Le portrait de monsieur W.H. by Oscar Wilde


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Page 60

On nous dit souvent que les pauvres, sont reconnaissants de la
charit�. Certains le sont, nul n'en doute, mais _les meilleurs
d'entre eux ne sont jamais reconnaissants_. Ils sont ingrats,
m�contents, indociles, ingouvernables, et c'est leur droit strict.

Ils sentent que la Charit� est un moyen de restitution partielle
ridiculement inad�quat, ou une aum�ne sentimentale, presque
toujours aggrav�e d'une impertinente indiscr�tion que l'homme
sentimental se permet pour diriger tyranniquement leur vie priv�e.

Pourquoi ramasseraient-ils avec reconnaissance les cro�tes de pain
qui tombent de la table du riche?

Leur place serait � cette m�me table, et ils commencent � le
savoir.

On parle de leur m�contentement. Un homme qui ne serait pas
m�content dans un tel milieu, dans une existence aussi basse,
serait une parfaite brute.

Aux yeux de quiconque a lu l'histoire, la d�sob�issance est une
vertu primordiale de l'homme. C'est par la d�sob�issance que s'est
accompli le progr�s, par la d�sob�issance et la r�volte.

Parfois on loue les pauvres d'�tre �conomes. Mais recommander
l'�conomie aux pauvres, c'est chose � la fois grotesque et
insultante. Cela revient � dire � un homme qui meurt de faim: �ne
mangez pas tant�. Un travailleur de la ville ou des champs qui
pratiquerait l'�conomie serait un �tre profond�ment immoral. On
devrait se garder de donner la preuve qu'on est capable de vivre
comme un animal r�duit � la portion congrue. On devrait se refuser
� vivre de cette fa�on; il est pr�f�rable de voler ou de recourir
� l'assistance publique, ce que bien des gens regardent comme une
forme du vol. Quant � mendier, c'est plus s�r que de prendre, mais
prendre est plus beau que mendier. Non, un bomme pauvre qui est
ingrat, d�pensier, m�content, rebelle, est probablement quelqu'un,
et il y a en lui bien des choses. Dans tous les cas, il est une
protestation saine.

Quant aux pauvres vertueux, nous pouvons les plaindre, mais pour
rien au monde nous ne les admirerons. Ils ont trait� pour leur
compte personnel avec l'ennemi, et vendu leur droit d'a�nesse pour
un tr�s m�chant plat. Il faut donc que ce soient des gens
extr�mement born�s.

Je comprends fort bien qu'on accepte des lois protectrices de la
propri�t� priv�e, qu'on en admette l'accumulation, tant qu'on est
capable soi-m�me de r�aliser dans de telles conditions quelque
forme de vie esth�tique et intellectuelle. Mais ce qui me para�t
tout � fait incroyable, c'est qu'un homme dont l'existence est
entrav�e, rendue hideuse par de telles lois puisse se r�signer �
leur permanence.

Et pourtant la vraie explication n'est point malais�e � trouver,
la voici dans toute sa simplicit�.

La mis�re, la pauvret� ont une telle puissance d�gradante, elles
exercent un effet paralysant si �nergique sur la nature humaine,
qu'aucune classe n'a une conscience nette de ses propres
souffrances. Il faut qu'elle en soit avertie par d'autres, et
souvent elle refuse totalement de les croire.

Ce que les grands employeurs de travail disent contre les
agitateurs est d'une incontestable v�rit�.

Les agitateurs sont une bande de gens qui se m�lent � tout, se
fourrent partout; ils s'en prennent � une classe qui jusqu'alors
�tait parfaitement satisfaite, et ils s�ment chez elle les germes,
du m�contentement. C'est l� ce qui fait que les agitateurs sont
des plus n�cessaires. Sans eux, dans notre �tat d'imperfection
sociale, on ne ferait pas un seul progr�s vers la civilisation.

Si l'esclavage a disparu d'Am�rique, cela n'est nullement d� �
l'initiative des esclaves et ils n'ont pas m�me exprim�
formellement le d�sir d'�tre libres. Sa suppression est
enti�rement due � la conduite grossi�rement ill�gale de certains
agitateurs de Boston et d'ailleurs, qui n'�taient point eux-m�mes
des esclaves, ni des possesseurs d'esclaves, qui n'avaient aucun
int�r�t r�ellement engag� dans la question. Ce sont les
abolitionnistes, certainement, qui ont allum� la torche, l'ont
tenue en l'air, qui ont mis en marche toute l'affaire. Et, chose
assez curieuse, ils n'ont trouv� qu'un tr�s faible concours chez
les esclaves eux-m�mes, ils n'ont gu�re �veill� en ceux-l� de
sympathies, et quand la guerre fut termin�e, quand les esclaves se
trouvaient libres, en possession m�me d'une libert� tellement
compl�te qu'ils �taient libres de mourir de faim, beaucoup parmi
eux d�plor�rent le nouvel �tat de choses.

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 17:48