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Page 11
Ma pauvre m�re n'y put tenir. Elle courut en pleurant chercher mon p�re
� sa boutique.--C'est une tyrannie odieuse, lui dit-elle en l'entra�nant
pr�s de nous. Voyez ces deux malheureux enfants! comment pouvez-vous
refuser de faire leur bonheur, quand vous �tes t�moin de ce qu'ils
souffrent? Voulez-vous tuer votre fille par respect pour une vaine
formalit�? Ces papiers n'arriveront-ils pas aussi bien et ne seront-ils
pas aussi satisfaisants apr�s huit jours de mariage? Que craignez-vous?
Prenez-vous notre cher Leoni pour un imposteur? Ne comprenez-vous pas
que votre insistance pour avoir les preuves de sa fortune est injurieuse
pour lui et cruelle pour Juliette?
[Illustration: Mes deux belles prot�g�es mangeaient sur mes genoux.]
Mon p�re, tout �tourdi de ces reproches, et surtout de mes pleurs, jura
qu'il n'avait jamais song� � tant d'exigence, et qu'il ferait tout ce
que je voudrais. Il m'embrassa mille fois, et me tint le langage qu'on
tient � un enfant de six ans lorsqu'on c�de � ses fantaisies pour se
d�barrasser de ses cris. Ma tante arriva et parla moins tendrement. Elle
me fit m�me des reproches qui me bless�rent.--Une jeune personne chaste
et bien �lev�e, disait-elle, ne devait pas montrer tant d'impatience
d'appartenir � un homme.--On voit bien, lui dit ma m�re, tout � fait
piqu�e, que vous n'avez jamais pu appartenir � aucun. Mon p�re ne
pouvait souffrir qu'on manqu�t d'�gards envers sa soeur. Il pencha de
son c�t�, et fit observer que notre d�sespoir �tait un enfantillage, que
huit jours seraient bient�t pass�s. J'�tais mortellement offens�e de
l'impatience qu'on me supposait, et j'essayais de retenir mes larmes;
mais celles de Leoni exer�aient sur moi une puissance magn�tique, et je
ne pouvais m'arr�ter. Alors il se leva, les yeux tout humides, les joues
anim�es, et, avec un sourire d'esp�rance et de tendresse, il courut vers
ma tante; il prit ses mains dans une des siennes, celles de mon p�re
dans l'autre, et se jeta � genoux en les suppliant de ne plus s'opposer
� son bonheur. Ses mani�res, son accent, son visage, avaient un pouvoir
irr�sistible; c'�tait d'ailleurs la premi�re fois que ma pauvre tante
voyait un homme � ses pieds. Toutes les r�sistances furent vaincues.
Les bans �taient publi�s, toutes les formalit�s pr�paratoires �taient
remplies; notre mariage fut fix� � la semaine suivante, sans aucun �gard
� l'arriv�e des papiers.
Le mardi gras tombait le lendemain. M. Delpech donnait une f�te
magnifique; Leoni nous avait pri�es de nous habiller en femmes turques;
il nous avait fait une aquarelle charmante, que nos couturi�res avaient
copi�e avec beaucoup d'exactitude. Le velours, le satin brod�, le
cachemire, ne furent pas �pargn�s. Mais ce fut la quantit� et la Beaut�
des pierreries qui nous assur�rent un triomphe incontestable sur toutes
les toilettes du bal. Presque tout le fonds de boutique de mon p�re y
passa: les rubis, les �meraudes, les opales ruisselaient sur nous;
nous avions des r�seaux et des aigrettes de brillants, des bouquets
admirablement mont�s en pierres de toutes couleurs. Mon corsage et
jusqu'� mes souliers, �taient brod�s en perles fines; une torsade de ces
perles, d'une beaut� extraordinaire, me servait de ceinture et tombait
jusqu'� mes genoux. Nous avions de grandes pipes et des poignards
couverts de saphirs et de brillants. Mon costume entier valait au moins
un million.
Leoni parut entre nous deux avec un costume turc magnifique. Il �tait
si beau et si majestueux sous cet habit, que l'on montait sur les
banquettes pour nous voir passer. Mon coeur battait avec violence,
j'�prouvais un orgueil qui tenait du d�lire. Ma parure, comme vous
pensez, �tait la moindre chose dont je fusse occup�e. La beaut� de
Leoni, son �clat, sa sup�riorit� sur tous, l'esp�ce de culte qu'o� lui
rendait, et tout cela � moi, tout cela � mes pieds! c'�tait de quoi
enivrer une t�te moins jeune que la mienne. Ce fut le dernier jour de
ma splendeur! Par combien de mis�re et d'abjection n'ai-je pas pay� ces
vains triomphes!
Ma tante �tait habill�e en juive et nous suivait, portant des �ventails
et des boites de parfums. Leoni, qui voulait conqu�rir son amiti�, avait
compos� son costume avec tant d'art, qu'il avait presque po�tis� le
caract�re de sa figure grave et fl�trie. Elle �tait enivr�e aussi, la
pauvre Agathe! H�las! qu'est-ce que la raison des femmes! Nous �tions l�
depuis deux ou trois heures; ma m�re dansait et ma tante bavardait
avec les femmes surann�es qui composent ce qu'on appelle en France la
tapisserie d'un bal. Leoni �tait assis pr�s de moi, et me parlait �
demi-voix avec une passion dont chaque mot allumait une �tincelle dans
mon sang. Tout � coup la parole expira sur ses l�vres; il devint p�le
comme la mort et sembla frapp� de l'apparition d'un spectre. Je suivis
la direction de son regard effar�, et je vis � quelques pas de nous une
personne dont l'aspect me fut d�sagr�able � moi-m�me: c'�tait un
jeune homme, nomm� Henryet, qui m'avait demand�e en mariage l'ann�e
pr�c�dente. Quoiqu'il f�t riche et d'une famille honn�te, ma m�re ne
l'avait pas trouv� digne de moi et l'avait �loign� en all�guant mon
extr�me jeunesse. Mais au commencement de l'ann�e suivante il avait
renouvel� sa demande avec instance, et le bruit avait couru dans la
ville qu'il �tait �perdument amoureux de moi; je n'avais pas daign� m'en
apercevoir, et ma m�re, qui le trouvait trop simple et trop bourgeois,
s'�tait d�barrass�e de ses poursuites un peu brusquement. Il en avait
t�moign� plus de chagrin que de d�pit, et il �tait parti imm�diatement
pour Paris. Depuis ce temps, ma tante et mes jeunes amies m'avaient
fait quelques reproches de mon indiff�rence envers lui. C'�tait,
disaient-elles, un excellent jeune homme, d'une instruction solide et
d'un caract�re noble. Ces reproches m'avaient caus� de l'ennui. Son
apparition inattendue au milieu du bonheur que je go�tais aupr�s de
Leoni me fut d�plaisante et me fit l'effet d'un reproche nouveau; je
d�tournai la t�te, et feignis de ne l'avoir pas vu; mais le singulier
regard qu'il lan�a � Leoni ne put m'�chapper. Leoni saisit vivement mon
bras et m'engagea � venir prendre une glace dans la salle voisine; il
ajouta que la chaleur l'incommodait et lui donnait mal aux nerfs. Je le
crus, et je pensai que le regard d'Henryet n'�tait que l'expression de
la jalousie. Nous pass�mes dans la galerie; il y avait peu de monde,
j'y fus quelque temps appuy�e sur le bras de Leoni. Il �tait agit� et
pr�occup�; j'en montrai de l'inqui�tude, et il me r�pondit que cela n'en
valait pas la peine, qu'il �tait seulement un peu souffrant.
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