Le portrait de monsieur W.H. by Oscar Wilde


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Page 11

C'�tait une lettre folle, d�mente. Je me souviens qu'il finissait
en me disant qu'il me confiait la th�orie Willie Hughes et que
c'�tait � moi de la pr�senter an monde et de d�voiler le secret du
coeur de Shakespeare.

- C'est l� une bien tragique histoire, m'�criai-je, mais pourquoi
n'avez-vous pas accompli ses voeux?

Erskine haussa les �paules.

- Parce que c'est du commencement � la fin une th�orie absolument
erron�e, r�pondit-il.

- Mon cher Erskine, lui dis-je en me levant de mon si�ge, vous
�tes l�-dessus dans une erreur compl�te. C'est la seule cl�
parfaite des _Sonnets _de Shakespeare qu'on ait jamais construite.
Elle est parfaite dans tous ses d�tails. Je crois � Willie Hughes.

- Ne dites pas cela, r�pliqua gravement Erskine. Je reconnais
qu'il y a dans l'id�e quelque chose qui s�duit in�vitablement et
intellectuellement il n'y a rien � y redire. J'ai examin� la
question dans tous ses d�tails et je vous assure que la th�orie
est enti�rement fallacieuse. Elle est plausible jusqu'� un certain
point. Au del� tout d�gringole. Pour l'amour du ciel, mon cher
enfant, ne vous lancez pas sur ce th�me de Willie Hughes. Vous y
briseriez votre coeur.

- Erskine, r�pondis-je, c'est votre devoir de donner cette th�orie
au monde. Si vous ne le faites pas, je le ferai. En la passant
sous silence, vous portez atteinte � la m�moire de Cyril Graham,
le plus jeune et le plus splendide de tous les martyrs de la
litt�rature. Je vous supplie de lui rendre justice. Il est mort
pour cette th�orie, ferez-vous qu'il sera mort en vain?

Erskine me regarda avec stupeur.

- Vous �tes emport� par l'�motion de toute cette histoire, dit-il.
Vous oubliez qu'une chose n'est pas n�cessairement vraie parce
qu'un homme meurt pour elle.

J'�tais d�vou� � Cyril Graham. Sa mort a �t� pour moi un terrible
coup. Je ne m'en remettrai pas de bien des ann�es.

Mais Willie Hughes? Il n'y a rien dans l'id�e de Willie Hughes.
Pareil personnage n'a jamais exist�.

Quant � r�v�ler toute l'histoire au monde, le monde croit que
Cyril Graham s'est tu� par accident. La seule preuve qu'il s'�tait
tu� r�sultait de la lettre qu'il m'a �crite et le public n'a
jamais rien su de cette lettre. Actuellement m�me lord Crediton
croit que tout cela fut accidentel.

- Cyril Graham a sacrifi� sa vie � une grande id�e, r�pondis-je,
et si vous ne voulez pas parler de son martyre, parlez au moins de
sa foi.

- Sa foi, dit Erskine, �tait bas�e sur une chose qui �tait fausse,
sur une chose que pas un scholiaste de Shakespeare ne voudrait
accepter un moment. On rirait de la th�orie. Ne jouez pas le r�le
d'un fou. Ne suivez pas une chim�re qui ne m�ne � aucun but. Vous
commencez par affirmer l'existence de la personne m�me dont il
s'agit de prouver l'existence. En outre, tout le monde sait que
les _Sonnets _sont adress�s � lord Pembroke. La question est
r�solue une fois pour toutes.

- La question n'est pas r�solue, m'�criai-je. Je r�pandrai la
th�orie que Cyril Graham a laiss�e et je prouverai au monde qu'il
avait raison.

- Enfant t�tu, dit Erskine, rentrez chez vous. Il est plus de deux
heures. Et ne pensez plus � Willie Hughes. Je regrette de vous en
avoir parl� et je suis tout � fait d�sol� de vous avoir converti �
une chose � laquelle je ne crois pas.

- Vous m'avez donn� la cl� du plus grand myst�re de la litt�rature
moderne, r�pondis-je. Et je n'aurai pas de repos jusqu'� ce que je
vous aie fait reconna�tre � tous que Cyril Graham �tait le plus
subtil critique shakespearien de nos jours.

Comme je regagnais mon domicile � travers le parc de Saint-James,
l'aurore naissait sur Londres. Sur le lac poli, les cygnes blancs
dormaient et le squelette du palais se d�tachait en pourpre sur le
ciel vert p�le.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 0:01