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Page 21
[Illustration: Il �tait jusqu'aux genoux dans un trou.]
--Sans doute, ajouta celui qu'on appelait le marquis, nous sommes tous
cousins.
Le lendemain, au lieu de deux convives, il y en eut quatre ou cinq
diff�rents � chaque repas. En moins de huit jours, noire maison fut
inond�e d'amis intimes. Ces assidus me d�vor�rent de bien douces heures
que j'aurais pu passer avec Leoni, et qu'il fallait partager avec eux
tous. Mais Leoni, apr�s un long exil, semblait heureux de revoir ses
amis et d'�gayer sa vie: je ne pouvais former un d�sir contraire au
sien, et j'�tais heureuse de le voir s'amuser. Il est certain que la
soci�t� de ces hommes �tait charmante. Ils �taient tous jeunes et
�l�gants, gais ou spirituels, aimables ou amusants; ils avaient
d'excellentes mani�res, et des talents pour la plupart. Toutes les
matin�es �taient employ�es � faire de la musique; dans l'apr�s-midi nous
nous promenions sur l'eau; apr�s le d�ner nous allions au th��tre, et en
rentrant on soupait et on jouait. Je n'aimais pas beaucoup � �tre t�moin
de ce dernier divertissement, o� des sommes immenses passaient chaque
soir de main en main. Leoni m'avait permis de me retirer apr�s le
souper, et je n'y manquais pas. Peu � peu le nombre de nos connaissances
augmenta tellement, que j'en ressentis de l'ennui et de la fatigue; mais
je n'en exprimai rien. Leoni semblait toujours enchant� de cette vie
dissip�e. Tout ce qu'il y avait de dandys de toutes nations � Venise se
donna rendez-vous chez nous pour boire, pour jouer et pour faire de la
musique. Les meilleurs chanteurs des th��tres venaient souvent m�ler
leurs voix � nos instruments et � la voix de Leoni, qui n'�tait ni moins
belle ni moins habile que la leur. Malgr� le charme de cette soci�t�, je
sentais de plus en plus le besoin du repos. Il est vrai que nous avions
encore de temps en temps quelques bonnes heures de t�te-�-t�te; les
dandys ne venaient pas tous les jours: mais les habitu�s se composaient
d'une douzaine de personnes de fondation � notre table. Leoni les aimait
tant, que je ne pouvais me d�fendre d'avoir aussi de l'amiti� pour
elles. C'�taient elles qui animaient tout le, reste par leur supr�matie
en tout sur les autres. Ces hommes �taient vraiment remarquables, et
semblaient en quelque sorte des reflets de Leoni. Ils avaient entre eux
cette esp�ce d'air de famille, cette conformit� d'id�es et de langage
qui m'avaient frapp�e d�s le premier jour; c'�tait un je ne sais quoi de
subtil et de recherch� que n'avaient pas m�me les plus distingu�s parmi
tous les autres. Leur regard �tait plus p�n�trant, leurs r�ponses plus
promptes, leur aplomb plus seigneurial, leur prodigalit� de meilleur
go�t. Ils avaient chacun une autorit� morale sur une partie de ces
nouveaux venus; ils leur servaient de mod�le et de guide dans les
petites choses d'abord, et plus tard dans les grandes. Leoni �tait l'�me
de tout ce corps, le chef supr�me qui imposait � cette brillante coterie
masculine la mode, le ton, le plaisir et la d�pense.
[Illustration: Parbleu, ma ch�re petite, me r�pondit...]
Cette esp�ce d'empire lui plaisait, et je ne m'en �tonnais pas; je
l'avais vu r�gner plus ouvertement encore � Bruxelles, et j'avais
partag� son orgueil et sa gloire; mais le bonheur du chalet m'avait
initi�e � des joies plus intimes et plus pures. Je le regrettais, et
ne pouvais m'emp�cher de le dire.--Et moi aussi, me disait-il, je le
regrette, ce temps de d�lices, sup�rieur � toutes les fum�es du monde,
mais Dieu n'a pas voulu changer pour nous le cours des saisons. Il n'y a
pas plus d'�ternel bonheur que de printemps perp�tuel. C'est une loi de
la nature � laquelle nous ne pouvions nous soustraire. Sois s�re que
tout est arrang� pour le mieux dans ce monde mauvais. Le coeur de
l'homme n'a pas plus de vigueur que les biens de la vie n'ont de dur�e:
soumettons-nous, plions. Les fleurs se courbent, se fl�trissent et
renaissent tous les ans; l'�me humaine peut se renouveler comme une
fleur, quand elle conna�t ses forces et qu'elle ne s'�panouit pas
jusqu'� se briser. Six mois de f�licit� sans m�lange, c'�tait immense,
ma ch�re; nous serions morts de trop de bonheur si cela e�t continu�, ou
nous en aurions abus�. La destin�e nous commande de redescendre de nos
cimes �th�r�es et de venir respirer un air moins pur dans les villes.
Acceptons cette n�cessit�, et croyons qu'elle nous est bonne. Quand le
beau temps reviendra, nous retournerons � nos montagnes, nous serons
avides de retrouver tous les biens dont nous aurons �t� sevr�s ici; nous
sentirons mieux le prix de notre calme intimit�; et cette saison d'amour
et de d�lices, que les souffrances de l'hiver nous eussent g�t�e,
reviendra plus belle encore que la saison derni�re.
--Oh! oui, lui disais-je en l'embrassant, nous retournerons en Suisse!
Oh! que tu es bon de le vouloir et de me le promettre!... Mais, dis-moi,
Leoni, ne pourrions-nous vivre ici plus simplement et plus ensemble?
Nous ne nous voyons plus qu'au travers d'un nuage de punch, nous ne nous
parlons plus qu'au milieu des chants et des rires. Pourquoi avons-nous
tant d'amis? Ne nous suffirions-nous pas bien l'un � l'autre?
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