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Page 6
II
Mon p�re
Tenez, lecteur! -- souvent, tout seul, je me prom�ne
Au lieu qui fut jadis la barri�re du Maine.
C'est laid, surtout depuis le si�ge de Paris.
On a plant� d'affreux arbustes rabougris
Sur ces longs boulevards o� nagu�re des ormes
De deux cents ans croisaient leurs ramures �normes.
Le mur d'octroi n'est plus; le quartier se b�tit.
Mais c'est l� que jadis, quand j'�tais tout petit,
Mon p�re me menait, enfant faible et malade,
Par les couchants d'�t� faire une promenade.
C'est sur ces boulevards d�serts, c'est dans ce lieu
Que cet homme de bien, pur, simple et craignant Dieu,
Qui fut bon comme un saint, na�f comme un po�te,
Et qui, bien que tr�s pauvre, eut toujours l'�me en f�te,
Au fond d'un bureau sombre apr�s avoir pass�
Tout le jour, se croyant assez r�compens�
Par la douce chaleur qu'au coeur nous communique
La main d'un dernier-n�, la main d'un fils unique,
C'est l� qu'il me menait. Tous deux nous allions voir
Les longs troupeaux de boeufs marchant vers l'abattoir,
Et quand mes petits pieds �taient assez solides,
Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides,
O�, m�l�s aux badauds descendus des faubourgs,
Nous suivions la retraite et les petits tambours.
Et puis enfin, � l'heure o� la lune se l�ve,
Nous prenions pour rentrer la route la plus br�ve;
On montait au cinqui�me �tage, lentement;
Et j'embrassais alors mes trois soeurs et maman,
Assises et cousant aupr�s d'une bougie.
-- Eh bien, quand m'abandonne un instant l'�nergie,
Quand m'accable par trop le spleen d�courageant,
Je retourne, tout seul, � l'heure du couchant,
Dans ce quartier paisible o� me menait mon p�re;
Et du cher souvenir toujours le charme op�re.
Je songe � ce qu'il fit, cet homme de devoir,
Ce pauvre fier et pur, � ce qu'il dut avoir
De r�signation patiente et chr�tienne
Pour gagner notre pain, t�che quotidienne,
Et se priver de tout, sans se plaindre jamais.
-- Au chagrin qui me frappe alors je me soumets,
Et je sens remonter � mes l�vres surprises
Les pri�res qu'il m'a dans mon enfance apprises.
Compliment
Tous ces jours-ci, mes chers lecteurs, je d�sirais,
Tel un petit gar�on qui, fris� tout expr�s,
Pr�sente son rouleau nou� d'un ruban rose,
Vous offrir un joli compliment -- vers ou prose --
Pour l'an qui, cette nuit, naquit et commen�a.
Mais, quand j'�tais enfant -- oh! pas plus haut que �a! --
Dans ce genre d�j� je n'ai pas fait merveille.
Le texte qu'� l'�cole on nous donnait, la veille,
Et qu'il fallait, le soir, au logis copier,
M'effrayait. J'ai noirci, depuis, bien du papier;
Mais c'�taient mes d�buts dans la litt�rature.
Ces phrases, r�clamant ma plus belle �criture,
�taient alors, pour moi, pleines de �mots d'auteur�.
Sur mon grand tabouret, pour �tre � la hauteur
Du pupitre, j'avais un Boiste en deux volumes;
Devant moi, sur la table, un encrier, des plumes,
Plus un bristol orn� d'un beau feston dor�
Et fleuri d'un petit bouquet peinturlur�.
Devant ce grand travail, que j'�tais mal � l'aise!
Fallait-il adopter la b�tarde ou l'anglaise?
Que faire? Je mouillais ma plume avec effroi;
Je songeais au tableau du passage Jouffroy,
O� monsieur Favarger mit trois ans de sa vie,
Chef-d'oeuvre et dernier mot de la calligraphie,
Qui montre aux gens, par un tel art humili�s,
Le �Lion d'Androcl�s� en �pleins� et �d�li�s�;
Et, le dos rond, roulant les yeux, tirant la langue,
Je transcrivais alors ma petite harangue.
Pas mal le �Chers parents, � qui je dois le jour�.
Mais, lorsque j'arrivais au �coeur rempli d'amour�,
Comment �crire �coeur�? �Coeur�, un mot difficile!...
Je m'agitais et, comme un petit imb�cile,
Je me mettais, avec des gestes constern�s,
De l'encre au bout des doigts, de l'encre au bout du nez.
Alors, j'�tais perdu. Les fautes d'orthographe
Pleuvaient. Je signais mal et ratais mon paraphe,
Et sur mes beaux souhaits de joie et de sant�
Je laissais choir enfin un monstrueux p�t�.
C'�tait affreux!
Pourtant, plein d'une angoisse �norme,
Le lendemain, avec ce manuscrit informe,
Quand je me pr�sentais devant mes bons parents,
Ils prenaient le papier, ouvraient les yeux tout grands,
S'�criaient: �C'est superbe!� et, sans d�dains ni moues,
Embrassaient tendrement leur fils sur les deux joues.
Oui, ma page illisible, ils semblaient l'admirer.
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