Leone Leoni by George Sand


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Page 37

Ce fut Zanini qui le pr�senta chez la princesse de X..., dont il �levait
les enfants. La sup�riorit� d'esprit de cet homme l'avait depuis
plusieurs ann�es �tabli dans la soci�t� de la princesse sur un pied
moins subalterne que les gouverneurs ne le sont d'ordinaire dans les
grandes maisons. Il faisait les honneurs du salon, tenait le haut de la
conversation, chantait admirablement, et dirigeait les concerts.

Leoni, gr�ce � son esprit et � ses talents, fut accueilli avec
empressement et bient�t recherch� avec enthousiasme. Il exer�a � Paris,
sur certaines coteries, l'empire que vous lui avez vu exercer sur
toute une ville de province. Il s'y comportait magnifiquement, jouait
rarement, mais toujours pour perdre des sommes immenses que gagnait
g�n�ralement le marquis de ***... Ce marquis fut pr�sent� peu de temps
apr�s lui par Zanini. Quoique compatriote de Leoni, il feignait de ne
pas le conna�tre ou affectait d'avoir de l'�loignement pour lui. Il
racontait � l'oreille de tout le monde qu'ils avaient �t� en rivalit�
d'amour � Venise, et que, bien que gu�ris l'un et l'autre de leur
passion, ils ne l'�taient point de leur inimiti�. Gr�ce � cette
fourberie, personne ne les soup�onnait d'�tre d'accord pour exercer leur
industrie.

Ils l'exerc�rent durant tout un hiver sans inspirer le moindre soup�on.
Ils perdaient quelquefois immens�ment l'un et l'autre, mais plus souvent
ils gagnaient, et ils menaient, chacun de son c�t�, un train de prince.
Un jour un de mes amis, qui perdait �norm�ment contre Leoni, surprit
un signe imperceptible entre lui et le marquis v�nitien. Il garda le
silence et les observa tous deux pendant plusieurs jours avec attention.
Un soir que nous avions pari� du m�me c�t�, et que nous perdions
toujours, il s'approcha de moi et me dit:--Regardez ces deux Italiens;
j'ai la conviction et presque la certitude qu'ils s'entendent pour
tricher. Je quitte demain Paris pour une affaire extr�mement press�e;
je vous laisse le soin d'approfondir ma d�couverte et d'en avertir vos
amis, s'il y a lieu. Vous �tes un homme sage et prudent; vous n'agirez
pas, j'esp�re, sans bien savoir ce que vous faites. En tout cas, si vous
avez quelque affaire avec ces gens-l�, ne manquez pas de me nommer � eux
comme le premier qui les ait accus�s, et �crivez-moi; je me charge de
vicier la querelle avec un des deux. Il me laissa son adresse et partit.
J'examinai les deux chevaliers d'industrie, et j'acquis la certitude que
mon ami ne s'�tait pas tromp�. J'arrivai � l'enti�re d�couverte de leur
mauvaise foi pr�cis�ment � une soir�e chez la princesse de X.... Je pris
aussit�t Zanini par le bras, et l'entra�nant � l'�cart:--Connaissez-vous
bien, lui demandai-je, les deux V�nitiens que vous avez pr�sent�s ici?

--Parfaitement, me r�pondit-il avec beaucoup d'aplomb; j'ai �t� le
gouverneur de l'un, je suis l'ami de l'autre.

