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Page 20
- Mais c'est exactement ce que nous ne savons pas, dit Erskine. Il
est tout � fait vrai que son nom ne se trouve pas sur la liste
donn�e � la premi�re page, mais comme Cyril l'indiqua, c'est
plut�t l� une preuve de l'existence de Willie Hughes qu'une preuve
contraire si nous nous souvenons qu'il abandonna avec perfidie
Shakespeare au profit d'un rival dramatique.
Nous raisonn�mes l�-dessus pendant des heures, mais rien de ce que
je pus dire, ne put obliger Erskine � renoncer � sa confiance dans
l'interpr�tation de Cyril Graham.
Il me dit qu'il pr�tendait vouer sa vie � prouver la th�orie et
qu'il �tait d�termin� � faire rendre justice � la m�moire de Cyril
Graham.
Je le priai. Je le raillai, je le suppliai, mais cela ne servit �
rien.
Bref, nous nous s�par�mes, non pas tout � fait f�ch�s, mais
certainement avec une ombre entre nous.
Il me crut born�; je le crus fou.
Quand je me rendis chez lui de nouveau, son domestique me dit
qu'il �tait parti pour l'Allemagne.
Deux ans plus tard, comme j'entrais � mon club, le valet de
service � la conciergerie me remit une lettre qui portait le
timbre de l'�tranger.
Elle venait d'Erskine qui m'�crivait de l'h�tel d'Angleterre �
Cannes.
Quand je lus sa lettre, je fus rempli d'horreur, bien que je ne
pusse vraiment croire qu'il serait assez fou pour ex�cuter sa
r�solution.
Le point principal de sa lettre �tait qu'il avait essay� par tous
les moyens possibles de v�rifier la th�orie de Willie Hughes et
qu'il avait �chou�, de m�me que Cyril Graham avait donn� sa vie
pour cette th�orie, il avait r�solu de donner la sienne, �galement
pour la m�me cause.
La conclusion de la lettre �tait celle-ci:
�Je crois encore � Willie Hughes et au moment o� vous recevrez
ceci, je serai mort de ma propre main pour l'amour de Willie
Hughes, pour lui et pour Cyril Graham que j'ai pouss� � mourir par
mon scepticisme niais et mon ignorant manque de foi.
�La v�rit� vous fut une fois r�v�l�e. Vous l'avez rejet�e.
�Maintenant vous voil� tach� du sang de deux hommes: ne vous en
d�tournez plus.�
Ce fut un moment horrible.
J'en �tais malade de chagrin et, pourtant je n'y pouvais croire.
Mourir pour ses croyances religieuses est le pire usage qu'on
puisse faire de sa vie; mais mourir pour une th�orie litt�raire
cela semblait impossible.
Je regardai la date.
La lettre avait �t� �crite une semaine avant.
Quelque malencontreuse chance m'avait d�tourn� d'aller au club
pendant quelques jours: L�, j'aurais pu la recevoir � temps pour
le sauver.
Peut-�tre il n'�tait pas trop tard.
Je courus chez moi. Je fis mes bagages et je partis de Charing-
Cross par le train de nuit.
Le voyage fut insupportable. Je crus que je n'arriverais jamais.
Sit�t d�barqu�, je courus � l'h�tel d'Angleterre.
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