Leone Leoni by George Sand


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Page 33

Un soir, au coucher du soleil, je sortais de la cath�drale, o� j'avais
pri� Dieu avec ferveur de m'appeler � lui et d'accepter mes souffrances
en expiation de mes fautes. Je marchais lentement sous le magnifique
portail, et je m'appuyais de temps en temps contre les piliers, car
j'�tais faible. Une fi�vre lente me consumait. L'�motion de la pri�re et
l'air de l'�glise m'avaient baign�e d'une sueur froide: je ressemblais
� un spectre sorti du pav� s�pulcral pour voir encore une fois les
derniers rayons du jour. Un homme, qui me suivait depuis quelque temps
sans que j'y fisse grande attention, me parla, et je me retournai
sans surprise, sans frayeur, avec l'apathie d'un mourant. Je reconnus
Henryet.

Aussit�t le souvenir de ma patrie et de ma famille se r�veilla en moi
avec imp�tuosit�. J'oubliai l'�trange conduite de ce jeune homme envers
moi, la puissance terrible qu'il exer�ait sur Leoni, son ancien amour
si mal accueilli par moi, et la haine que j'avais ressentie contre lui
depuis. Je ne songeai qu'� mon p�re et � ma m�re, et, lui tendant la
main avec vivacit�, je l'accablai de questions. Il ne se pressa pas
de me r�pondre, quoiqu'il par�t touch� de mon �motion et de mon
empressement.

--�tes-vous seule ici? me dit-il, et puis-je causer avec vous sans vous
exposer � aucun danger?

--Je suis seule, personne ici ne me conna�t ni ne s'occupe de moi.
Asseyons-nous sur ce banc de pierre, car je suis souffrante, et, pour
l'amour du ciel, parlez-moi de mes parents. Il y a une ann�e tout
enti�re que je n'ai entendu prononcer leur nom.

--Vos parents! dit Henryet avec tristesse. Il y en a un qui ne vous
pleure plus.

--Mon p�re est mort! m'�criai-je en me levant. Henryet ne r�pondit pas.
Je retombai accabl�e sur le banc, et je dis � demi-voix:--Mon Dieu, qui
allez me r�unir � lui, faites qu'il me pardonne!

--Votre m�re, dit Henryet, a �t� longtemps malade. Elle a essay� ensuite
de se distraire; mais elle avait perdu sa beaut� dans les larmes, et n'a
point trouv� de consolation dans le monde.

--Mon p�re mort! dis-je en joignant mes faibles mains, ma m�re vieille
et triste! Et ma tante?

--Votre tante essaie de consoler votre m�re en lui prouvant que vous ne
m�ritez pas ses regrets; mais votre m�re ne l'�coute pas, et chaque jour
elle se fl�trit dans l'isolement et l'ennui. Et vous, Madame?

Henryet pronon�a ces derniers mots d'un ton froid, o� per�ait cependant
la compassion sous le m�pris.

--Et moi, je me meurs, vous le voyez.

Il me prit la main, et des larmes lui vinrent aux yeux.

--Pauvre fille! me dit-il, ce n'est pas ma faute. J'ai fait ce que j'ai
pu pour vous emp�cher de tomber dans ce pr�cipice, mais vous l'avez
voulu.

--Ne parlez pas de cela, lui dis-je, il m'est impossible d'en causer
avec vous. Dites-moi si ma m�re m'a fait chercher apr�s ma fuite?

--Votre m�re vous a cherch�e, mais pas assez. Pauvre femme! elle �tait
constern�e, elle a manqu� de pr�sence d'esprit. Il n'y a pas de vigueur,
Juliette, dans le sang dont vous �tes form�e.

--Ah! c'est vrai, lui dis-je nonchalamment. Nous �tions tous indolents
et pacifiques dans ma famille. Ma m�re a-t-elle esp�r� que je
reviendrais?

--Elle l'a esp�r� follement et pu�rilement. Elle vous attend encore, et
vous esp�rera jusqu'� son dernier soupir.

Je me mis � sangloter. Henryet me laissa pleurer sans dire un mot. Je
crois qu'il pleurait aussi. J'essuyai mes yeux pour lui demander si ma
m�re avait �t� bien afflig�e de mon d�shonneur, si elle avait rougi de
moi, si elle osait encore prononcer mon nom.

--Elle l'a sans cesse � la bouche, dit Henryet. Elle conte sa douleur �
tout le monde; � pr�sent on est blas� sur cette histoire, et on sourit
quand votre m�re commence � pleurer, ou bien on l'�vite en disant: Voila
encore madame Ruyter qui va nous raconter l'enl�vement de sa fille!

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 7:22