Leone Leoni by George Sand


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Page 7

Ma m�re fut charm�e de cette r�ponse. Le n�gociant, ami de Leoni,
donnait pr�cis�ment le lendemain une f�te o� nous �tions invit�s. L�g�re
et cr�dule qu'elle �tait, il lui suffit d'avoir appris superficiellement
que Leoni �tait riche et noble, pour jeter aussit�t les yeux sur lui.
Elle m'en parla d�s le soir m�me, et me recommanda d'�tre jolie le
lendemain. Je souris et m'endormis exactement � la m�me heure que les
autres soirs, sans que la pens�e de Leoni acc�l�r�t d'une seconde les
battements de mon coeur. On m'avait habitu�e � entendre sans �motion
former de semblables projets. Ma m�re pr�tendait que j'�tais si
raisonnable, qu'on ne devait pas me traiter comme un enfant. Ma pauvre
m�re ne s'apercevait pas qu'elle �tait elle-m�me bien plus enfant que
moi.

Elle m'habilla avec tant de soin et de recherche, que je fus proclam�e
la reine du bal; mais d'abord ce fut en pure perle: Leoni ne paraissait
pas, et ma m�re crut qu'il �tait d�j� parti de Bruxelles. Incapable de
mod�rer son impatience, elle demanda au ma�tre de la maison ce qu'�tait
devenu son ami le V�nitien.

--Ah! dit M. Delpech, vous avez d�j� remarqu� mon V�nitien? Il jeta en
souriant un coup d'oeil sur ma toilette, et comprit.--C'est un joli
gar�on, ajouta-t-il, de haute naissance, et tr�s � la mode � Paris et �
Londres; mais je dois vous confesser qu'il est horriblement joueur, et
que, si vous ne le voyez pas ici, c'est qu'il pr�f�re les cartes aux
femmes les plus belles.

--Joueur! dit ma m�re, cela est fort vilain.

--Oh! reprit M. Delpech, c'est selon. Quand on en a le moyen!

--Au fait!... dit ma m�re; et cette observation lui suffit. Elle ne
s'inqui�ta plus jamais de la passion de Leoni pour le jeu.

Peu d'instants apr�s ce court entretien, Leoni parut dans le salon o�
nous dansions. Je vis M. Delpech lui parler � l'oreille en me regardant,
et les yeux de Leoni flotter incertains autour de moi, jusqu'� ce que,
guid� par les indications de son ami, il me d�couvrit dans la foule et
s'approcha pour me mieux voir. Je compris en ce moment que mon r�le
de fille � marier �tait un peu ridicule; car il y avait quelque chose
d'ironique dans l'admiration de son regard, et pour la premi�re fois de
ma vie peut-�tre je rougis et sentis de la honte.

Cette honte devint une sorte de souffrance lorsque je vis que Leoni
�tait retourn� � la salle de jeu au bout de quelques instants. Il me
sembla que j'�tais raill�e et d�daign�e, et j'en eus du d�pit contre ma
m�re. Cela ne m'�tait jamais arriv�, et elle s'�tonna de l'humeur que je
lui montrai.--Allons, me dit-elle avec un peu de d�pit � son tour, je ne
sais ce que tu as, mais tu deviens laide. Partons.

Elle se levait d�j� lorsque Leoni traversa vivement la salle et vint
l'inviter � valser. Cet incident inesp�r� lui rendit la gaiet�; elle me
jeta en riant son �ventail et disparut avec lui dans le tourbillon.

Comme elle aimait passionn�ment la danse, nous �tions toujours
accompagn�es au bal par une vieille tante, soeur a�n�e de mon p�re, qui
me servait de chaperon lorsque je n'�tais pas invit�e � danser en m�me
temps que ma m�re. Mademoiselle Agathe, c'est ainsi qu'on appelait ma
tante, �tait une vieille fille d'un caract�re �gal et froid. Elle avait
plus de bon sens que le reste de la famille; mais elle n'�tait pas
exemple du penchant � la vanit�, qui est recueil de tous les parvenus.
Quoiqu'elle fit au bal une fort triste figure, elle ne se plaignait
jamais de l'obligation de nous y accompagner; c'�tait pour elle
l'occasion de montrer dans ses vieux jours de fort belles robes qu'elle
n'avait pas eu le moyen de se procurer dans sa jeunesse. Elle faisait
donc un grand cas de l'argent; mais elle n'�tait pas �galement
accessible � toutes les s�ductions du monde. Elle avait une vieille
haine contre les nobles, et ne perdait pas une occasion de les d�nigrer
et de les tourner en ridicule, ce dont elle s'acquittait avec assez
d'esprit.

Fine et p�n�trante, habitu�e � ne pas agir et � observer les actions
d'autrui, elle avait compris la cause du petit mouvement d'humour que
j'avais �prouv�. Le babillage expansif de ma m�re l'avait instruite
de ses intentions sur Leoni, et le visage � la fois aimable, fier et
moqueur du V�nitien lui r�v�lait beaucoup de choses que ma m�re ne
comprenait pas.--Vois-tu, Juliette, me dit-elle en se penchant vers moi,
voici un grand seigneur qui se moque de nous.

J'eus un tressaillement douloureux. Ce que disait ma tante r�pondait �
mes pressentiments. C'�tait la premi�re fois que j'apercevais clairement
sur la figure d'un homme le d�dain de notre bourgeoisie. On m'avait
accoutum�e � me divertir de celui que les femmes ne nous �pargnaient
gu�re, et � le regarder comme une marque d'envie; mais notre beaut� nous
avait jusque-l� pr�serv�es du d�dain des hommes, et je pensai que Leoni
�tait le plus insolent qui e�t jamais exist�. Il me fit horreur, et
quand, apr�s avoir ramen� ma m�re � sa place, il m'invita pour la
contredanse suivante, je le refusai fi�rement. Sa figure exprima un tel
�tonnement, que je compris � quel point il comptait sur un bon accueil.
Mon orgueil triompha, et je m'assis aupr�s de ma m�re en d�clarant que
j'�tais fatigu�e. Leoni nous quitta en s'inclinant profond�ment � la
mani�re des Italiens, et en jetant sur moi un regard de curiosit� o�
per�ait toujours la moquerie de son caract�re.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 11th Apr 2025, 21:09