Leone Leoni by George Sand


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Page 18

--Non, lui r�pondis-je, nous ne le serions plus; en pr�sence du danger,
nous serions toujours inquiets l'un pour l'autre.

Nous f�mes les appr�ts de notre d�part; Jeanne passa la journ�e �
d�blayer le sentier par lequel nous devions partir. Pendant la nuit il
m'arriva une aventure singuli�re, et � laquelle bien des fois depuis je
craignis de r�fl�chir.

Au milieu de mon sommeil, je fus saisie par le froid et je m'�veillai.
Je cherchai Leoni � mes c�t�s, il n'y �tait plus; sa place �tait froide,
et la porte de la chambre, � demi entr'ouverte, laissait p�n�trer un
vent glac�. J'attendis quelques instants; mais Leoni ne revenant pas,
je m'�tonnai, je me levai et je m'habillai � la h�te. J'attendis encore
avant de me d�cider � sortir, craignant de me laisser dominer par une
inqui�tude pu�rile. Son absence se prolongea; une terreur invincible
s'empara de moi, et je sortis, � peine v�tue, par un froid de quinze
degr�s. Je craignais que Leoni n'e�t encore �t� au secours de quelques
malheureux perdus dans les neiges, comme cela �tait arriv� peu de nuits
auparavant, et j'�tais r�solue � le chercher et � le suivre. J'appelai
Jeanne et sa femme; ils dormaient d'un si profond sommeil qu'ils ne
m'entendirent pas. Alors, d�vor�e d'inqui�tude, je m'avan�ai jusqu'au
bord de la petite plate-forme palissad�e qui entourait le chalet, et
je vis une faible lueur argenter la neige � quelque distance. Je
crus reconna�tre la lanterne que Leoni portait dans ses excursions
g�n�reuses. Je courus de ce c�t� aussi vite que me le permit la neige,
o� j'entrais jusqu'aux genoux. J'essayai de l'appeler, mais le froid
me faisait claquer les dents, et le vent, qui me venait � la figure,
interceptait ma voix. J'approchai enfin de la lumi�re, et je pus voir
distinctement Leoni; il �tait immobile � la place o� je l'avais
aper�u d'abord, et il tenait une b�che. J'approchai encore, la neige
amortissait le bruit de mes pas; j'arrivai tout pr�s de lui sans qu'il
s'en aper�t. La lumi�re �tait enferm�e dans son cylindre de m�tal, et
ne sortait que par une fente oppos�e � moi et dirig�e sur lui.

Je vis alors qu'il avait �cart� la neige et entam� la terre avec sa
b�che; il �tait jusqu'aux genoux dans un trou qu'il venait de creuser.

Cette occupation singuli�re, � une pareille heure et par un temps si
rigoureux, me causa une frayeur ridicule. Leoni semblait agit� d'une
h�te extraordinaire. De temps en temps il regardait autour de lui avec
inqui�tude; je me courbai derri�re un rocher, car je fus �pouvant�e de
l'expression de sa figure. Il me sembla qu'il allait me tuer s'il me
trouvait l�. Toutes les histoires fantastiques et folles que j'avais
lues, tous les commentaires bizarres que j'avais faits sur son secret,
me revinrent � l'esprit; je crus qu'il venait d�terrer un cadavre, et
je faillis m'�vanouir. Je me rassurai un peu en le voyant continuer de
creuser et retirer bient�t un coffre enfoui dans la terre. Il le regarda
avec attention, examina si la serrure n'avait pas �t� forc�e; puis il le
posa hors du trou, et commen�a � y rejeter la terre et la neige, sans
prendre beaucoup de soin pour cacher les traces de son op�ration.

Quand je le vis pr�s de revenir � la maison avec son coffre, je craignis
qu'il ne s'aper�t de mon imprudente curiosit�, et je m'enfuis aussi
vite que je pus. Je me h�tai de jeter dans un coin mes hardes humides
et de me recoucher, r�solue � feindre un profond sommeil lorsqu'il
rentrerait; mais j'eus le loisir de me remettre de mon �motion, car il
resta encore plus d'une demi-heure sans repara�tre.

Je me perdais en commentaires sur ce coffret myst�rieux, enfoui
sans doute dans la montagne depuis notre arriv�e, et destin�e nous
accompagner comme un talisman de salut ou comme un instrument de mort.
Il me sembla qu'il ne devait pas contenir d'argent; car il �tait assez
volumineux, et pourtant Leoni l'avait soulev� d'une seule main et sans
effort. C'�taient peut-�tre des papiers d'o� d�pendait son existence
enti�re. Ce qui me frappait le plus, c'est qu'il me semblait d�j� avoir
vu ce coffre quelque part; mais il m'�tait impossible de me rappeler en
quelle circonstance. Cette fois, sa forme et sa couleur se grav�rent
dans ma m�moire comme par une sorte de n�cessit� fatale. Pendant toute
la nuit je l'eus devant les yeux, et dans mes r�ves j'en voyais sortir
une quantit� d'objets bizarres: tant�t des cartes repr�sentant des
figures �tranges, tant�t des armes sanglantes: puis des fleurs, des
plumes et des bijoux; et puis des ossements, des vip�res, des morceaux
d'or, des cha�nes et des carcans de fer.

Je me gardai bien de questionner Leoni et de lui laisser soup�onner ma
d�couverte. Il m'avait dit souvent que, le jour o� j'apprendrais son
secret, tout serait fini entre nous; et quoiqu'il me rend�t gr�ce � deux
genoux d'avoir cru en lui aveugl�ment, il me faisait souvent comprendre
que la moindre curiosit� de ma part lui serait odieuse. Nous part�mes
le lendemain � dos de mulet, et nous pr�mes la poste � la ville la plus
prochaine jusqu'� Venise.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 14:07