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Page 17
--Quelle crainte pouvais-je conserver? r�pondit Juliette; j'�tais si peu
instruite des choses de la vie et des turpitudes de la soci�t�, que je
ne comprenais rien � ce myst�re. Leoni m'avait dit qu'il avait un secret
terrible: j'imaginai mille infortunes romanesques. C'�tait la mode alors
en litt�rature de faire agir et parler des personnages frapp�s des
mal�dictions les plus �tranges et les plus invraisemblables. Les
th��tres et les romans ne produisaient plus que des fils de bourreaux,
des espions h�ro�ques, des assassins et des for�ats vertueux. Je lus un
jour _Frederick Styndall_, une autre fois _l'Espion_ de Sooper me tomba
sous la main. Songez que j'�tais bien enfant et que dans ma passion mon
esprit �tait bien en arri�re de mon coeur. Je m'imaginai que la soci�t�,
injuste et stupide, avait frapp� Leoni de r�probation pour quelque
imprudence sublime, pour quelque faute involontaire ou par suite de
quelque f�roce pr�jug�. Je vous avouerai m�me que ma pauvre t�te de
jeune tille trouva un attrait de plus dans ce myst�re imp�n�trable, et
que mon �me de femme s'exalta devant l'occasion de risquer sa destin�e
enti�re pour soulager une belle et po�tique infortune.
--Leoni dut s'apercevoir de cette disposition romanesque et l'exploiter?
dis-je � Juliette.
--Oui, me r�pondit-elle, il le fit; mais, s'il se donna tant de peine
pour me tromper, c'est qu'il m'aimait, c'est qu'il voulait mon amour �
tout prix.
Nous gard�mes un instant le silence, et Juliette reprit son r�cit.
IX.
L'hiver arriva; nous avions fait le projet d'en supporter les rigueurs
plut�t que d'abandonner notre ch�re retraite. Leoni me disait que jamais
il n'avait �t� si heureux, que j'�tais la seule femme qu'il e�t jamais
aim�e, qu'il voulait renoncer au monde pour vivre et mourir dans mes
bras. Son go�t pour les plaisirs, sa passion pour le jeu, tout cela
�tait �vanoui, oubli� � jamais. Oh! que j'�tais reconnaissante de
voir cet homme si brillant, si adul�, renoncer sans regret � tous les
enivrements d'une vie d'�clat et de f�tes pour venir s'enfermer avec moi
dans une chaumi�re! Et soyez s�r, don Aleo, que Leoni ne me trompait
point alors. S'il est vrai que de puissants motifs l'engageaient � se
cacher, du moins il est certain qu'il se trouva heureux dans sa retraite
et que j'y fus aim�e. E�t-il pu feindre cette s�r�nit� durant six mois
sans qu'elle f�t alt�r�e un seul jour? Et pourquoi ne m'e�t-il pas
aim�e? j'�tais jeune, belle, j'avais tout quitt� pour lui et je
l'adorais. Allez, je ne m'abuse plus sur son caract�re, je sais tout et
je vous dirai tout. Cette �me est bien laide et bien belle, bien vile
et bien grande; quand on n'a pas la force de ha�r cet homme, il faut
l'aimer et devenir sa proie.
Mais l'hiver d�buta si rudement, que notre s�jour dans la vall�e devint
extr�mement dangereux. En quelques jours la neige monta sur la colline
et arriva jusqu'au niveau de notre chalet; elle mena�ait de l'engloutir
et de nous y faire p�rir de famine. Leoni s'obstinait � rester; il
voulait faire des provisions et braver l'ennemi; mais Jeanne assura que
notre perte �tait certaine si nous ne battions en retraite au plus vite;
que depuis dix ans on n'avait pas vu un pareil hiver, et qu'au d�gel le
chalet serait balay� comme une plume par les avalanches, � moins d'un
miracle de saint Bernard et de Notre-Dame-des-Lavanges.--Si j'�tais
seul, me dit Leoni, je voudrais attendre le miracle et me moquer des
lavanges; mais je n'ai plus de courage quand tu partages mes dangers.
Nous partirons demain.
--Il le faut bien, lui dis-je; mais o� irons-nous? Je serai reconnue
et d�couverte tout de suite; on me reconduira de vive force chez mes
parents.
--Il y a mille moyens d'�chapper aux hommes et aux lois, r�pondit Leoni
en souriant; nous en trouverons bien un: ne t'inqui�te pas; l'univers
est � notre disposition.
--Et par o� commencerons-nous? lui demandai-je en m'effor�ant de sourire
aussi.
--Je n'en sais rien encore, dit-il, mais qu'importe? nous serons
ensemble; o� pouvons-nous �tre malheureux?
--H�las! lui dis-je, serons-nous jamais aussi heureux qu'ici?
--Veux-tu y rester? demanda-t-il.
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