Leone Leoni by George Sand


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 28

Ici Leoni baissa la t�te et tomba dans un morne silence; la confession
qu'il avait peut-�tre song� � me faire expira sur ses l�vres. Je vis �
sa honte et � sa tristesse qu'il �tait bien inutile de r�torquer les
arguments sophistiques de son d�sordre; sa conscience s'en �tait d�j�
charg�e.

--Ecoute, me dit-il quand nous f�mes r�concili�s, demain je ferme la
maison � tous mes commensaux, et je pars pour Milan, o� j'ai � toucher
encore une somme assez forte qui m'est due. Pendant ce temps, soigne-toi
bien, r�tablis ta sant�, mets en ordre toutes les requ�tes de nos
cr�anciers, et fais les appr�ts de notre d�part. Dans huit jours, dans
quinze au plus, je reviendrai payer nos dettes et te chercher pour aller
vivre avec toi o� tu voudras, pour toujours.

Je crus � tout, je consentis � tout. Il partit, et la maison fut ferm�e.
Je n'attendis pas que je fusse enti�rement gu�rie pour m'occuper de
remettre tout en ordre et de reviser les m�moires des fournisseurs.
J'esp�rais que Leoni m'�crirait d�s son arriv�e � Milan, comme il
me l'avait promis; il fut plus de huit jours sans me donner de ses
nouvelles. Il m'annon�a enfin qu'il �tait s�r de toucher beaucoup plus
d'argent que nous n'en devions, mais qu'il serait oblig� de rester vingt
jours absent au lieu de quinze. Je me r�signai. Au bout de vingt jours,
une nouvelle lettre m'annon�a qu'il �tait forc� d'attendre ses rentr�es
jusqu'� la fin du mois. Je tombai dans le d�couragement. Seule dans ce
grand palais, o�, pour �chapper aux insolentes visites des compagnons de
Leoni, j'�tais oblig�e de me cacher, de baisser les stores de ma fen�tre
et de soutenir une esp�ce de si�ge, d�vor�e d'inqui�tude, malade et
faible, livr�e aux plus noires r�flexions et � tous les remords que
l'aiguillon du malheur r�veille, je fus plusieurs fois tent�e de mettre
fin � ma d�plorable vie.

Mais je n'�tais pas au bout de mes souffrances.



XIII.

Un matin, que je croyais �tre seule dans le grand salon et que je tenais
un livre ouvert sur mes genoux, sans songer � le regarder, j'entendis du
bruit aupr�s de moi, et, sortant de ma l�thargie, je vis la d�testable
figure du vicomte de Chalm. Je fis un cri, et j'allais le chasser,
lorsqu'il se confondit en excuses d'un air � la fois respectueux et
railleur, auquel je ne sus que r�pondre. Il me dit qu'il avait forc� ma
porte sur l'autorisation d'une lettre de Leoni, qui l'avait sp�cialement
charg� de venir s'informer de ma sant� et de lui en donner des
nouvelles. Je ne crus point � ce pr�texte, et j'allais je lui dire;
mais, sans m'en laisser le temps, il se mit � parler lui-m�me avec un
sang-froid si impudent, qu'� moins d'appeler mes gens, il m'e�t
�t� impossible de le mettre � la porte. Il �tait d�cid� � ne rien
comprendre.

--Je vois, Madame, me dit-il d'un air d'int�r�t hypocrite, que vous �tes
inform�e de la situation f�cheuse o� se trouve le baron. Soyez s�re que
mes faibles ressources sont � sa disposition; c'est malheureusement bien
peu de chose pour contenter la prodigalit� d'un caract�re si magnifique.
Ce qui me console, c'est qu'il est courageux, entreprenant et ing�nieux.
Il a refait plusieurs fois sa fortune; il la rel�vera encore. Mais vous
aurez � souffrir, vous, madame, si jeune, si d�licate et si digne d'un
meilleur sort! C'est pour vous que je m'afflige profond�ment des folies
de Leoni et de toutes celles qu'il va encore commettre avant de trouver
des ressources. La mis�re est une horrible chose � votre �ge, et quand
en a toujours v�cu dans le luxe...

Je l'interrompis brusquement; car je crus voir o� il voulait en venir
avec son injurieuse compassion. Je ne comprenais pas encore toute la
bassesse de ce personnage.

Devinant ma m�fiance, il s'empressa de la combattre. Il me fit entendre,
avec toute la politesse de son langage subtil et froid, qu'il se jugeait
trop vieux et trop peu riche pour m'offrir son appui, mais qu'un jeune
lord immens�ment riche, qui m'avait �t� pr�sent� par lui, et qui m'avait
fait quelques visites, lui avait confi� l'honorable message de me tenter
par des promesses magnifiques. Je n'eus pas la force de r�pondre � cet
affront; j'�tais si faible et si abattue, que je me mis � pleurer sans
rien dire. L'inf�me Chalm crut que j'�tais �branl�e; et, pour me d�cider
enti�rement, il me d�clara que Leoni ne reviendrait point � Venise,
qu'il �tait encha�n� aux pieds de la princesse Zagarolo, et qu'il lui
avait donn� plein pouvoir de traiter cette affaire avec moi.

L'indignation me rendit enfin la pr�sence d'esprit dont j'avais besoin
pour accabler cet homme de m�pris et de confusion. Mais il fut bient�t
remis de son trouble.--Je vois, Madame, me dit-il, que votre jeunesse et
votre candeur ont �t� cruellement abus�es, et je ne saurais vous rendre
haine pour haine, car vous me m�connaissez et vous m'accusez; moi, je
vous connais et vous estime. J'aurai, pour entendre vos reproches et
vos injures, tout le sto�cisme dont le v�ritable d�vouement doit savoir
s'armer, et je vous dirai dans quel ab�me vous �tes tomb�e et de quelle
abjection je veux vous retirer.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 21:01