L'influence d'un livre by Philippe Aubert de Gaspé


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Page 25

Ce fut alors que je priai avec ardeur et fis voeu � la bonne sainte
Anne que, si elle me d�livrait, j'irais de porte en porte, mendiant
mon pain le reste de mes jours. Je fus distrait de ma pri�re par une
lumi�re soudaine; le spectre s'�tait tourn� de mon c�t�, avait relev�
son immense chapeau, et deux yeux �normes, brillants comme des
flambeaux, �clair�rent cette sc�ne d'horreur. Ce fut alors que je
pus contempler cette figure satanique: un nez lui couvrait la l�vre
sup�rieure, quoique son immense bouche s'�tend�t d'une oreille �
l'autre, lesquelles oreilles lui tombaient sur les �paules comme
celles d'un l�vrier. Deux rang�es de dents noires comme du fer et
sortant presque horizontalement de sa bouche se choquaient avec un
fracas horrible. Il porta son regard farouche de tous c�t�s et,
s'avan�ant lentement, il promena sa main d�charn�e et arm�e de
griffes sur toute l'�tendue du premier lit; du premier lit il passa
au second, et ainsi de suite jusqu'au onzi�me, o� il s'arr�ta quelque
temps. Et moi, malheureux! je calculais, pendant ce temps-l�, combien
de lits me s�paraient de sa griffe infernale. Je ne priais plus; je
n'en avais pas la force; ma langue dess�ch�e �tait coll�e � mon
palais et les battements de mon coeur, que la crainte me faisait
supprimer, interrompaient seuls le silence qui r�gnait, autour de
moi, dans cette nuit funeste. Je lui vis �tendre la main sur moi;
alors, rassemblant toutes mes forces, et par un mouvement convulsif,
je me trouvai debout, et face � face avec le fant�me dont l'haleine
enflamm�e me br�lait le visage. Fant�me! lui criais-je, si tu es de
la part de Dieu, demeure, mais si tu viens de la part du diable je
t'adjure, au nom du P�re, du Fils et du Saint-Esprit, de t'�loigner
de ces lieux. Satan, car c'�tait lui, messieurs, je ne puis en
douter, jeta un cri affreux, et son chien, un hurlement qui fit
trembler ma cabane comme l'aurait fait une secousse de tremblement de
terre. Tout disparut alors, et les trois portes se referm�rent avec
un fracas horrible. Je retombai sur mon grabat, mes deux chiens
m'�tourdirent de leurs aboiements pendant une partie de la nuit,
et ne pouvant enfin r�sister � tant d'�motions cruelles, je perdis
connaissance. Je ne sais combien dura cet �tat de syncope; mais
lorsque je recouvrai l'usage de mes sens, j'�tais �tendu sur le
plancher, me mourant de faim et de soif. Mes deux chiens avaient
aussi beaucoup souffert; car ils avaient mang� mes souliers, mes
raquettes et tout ce qu'il y avait de cuir dans la cabane. Ce fut
avec beaucoup de peine que je me remis assez de ce terrible choc pour
me tra�ner hors de mon logis, et lorsque mes compagnons revinrent, au
bout de trois mois, ils eurent de la peine � me reconna�tre: j'�tais
ce spectre vivant que vous voyez devant vous.

--Mais, mon vieux, dit l'incorrigible clerc notaire.

--Mais... mais... que... te serre.... dit le col�rique vieillard,
en relevant sa besace; et malgr� les instances du ma�tre il s'�loigna
en grommelant.

--Eh bien, monsieur le notaire, dit Amand d'un air de triomphe,
qu'avez-vous � r�pondre, maintenant?

--Il me semble, dit l'�tudiant, esprit fort, que le mendiant nous en
a assez dit pour expliquer la vision d'une mani�re tr�s naturelle;
il �tait ivrogne d'habitude, il avait beaucoup bu ce jour-l�; sa
conscience lui reprochait un meurtre atroce. Il eut un affreux
cauchemar, suivi d'une fi�vre au cerveau caus�e par l'irritation du
syst�me nerveux et... et...

--Et c'est ce qui fait que votre fille est muette, dit Amand
impatient�.



CHAPITRE DIXI�ME

La caverne du cap au Corbeau

Quels sont ces monts hardis, ces roches inconnues,
Leur pied se perd sous l'onde et leur front dans les nues.

CASIMIR DELAVIGNE.

Au milieu s'�levait un rocher d'o� tombait, goutte � goutte, une
eau noir�tre, et le bruit faible et sourd des gouttes qui tombaient
�tait le seul bruit qu'on entend�t.

LAMENNAIS.

Le rus� Dousterswivel de Sir Walter Scott cherchait ses tr�sors dans
les ruines des monast�res; mais notre h�ros avait des id�es toutes
diff�rentes: c'�tait sur les rives des lacs, dans les cavernes les
plus sombres et au fond de la mer, o� se portaient toutes ses
esp�rances. Sans avoir lu les ouvrages de M. Galland et de M. Petit
de Lacroix, son imagination transformait en palais de porphyre, �
cr�neaux d'or, la demeure des reptiles les plus immondes. Un serpent
�tait pour lui le g�nie qui gardait un tr�sor enfoui. Arriv� chez
lui, tout fut bient�t pr�par�, et d�s le lendemain il devait
traverser le fleuve pour se rendre � la caverne du cap au Corbeau.
Celui qui l'e�t vu la veille de son d�part se promener, � grand pas,
pr�s de sa demeure, aurait pu s'�crier avec le po�te:

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 8:26