Leone Leoni by George Sand


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Page 24

--Un demi-million? demanda le marquis v�nitien avec indiff�rence.

--Oui, repartit Chalm, le juif Thad�e lui a compt� cinq cent mille
francs au commencement de l'hiver.

--C'est tr�s-bien, dit le marquis. Leoni, as-tu pay� le loyer de ton
palais h�r�ditaire?

--Parbleu! d'avance, dit Chalm; est-ce qu'on le lui aurait lou� sans �a?

--Qu'est-ce que tu comptes faire quand tu n'auras plus rien? demanda �
Leoni un autre de ses affid�s.

--Des dettes, r�pondit Leoni avec un calme imperturbable.

--C'est plus facile que de trouver des juifs qui nous laissent trois
mois en paix, dit le vicomte. Que feras-tu quand tes cr�anciers te
prendront au collet?

--Je prendrai un joli petit bateau... r�pondit Leoni en souriant.

--Bien! Et tu iras � Trieste?

--Non, c'est trop pr�s; � Palerme, je n'y ai pas encore �t�.

--Mais quand on arrive quelque part, dit le marquis, il faut faire
figure d�s les premiers jours.

--La Providence y pourvoira, r�pondit Leoni, c'est la m�re des
audacieux.

--Mais non pas celle des paresseux, dit Chalm, et je ne connais au monde
personne qui le soit plus que toi. Que diable as-tu fait en Suisse avec
ton infante pendant six mois?

--Silence l�-dessus, r�pondit Leoni; je l'ai aim�e, et je jetterai mon
verre au nez de quiconque le trouvera plaisant.

--Leoni, tu bois trop, lui cria un autre de ses compagnons.

--Peut-�tre, r�pondit Leoni, mais j'ai dit ce que j'ai dit.

Le vicomte ne r�pondit pas � cette esp�ce de provocation, et le marquis
se h�ta de d�tourner la conversation.

--Mais pourquoi, diable! ne joues-tu pas? dit-il � Leoni.

--Ventre-Dieu! je joue tous les jours pour vous obliger, moi qui d�teste
le jeu; vous me rendrez stupide avec vos cartes et vos d�s, et vos
poches qui sont comme le tonneau des Dana�des, et vos mains insatiables.
Vous n'�tes que des sots, vous tous. Quand vous avez fait un coup, au
lieu de vous reposer et de jouir de la vie en voluptueux, vous vous
agitez jusqu'� ce que vous ayez g�t� la chance.

--La chance, la chance! dit le marquis, on sait ce que c'est que la
chance.

--Grand merci! dit Leoni, je ne veux plus le savoir; j'ai �t� trop bien
�trill� � Paris. Quand je pense qu'il y a un homme, que Dieu veuille
bien dans sa mis�ricorde donner � tous les diables!...

--Eh bien! dit le vicomte.

--Un homme, dit le marquis, dont il faudra que nous nous d�barrassions
� tout prix si nous voulons retrouver la libert� sur la terre. Mais
patience, nous sommes deux contre lui.

--Sois tranquille, dit Leoni, je n'ai pas tellement oubli� la vieille
coutume du pays, que je ne sache purger notre route de celui qui me
g�nera. Sans mon diable d'amour qui me tenait � la cervelle, j'avais
beau jeu en Belgique.

--Toi? dit le marquis, tu n'as jamais op�r� dans ce genre-l�, et tu n'en
auras jamais le courage.

--Le courage? s'�cria Leoni en se levant � demi avec des yeux
�tincelants.

--Pas d'extravagances, reprit le marquis avec cet effroyable sang-froid
qu'ils avaient tous. Entendons-nous: tu as du courage pour tuer un
ours ou un sanglier; mais pour tuer un homme, tu as trop d'id�es
sentimentales et philosophiques dans la t�te.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 13:32