Leone Leoni by George Sand


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Page 36

--Faire des dupes! lui! comment? Oh! prenez garde � ce que vous dites,
Henryet; il est d�j� assez charg� d'accusations.

--Je vous crois encore incapable d'�tre sa complice, Juliette; mais
prenez garde de le devenir; prenez garde � votre famille. Je ne sais pas
jusqu'� quel point on peut �tre impun�ment la ma�tresse d'un fripon.

--Vous me faites mourir de honte, Monsieur; vos paroles sont cruelles;
achevez donc votre ouvrage, et d�chirez tout � fait mon coeur en
m'apprenant ce qui vous donne pour ainsi dire droit de vie et de mort
sur Leoni? O� l'avez-vous connu? que savez-vous de sa vie pass�e?
Je n'en sais rien, moi, h�las! j'ai vu en lui tant de choses
contradictoires que je ne sais plus s'il est riche ou pauvre, s'il
est noble ou pl�b�ien; je ne sais m�me pas si le nom qu'il porte lui
appartient.

--C'est la seule chose que le hasard, r�pondit Henryet, lui ait �pargn�
la peine de voler. Il s'appelle en effet Leone Leoni, et sort d'une des
plus nobles maisons de Venise. Son p�re avait encore quelque fortune et
poss�dait le palais que vous venez d'habiter. Il avait une tendresse
illimit�e pour ce fils unique, dont les pr�coces dispositions
annon�aient une organisation sup�rieure. Leoni fut �lev� avec soin,
et, d�s l'�ge de quinze ans, parcourut la moiti� de l'Europe avec son
gouverneur. En cinq ans il apprit, avec une incroyable facilit�, la
langue, les moeurs et la litt�rature des peuples qu'il traversa. La mort
de son p�re le ramena � Venise avec son gouverneur. Ce gouverneur �tait
l'abb� Zanini, que vous avez pu voir souvent chez vous cet hiver. Je ne
sais si vous l'avez bien jug�: c'est un homme d'une imagination vive,
d'une finesse exquise, d'une instruction immense, mais d'une immoralit�
incroyable et d'une l�chet� certaine sous les dehors hypocrites de la
tol�rance et du bon sens. Il avait naturellement d�prav� la conscience
de son �l�ve, et avait remplac� en lui les notions du juste et de
l'injuste par une pr�tendue science de la vie qui consistait � faire
toutes les folies amusantes, toutes les fautes profitables, toutes les
bonnes et les mauvaises actions qui pouvaient tenter le coeur humain.
J'ai connu ce Zanini � Paris, et je me souviens de lui avoir entendu
dire qu'il fallait savoir faire le mal pour savoir faire le bien, savoir
jouir dans le vice pour savoir jouir dans la vertu. Cet homme, plus
prudent, plus habile et plus froid que Leoni, lui est beaucoup sup�rieur
dans sa science; et Leoni, emport� par ses passions ou d�rout� par ses
caprices, ne le suit que de loin en faisant mille �carts qui doivent le
perdre dans la soci�t�, et qui l'ont d�j� perdu, puisqu'il est d�sormais
� la discr�tion de quelques complices cupides et de quelques honn�tes
gens dont il lassera la g�n�rosit�.

Un froid mortel gla�ait mes membres tandis qu'Henryet parlait ainsi. Je
fis un effort pour �couter le reste.



XVI.

--A vingt ans, reprit Henryet, Leoni se trouva donc � la t�te d'une
fortune assez honorable, et enti�rement ma�tre de ses actions. Il �tait
dans la plus facile position pour faire le bien; mais il trouva son
patrimoine au-dessous de son ambition, et, en attendant qu'il �lev�t
une fortune �gale � ses d�sirs sur je ne sais quels projets insens�s ou
coupables, il d�vora en deux ans tout son h�ritage. Sa maison, qu'il fit
d�corer avec la richesse que vous avez vue, fut le rendez-vous de tous
les jeunes gens dissip�e et de toutes les femmes perdues de l'Italie.
Beaucoup d'�trangers, amateurs de la vie �l�gante, y furent accueillis;
et c'est ainsi que Leoni, li� d�j� par ses voyages avec beaucoup de
gens comme il faut, �tablit dans tous les pays les relations les plus
brillantes et s'assura les protections les plus utiles.

Dans cette nombreuse soci�t� durent s'introduire, comme il arrive
partout, des intrigants et des escrocs. J'ai vu � Paris, autour de
Leoni, plusieurs figures qui m'ont inspir� de la m�fiance, et que je
soup�onne aujourd'hui devoir former avec lui et le marquis de ***... une
affiliation de filous de bonne compagnie. C�dant � leurs conseils, aux
le�ons de Zanini ou � ses dispositions naturelles, le jeune Leoni dut
s'exercer � tricher au jeu. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il acquit
ce talent � un degr� �minent, et qu'il l'a probablement mis en usage
dans toutes les villes de l'Europe sans exciter la moindre d�fiance.
Lorsqu'il fut absolument ruin�, il quitta Venise et se mit � voyager de
nouveau en aventurier. Ici le fil de son histoire m'�chappe. Zanini, par
qui j'ai su une partie de ce que je viens de vous raconter, pr�tendait
l'avoir perdu de vue depuis ce moment, et n'avoir appris que par une
correspondance souvent interrompue les mille changements de fortune et
les mille intrigues de Leoni dans le monde. Il s'excusait d'avoir form�
un tel �l�ve en disant que Leoni avait pris � c�t� de sa doctrine; mais
il excusait l'�l�ve en louant l'habilet� incroyable, la force d'�me et
la pr�sence d'esprit avec laquelle il avait conjur� le sort, travers�
et vaincu l'adversit�. Enfin Leoni vint � Paris avec son ami fid�le, le
marquis de ***..., que vous connaissez, et c'est l� que j'eus l'occasion
de le voir et de le juger.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 13:32