Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 4
--Ma bien-aim�e, lui dis-je en la pressant sur mon coeur, tu r�ponds
admirablement aux viles injures des mis�rables qui t'ont m�connue. Mais
pourquoi me dis-tu cela? Crois-tu avoir besoin de te justifier aupr�s
de Bustamente du bonheur que lu lui as donn�, le seul bonheur qu'il ait
jamais go�t� dans sa vie? C'est � moi de me justifier si je puis, car
c'est moi qui ai tort. Je sais combien ta fiert� et ton d�sespoir
m'ont r�sist�: je ne devrais jamais l'oublier. Quand je prends un ton
d'autorit� avec toi, je suis un fou qu'il faut excuser; car la passion
que j'ai pour toi trouble ma raison et dompte toutes mes forces.
Pardonne-moi, Juliette, et oublie un instant de col�re. H�las! je suis
malhabile � me faire aimer; j'ai dans le caract�re une rudesse qui te
d�pla�t; je te blesse quand je commen�ais � te gu�rir, et souvent je
d�truis dans une heure l'ouvrage de bien des jours.
--Non, non, oublions cette querelle, interrompit Juliette en
m'embrassant. Pour un peu de mal que vous me faites, je vous en fais
cent fois plus. Votre caract�re est quelquefois imp�rieux, ma douleur
est toujours cruelle; et cependant ne croyez pas qu'elle soit incurable.
Votre bont� et votre amour finiront par la vaincre. J'aurais un coeur
ingrat si je n'acceptais l'esp�rance que vous me montrez. Nous parlerons
de mariage une autre fois; peut-�tre m'y ferez-vous consentir. Pourtant
j'avoue que je crains cette sorte de d�pendance consacr�e par toutes
les lois et par tous les pr�jug�s: cela est honorable, mais cela est
indissoluble.
--Encore un mot cruel, Juliette! Craignez-vous donc d'�tre jamais � moi?
--Non, non, sans doute. Ne t'afflige pas, je ferai ce que tu voudras;
mais laissons cela pour aujourd'hui.
--Eh bien! accorde-moi une autre faveur � la place de celle-l�: consens
� quitter Venise demain.
--De tout mon coeur. Que m'importe Venise et tout le reste? Va, ne me
crois pas quand j'exprime quelque regret du pass�; c'est le d�pit ou la
folie qui me fait parler ainsi! Le pass�! juste ciel! ne sais-tu pas
combien j'ai de raisons pour le ha�r? Vois comme il m'a bris�e! Comment
aurais-je la force de le ressaisir s'il m'�tait rendu!
Je baisai la main de Juliette pour la remercier de l'effort qu'elle
faisait en parlant ainsi; mais je n'�tais pas convaincu: elle ne m'avait
fait aucune r�ponse satisfaisante. Je repris ma promenade m�lancolique
autour de la chambre.
Le sirocco s'�tait lev� et avait s�ch� le pav� en un instant. La ville
�tait redevenue sonore, comme elle est ordinairement, et mille bruits
de f�te se faisaient entendre: tant�t la chanson rauque des gondoliers
avin�s, tant�t les hu�es des masques sortant des caf�s et aga�ant les
passants, tant�t le bruit de la rame sur le canal. Le canon de la
fr�gate souhaita le bonsoir aux �chos des lagunes, qui lui r�pondirent
comme une d�charge d'artillerie. Le tambour autrichien y m�la son
roulement brutal, et la cloche de Saint-Marc fit entendre un son
lugubre.
Une tristesse horrible s'empara de moi. Les bougies, en se consumant,
mettaient le feu � leurs collerettes de papier vert et jetaient une
lueur livide sur les objets. Tout prenait pour mes sens des formes et
des sons imaginaires. Juliette, �tendue sur le sofa et roul�e dans
l'hermine et dans la soie, me semblait une morte envelopp�e dans son
linceul. Les chants et les rires du dehors me faisaient l'effet de cris
de d�tresse, et chaque gondole qui glissait sous le pont de marbre situ�
au bas de ma fen�tre me donnait l'id�e d'un noy� se d�battant contre les
flots et l'agonie. Enfin, je n'avais que des pens�es de d�sespoir et de
mort dans la t�te, et je ne pouvais soulever le poids dont ma poitrine
�tait oppress�e.
Cependant je me calmai et je fis de moins folles r�flexions. Je m'avouai
que la gu�rison de Juliette faisait des progr�s bien lents, et que,
malgr� tous les sacrifices que la reconnaissance lui avait arrach�s en
ma faveur, son coeur �tait presque aussi malade que dans les premiers
jours. Ces regrets si longs et si amers d'un amour si mis�rablement
plac� me semblaient inexplicables, et j'en cherchai la cause dans
l'impuissance de mon affection. Il faut, pensai-je, que mon caract�re
lui inspire quelque r�pugnance insurmontable qu'elle n'ose m'avouer.
Peut-�tre la vie que je m�ne lui est-elle antipathique, et pourtant j'ai
conform� mes habitudes aux siennes. Leoni la promenait sans cesse de
ville en ville; je la fais voyager depuis deux ans sans m'attacher �
aucun lieu et sans tarder un instant � quitter l'endroit o� je vois la
moindre trace d'ennui sur son visage. Cependant elle est triste; cela
est certain; rien ne l'amuse, et c'est par d�vouement qu'elle daigne
quelquefois sourire. Rien de ce qui pla�t aux femmes n'a d'empire sur
cette douleur: c'est un rocher que rien n'�branle, un diamant que rien
ne ternit. Pauvre Juliette! quelle vigueur dans ta faiblesse! quelle
r�sistance d�sesp�rante dans ton inertie!
Previous Page
| Next Page
|
|