Leone Leoni by George Sand


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Page 32

--Ne crois pas � ces calomnies, r�pondit Leoni; la princesse est jeune,
belle; j'en suis amoureux...

--A la bonne heure, lui dis-je avec un profond soupir, j'aime mieux vous
voir infid�le que d�shonor�. Aimez la, aimez-la beaucoup; car elle est
riche, et vous �tes pauvre! Si vous l'aimez beaucoup, la richesse et la
pauvret� ne seront plus que des mots entre vous. Je vous aimais ainsi;
et quoique je n'eusse rien pour vivre que vos dons, je n'en rougissais
pas; � pr�sent je m'avilirais et je vous serais insupportable.
Laissez-moi donc partir. Votre obstination � me garder pour me faire
mourir dans les tortures est une folie et une cruaut�.

---C'est vrai, dit Leoni d'un air sombre; pars donc! je suis un bourreau
de vouloir t'en emp�cher.

Il sortit d'un air d�sesp�r�. Je me jetai � genoux, je demandai au ciel
de la force, j'invoquai le souvenir de ma m�re, et je me relevai pour
faire de nouveau les courts appr�ts de mon d�part.

[Illustration: Je tuerai au moins cet homme-l� r�pondit Leoni.]

Quand mes malles furent referm�es, je demandai des chevaux de poste
pour le soir m�me, et en attendant je me jetai sur un lit. J'�tais
si accabl�e de fatigue et tellement bris�e par le d�sespoir, que
j'�prouvai, en m'endormant, quelque chose qui ressemblait � la paix du
tombeau.

Au bout d'une heure je fus r�veill�e par les embrassements passionn�s de
Leoni.

--C'est en vain que tu veux partir, me dit-il; cela est au-dessus de mes
forces. J'ai renvoy� tes chevaux, j'ai fait d�charger tes malles. Je
viens de me promener seul dans la campagne, et j'ai fait mon possible
pour me forcer � te perdre. J'ai r�solu de ne pas te dire adieu. J'ai
�t� chez la princesse, j'ai t�ch� de me figurer que je l'aimais; je la
hais et je t'aime. Il faut que tu restes.

Ces �motions continuelles m'affaiblissaient l'�me autant que le corps;
je commen�ais � ne plus avoir la facult� de raisonner; le mal et le
bien, l'estime et le m�pris devenaient pour moi des sons vagues, des
mots que je ne voulais plus comprendre, et qui m'effrayaient comme
des chiffres innombrables qu'on m'aurait dit de supputer. Leoni avait
d�sormais sur moi plus qu'une force morale; il avait une puissance
magn�tique � laquelle je ne pouvais plus me soustraire. Son regard, sa
voix, ses larmes agissaient sur mes nerfs autant que sur mon coeur; je
n'�tais plus qu'une machine qu'il poussait � son gr� dans tous les sens.

Je lui pardonnai, je m'abandonnai � ses caresses, je lui promis tout ce
qu'il voulut. Il me dit que la princesse Zagarolo, �tant veuve, avait
song� � l'�pouser; que le court et frivole engouement qu'il avait eu
pour elle lui avait fait croire � son amour; qu'elle s'�tait follement
compromise pour lui, et qu'il �tait oblig� de la m�nager et de s'en
d�tacher peu � peu, ou d'avoir affaire � toute la famille.--S'il ne
s'agissait que de me battre avec tous ses fr�res, tous ses cousins et
tous ses oncles, dit-il, je m'en soucierais fort peu; mais ils agiront
en grands seigneurs, me d�nonceront comme carbonaro, et me feront jeter
dans une prison, o� j'attendrai peut-�tre dix ans qu'on veuille bien
examiner ma cause.

J'�coutai tous ces contes absurdes avec la cr�dulit� d'un enfant.
Leoni ne s'�tait jamais occup� de politique; mais j'aimais encore � me
persuader que tout ce qu'il y avait de probl�matique dans son existence
se rattachait � quelque grande entreprise de ce genre. Je consentis �
passer toujours dans l'h�tel pour sa soeur, � me montrer peu dehors et
jamais avec lui, enfin � le laisser absolument libre de me quitter �
toute heure sur la requ�te de la princesse.



XV.

Cette vie fut affreuse, mais je la supportai. Les tortures de la
jalousie m'�taient encore inconnues jusque-l�; elles s'�veill�rent,
et je les �puisai toutes. J'�vitai � Leoni l'ennui de les combattre;
d'ailleurs il ne me restait plus assez de force pour les exprimer. Je
r�solus de me laisser mourir en silence; je me sentais assez malade pour
l'esp�rer. L'ennui me d�vorait encore plus � Milan qu'� Venise; j'y
avais plus de souffrances et moins de distractions. Leoni vivait
ouvertement avec la princesse Zagarolo. Il passait les soirs dans sa
loge au spectacle ou au bal avec elle; il s'en �chappait pour venir me
voir un instant, et puis il retournait souper avec elle et ne rentrait
que le matin � six heures. Il se couchait accabl� de fatigue et souvent
de mauvaise humeur. Il se levait � midi, silencieux et distrait, et
allait se promener en voiture avec sa ma�tresse. Je les voyais souvent
passer; Leoni avait aupr�s d'elle cet air sagement triomphant, cette
coquetterie de maintien, ces regards heureux et tendres qu'il avait eus
jadis aupr�s de moi; maintenant je n'avais plus que ses plaintes et le
r�cit de ses contrari�t�s. Il est vrai que j'aimais mieux le voir venir
� moi soucieux et d�go�t� de son esclavage que paisible et insouciant,
comme cela lui arrivait quelquefois; il semblait alors qu'il e�t oubli�
l'amour qu'il avait eu pour moi et celui que j'avais encore pour lui;
il trouvait naturel de me confier les d�tails de son intimit� avec une
autre, et ne s'apercevait pas que le sourire de mou visage en l'�coutant
�tait une convulsion muette de la douleur.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 5:13