d�sesp�r�e, m'emmena.

Pour la premi�re fois elle me gronda, et je la boudai. Ma tante me donna
raison et d�clara que Leoni �tait un impertinent et un mauvais sujet. Ma
m�re, qui n'avait jamais �t� contrari�e � ce point, se mit � pleurer, et
j'en fis autant.

Ce fut par ces petites agitations que l'approche de Leoni et de la
funeste destin�e qu'il m'apportait commen�a � troubler la paix profonde
o� j'avais toujours v�cu. Je ne vous dirai pas avec les m�mes d�tails ce
qui se passa les jours suivants. Je ne m'en souviens pas aussi bien,
et le commencement de la passion inapaisable que je con�us pour lui
m'appara�t toujours comme un r�ve bizarre o� ma raison ne peut mettre
aucun ordre. Ce qu'il y a de certain, c'est que Leoni se montra piqu�,
surpris et atterr� par ma froideur, et qu'il me traita sur-le-champ avec
un respect qui satisfit mon orgueil bless�. Je le voyais tous les
jours, dans les f�tes ou � la promenade, et mon �loignement pour lui
s'�vanouissait vite devant les soins extraordinaires et les humbles
pr�venances dont il m'accablait. En vain ma tante essayait de me mettre
en garde contre la morgue dont elle l'accusait; je ne pouvais plus me
sentir offens�e par ses mani�res ou ses paroles; sa figure m�me avait
perdu cette arri�re-pens�e de sarcasme qui m'avait choqu�e d'abord.
Son regard prenait de jour en jour une douceur et une tendresse
inconcevables. Il ne semblait occup� que de moi seule; et, sacrifiant
son go�t pour les cartes, il passait les nuits enti�res � faire danser
ma m�re et moi, ou � causer avec nous. Bient�t il fut invit� � venir
chez nous. Je redoutais un peu cette visite; ma tante me pr�disait qu'il
trouverait dans notre int�rieur mille sujets de raillerie dont il ferait
semblant de ne pas s'apercevoir, mais qui lui fourniraient � rire avec
ses amis. Il vint, et, pour surcro�t de malheur, mon p�re, qui se
trouvait sur le seuil de sa boutique, le fit entrer par l� dans la
maison. Cette maison, qui nous appartenait, �tait fort belle, et ma
m�re l'avait fait d�corer avec un go�t exquis; mais mon p�re, qui ne se
plaisait que dans les occupations de son commerce, n'avait point voulu
transporter sous un autre toit l'�talage de ses perles et de ses
diamants. C'�tait un coup d'oeil magnifique que ce rideau de pierreries
�tincelantes derri�re les grands panneaux de glace qui le prot�geaient,
et mon p�re disait avec raison qu'il n'�tait pas de d�coration plus
splendide pour un rez-de-chauss�e. Ma m�re, qui n'avait eu jusque-l� que
des �clairs d'ambition pour se rapprocher de la noblesse, n'avait jamais
�t� choqu�e de voir son nom grav� en larges lettres de strass au-dessous
du balcon de sa chambre � coucher. Mais lorsque, de ce balcon, elle vit
Leoni franchir le seuil de la fatale boutique, elle nous crut perdues,
et me regarda avec anxi�t�.



V.

Dans le peu de jours qui avaient pr�c�d� celui-l�, j'avais eu la
r�v�lation d'une fiert� inconnue. Je la sentis se r�veiller, et, pouss�e
par un mouvement irr�sistible, je voulus voir de quel air Leoni faisait
la conversation au comptoir de mon p�re. Il tardait � monter, et je
supposais avec raison que mon p�re l'avait retenu pour lui montrer,
selon sa na�ve habitude, les merveilles de son travail. Je descendis
r�solument � la boutique, et j'y entrai en feignant quelque surprise d'y
trouver Leoni. Cette boutique m'�tait interdite en tout temps par ma
m�re, dont la plus grande crainte �tait de me voir passer pour une
marchande. Mais je m'�chappais quelquefois pour aller embrasser mon
pauvre p�re, qui n'avait pas de plus grande joie que de m'y recevoir.
Lorsqu'il me vit entrer, il fit une exclamation de plaisir et dit �
Leoni:--Tenez, tenez, monsieur le baron, je vous montrais peu de chose;
voici mon plus beau diamant. La figure de Leoni trahit une �motion
d�licieuse; il sourit � mon p�re avec attendrissement, et � moi avec
passion. Jamais un tel regard n'�tait tomb� sur le mien. Je devins rouge
comme le feu. Un sentiment de joie et de tendresse inconnue amena une
larme au bord de ma paupi�re pendant que mon p�re m'embrassait au front.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 18th Apr 2025, 18:44