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Page 25
--Cela se peut, r�pondit Leoni en se rasseyant, cependant je ne sais
pas.
--Tu ne veux donc pas jouer � Palerme? dit le vicomte.
--Au diable le jeu! Si je pouvais me passionner pour quelque chose, pour
la chasse, pour un cheval, pour une Calabraise oliv�tre, j'irais l'�t�
prochain m'enfermer dans les Abruzzes et passer encore quelques mois �
vous oublier tous.
--Repassionne-toi pour Juliette, dit le vicomte avec ironie.
--Je ne me repassionnerai pas pour Juliette, r�pondit Leoni avec col�re;
mais je te donnerai un soufflet si tu prononces encore son nom.
--Il faut lui faire boire du th�, dit le vicomte; il est ivre-mort.
--Allons, Leoni, s'�cria le marquis en lui serrant le bras, tu nous
traites horriblement ce soir; qu'as-tu donc? ne sommes-nous plus tes
amis? doutes-tu de nous? parle.
--Non, je ne doute pas de vous, dit Leoni, vous m'avez rendu autant que
je vous ai pris. Je sais ce que vous valez tous; le bien et le mal, je
juge, tout cela sans pr�jug� et sans pr�vention.
--Ah! il ferait beau voir! dit le vicomte entre ses dents.
--Allons, du punch, du punch! cri�rent les autres. Il n'y a plus de
bonne humeur possible si nous n'achevons de griser Chalm et Leoni; ils
en sont aux attaques de nerfs, mettons-les dans l'extase.
--Oui, mes amis, mes bons amis! cria Leoni, le punch, l'amiti�! la vie,
la belle vie! A bas les cartes! ce sont elles qui me rendent maussade;
vive l'ivresse! vivent les femmes! vive la paresse, le tabac, la
musique, l'argent! vivent les jeunes filles et les vieilles comtesses!
vive le diable, vive l'amour! vive tout ce qui fait vivre! Tout est bon
quand on est assez bien constitu� pour profiter et jouir de tout.
Ils se lev�rent tous en entonnant un choeur bachique: je m'enfuis,
je montai l'escalier avec l'�garement d'une personne qui se croit
poursuivie, et je tombai sans connaissance sur le parquet de ma chambre.
XII.
Le lendemain matin on me trouva �tendue sur le tapis, raide et glac�e
comme par la mort; j'eus une fi�vre c�r�brale. Je crois que Leoni me
donna des soins; il me sembla le voir souvent � mon chevet, mais je n'en
pus conserver qu'une id�e vague. Au bout de trois jours j'�tais hors de
danger. Leoni vint alors savoir de mes nouvelles de temps en temps, et
passer une partie de l'apr�s-midi avec moi. Il quittait le palais tous
les soirs � six heures et ne rentrait que le lendemain matin; j'ai su
cela plus tard.
De tout ce que j'avais entendu, je n'avais compris clairement qu'une
chose, qui �tait la cause de mon d�sespoir: c'est que Leoni ne m'aimait
plus. Jusque-l� je n'avais pas voulu le croire, quoique toute sa
conduite dut me le faire comprendre. Je r�solus de ne pas contribuer
plus longtemps � sa ruine, et de ne pas abuser d'un reste de compassion
et de g�n�rosit� qui lui prescrivait encore des �gards envers moi. Je
le fis appeler aussit�t que je me sentis la force de supporter cette
entrevue, et je lui d�clarai ce que je lui avais entendu dire de moi au
milieu de l'orgie; je gardai le silence sur tout le reste. Je ne voyais
pas clair dans cette confusion d'infamies que ses amis m'avaient fait
pressentir; je ne voulais pas comprendre cela. Je consentais � tout,
d'ailleurs: � mon abandon, � mon d�sespoir et � ma mort.
Je lui signifiai que j'�tais d�cid�e � partir dans huit jours, que je ne
voulais rien accepter de lui d�sormais. J'avais gard� l'�pingle de
mon p�re; en la vendant, j'aurais bien au del� de ce qu'il me fallait
d'argent pour retourner � Bruxelles.
Le courage avec lequel je parlai, et que la fi�vre aidait sans doute,
frappa Leoni d'un coup inattendu. Il garda le silence et marcha avec
agitation dans la chambre; puis des sanglots et des cris s'�chapp�rent
de sa poitrine; il tomba suffoqu� sur une chaise. Effray�e de l'�tat
o� je le voyais, je quittai comme malgr� moi ma chaise longue et je
m'approchai de lui avec sollicitude. Alors il me saisit dans ses bras,
et me serrant avec fr�n�sie: --Non, non! tu ne me quitteras pas,
s'�cria-t-il, jamais je n'y consentirai; si la fiert�, bien juste et
bien l�gitime, ne se laisse pas fl�chir, je me coucherai � tes pieds, en
travers de cette porte, et je me tuerai si tu marches sur moi. Non, tu
ne t'en iras pas, car je t'aime avec passion; tu es la seule femme au
monde que j'aie pu respecter et admirer encore apr�s l'avoir poss�d�e
six mois. Ce que j'ai dit est une sottise, une infamie et un mensonge;
tu ne sais pas, Juliette, oh! tu ne sais pas tous mes malheurs! tu
ne sais pas � quoi me condamne une soci�t� d'hommes perdus, � quoi
m'entra�ne une �me de bronze, de feu, d'or et de boue, que j'ai re�ue du
ciel et de l'enfer r�unis! Si tu ne veux plus m'aimer, je ne veux plus
vivre. Que n'ai-je pas fait, que n'ai-je pas sacrifi�, que n'ai-je pas
souill� pour m'attacher � cette vie ex�crable qu'ils m'ont faite! Quel
d�mon moqueur s'est donc enferm� dans mon cerveau pour que j'y trouve
encore parfois de l'attrait, et pour que je brise, en m'y �lan�ant,
les liens les plus sacr�s? Ah! il est temps d'en finir; je n'avais eu,
depuis que je suis au monde, qu'une p�riode vraiment belle, vraiment
pure, celle o� je t'ai poss�d�e et ador�e. Cela m'avait lav� de toutes
mes iniquit�s, et j'aurais d� rester sous la neige dans le chalet; je
serais mort en paix avec toi, avec Dieu et avec moi-m�me, tandis que me
voil� perdu � tes yeux et aux miens. Juliette, Juliette! gr�ce, pardon!
je sens mon �me se briser si tu m'abandonnes. Je suis encore jeune; je
veux vivre, je veux �tre heureux, et je ne le serai jamais qu'avec
toi. Vas-tu me punir de mort pour un blasph�me �chapp� � l'ivresse? Y
crois-tu, y peux-tu croire? Oh! que je souffre! que j'ai souffert depuis
quinze jours! J'ai des secrets qui me br�lent les entrailles; si je
pouvais te les dire... mais tu ne pourrais jamais les entendre jusqu'au
bout!
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