--Je vous en fais mon compliment, lui dis-je, ce sont deux escrocs. Je
lui fis cette r�ponse avec tant d'assurance, qu'il changea de visage,
malgr� sa grande habitude de dissimulation. Je le soup�onnais d'avoir un
int�r�t dans leur gain, et je lui d�clarai que j'allais d�masquer ses
deux compatriotes. Il se troubla tout � fait et me supplia avec instance
de ne pas le faire. Il essaya de me persuader que je me trompais. Je le
priai de me conduire dans sa chambre avec le marquis. L� je m'expliquai
en peu de mots tr�s-clairs, et le marquis, au lieu de se disculper,
p�lit et s'�vanouit. Je ne sais si cette sc�ne fut jou�e par lui et
l'abb�, mais ils me conjur�rent avec tant de douleur, le marquis me
marqua tant de honte et de remords, que j'eus la bonhomie de me laisser
fl�chir. J'exigeai seulement qu'il quitt�t la France avec Leoni
sur-le-champ. Le marquis promit tout; mais je voulus moi-m�me faire la
m�me injonction � son complice: je lui ordonnai de le faire monter. Il
se fit longtemps attendre; enfin il arriva, non pas humble et tremblant
comme l'autre, mais fr�missant de rage et serrant les poings. Il pensait
peut-�tre m'intimider par son insolence; je lui r�pondis que j'�tais
pr�t � lui donner toutes les satisfactions qu'il voudrait, mais que
je commencerais par l'accuser publiquement. J'offris en m�me temps au
marquis la r�paration de mon ami aux m�mes conditions. L'impudence de
Leoni fut d�concert�e. Ses compagnons lui firent sentir qu'il �tait
perdu s'il r�sistait. Il prit son parti, non sans beaucoup de r�sistance
et de fureur, et tous deux quitt�rent la maison sans repara�tre au
salon. Le marquis partit le lendemain pour G�nes, Leoni pour Bruxelles.
J'�tais rest� seul avec Zanini dans sa chambre; je lui fis comprendre
les soup�ons qu'il m'inspirait et le dessein que j'avais de le d�noncer
� la princesse. Comme je n'avais point de preuves certaines contre lui,
il fut moins humble et moins suppliant que le marquis; mais je vis qu'il
n'�tait pas moins effray�. Il mit en oeuvre toutes les ressources de
son esprit pour conqu�rir ma bienveillance et ma discr�tion. Je lui
fis avouer pourtant qu'il connaissait jusqu'� un certain point les
turpitudes de son �l�ve, et je le for�ai de me raconter son histoire. En
ceci Zanini manqua de prudence: il aurait d� soutenir obstin�ment qu'il
les ignorait; mais la duret� avec laquelle je le mena�ais de d�voiler
les h�tes qu'il avait introduits lui fit perdre la t�te. Je le quittai
avec la conviction qu'il �tait un dr�le, aussi l�che, mais plus
circonspect que les deux autres. Je lui gardai le secret par prudence
pour moi-m�me. Je craignais que l'ascendant qu'il avait sur la princesse
X... ne l'emport�t sur ma loyaut�, qu'il n'e�t l'habilet� de me faire
passer aupr�s d'elle pour un imposteur ou pour un fou, et qu'il ne
rendit ma conduite ridicule. J'�tais las de cette sale aventure. Je n'y
pensai plus et quittai Paris trois mois apr�s. Vous savez quelle fut
la premi�re personne que mes yeux cherch�rent dans le bal de Delpech.
J'�tais encore amoureux de vous, et, arriv� depuis une heure, j'ignorais
que vous alliez vous marier. Je vous d�couvris au milieu de la foule; je
m'approchai de vous et je vis Leoni � vos c�t�s. Je crus faire un r�ve,
je crus qu'une ressemblance m'abusait. Je fis des questions, et je
m'assurai que votre fianc� �tait le chevalier d'industrie qui m'avait
vol� trois ou quatre cents louis. Je n'esp�rai point le supplanter, je
crois m�me que je ne le d�sirais pas. Succ�der dans votre coeur � un
pareil homme, essuyer peut-�tre sur vos joues l� trace de ses baisers,
�tait une pens�e qui gla�ait mon amour. Mais je jurai qu'une fille
innocente et une honn�te famille ne seraient pas dupes d'un mis�rable.
Vous savez que notre explication ne fut ni longue ni verbeuse; mais
votre fatale passion fit �chouer l'effort que je faisais pour vous
sauver.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 15:41