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Page 24
Vers les quatre heures, nous �tions vis-�-vis le poste dont le nom me
fait encore fr�mir, apr�s un laps de soixante ans, et ce ne fut pas
sans une grande �motion que j'entendis le capitaine donner l'ordre de
pr�parer la chaloupe. Quatre de mes compagnons me mirent � terre avec
mon coffre, mes provisions et une petite pacotille pour �changer avec
les sauvages, et s'�loign�rent aussit�t de ce lieu maudit. Bon
courage! bon succ�s! s'�cri�rent-ils, d'un air moqueur, une fois
�loign�s du rivage. Que le diable vous emporte tous mes!... que
j'accompagnai d'un juron �pouvantable. Bon, me cria Joseph Pelchat, �
qui j'avais cass� deux c�tes, six mois auparavant; bon, ton ami le
diable te rendra plus t�t visite qu'� nous. Rappelle-toi ce que tu
as dit. Ces paroles me firent mal. Tu fais le dr�le, Pelchat, lui
criais-je; mais suis bien mon conseil, fais-toi tanner la peau par
les sauvages; car si tu me tombes sous la patte dans trois mois, je
te jure par... (autre ex�crable juron) qu'il ne t'en restera pas
assez sur ta maudite carcasse pour raccommoder mes souliers. Et quant
� toi, me r�pondit Pelchat, le diable n'en laissera pas assez sur
la tienne pour en faire la babiche. Ma rage �tait � son comble! Je
saisis un caillou, que je lan�ai avec tant de force et d'adresse,
malgr� l'�loignement de la terre, qu'il frappa � la t�te le
malheureux Pelchat et l'�tendit, sans connaissance, dans la chaloupe.
Il l'a tu�! s'�cri�rent ses trois autres compagnons, un seul lui
portant secours tandis que les deux autres faisaient force de rames
pour aborder la go�lette. Je crus, en effet, l'avoir tu�, et je ne
cherchai qu'� me cacher dans le bois, si la chaloupe revenait �
terre; mais une demi-heure apr�s, qui me parut un si�cle, je vis la
go�lette mettre toutes ses voiles et dispara�tre. Pelchat n'en mourut
pourtant pas subitement, il languit pendant trois ann�es, et rendit
le dernier soupir en pardonnant � son meurtrier. Puisse Dieu me
pardonner, au jour du jugement, comme ce bon jeune homme le fit
alors.
Un peu rassur�, par le d�part de la go�lette, sur les suites de ma
brutalit�; car je r�fl�chissais que si j'eusse tu� ou bless� Pelchat
mortellement, on serait venu me saisir, je m'acheminai vers ma
nouvelle demeure. C'�tait une cabane d'environ vingt pieds carr�s,
sans autre lumi�re qu'un carreau de vitre au sud-ouest; deux petits
tambours y �taient adoss�s, en sorte que cette cabane avait trois
portes. Quinze lits, ou plut�t grabats, �taient rang�s autour de la
pi�ce principale. Je m'abstiendrai de vous donner une description du
reste; �a n'a aucun rapport avec mon histoire.
J'avais bu beaucoup d'eau-de-vie pendant la journ�e, et je continuai
� boire pour m'�tourdir sur ma triste situation; en effet, j'�tais
seul sur une plage �loign�e de toute habitation; seul avec ma
conscience! et, Dieu, quelle conscience! je sentais le bras puissant
de ce m�me Dieu, que j'avais brav� et blasph�m� tant de fois,
s'appesantir sur moi; j'avais un poids �norme sur la poitrine. Les
seules cr�atures vivantes, compagnons de ma sollicitude, �taient deux
�normes chiens de Terre-Neuve: � peu pr�s aussi f�roces que leur
ma�tre. On m'avait laiss� ces chiens pour faire la chasse aux ours
rouges, tr�s communs dans cet endroit.
Il pouvait �tre neuf heures du soir. J'avais soup�, je fumais ma pipe
pr�s de mon feu, et mes deux chiens dormaient � mes c�t�s; la nuit
�tait sombre et silencieuse, lorsque, tout � coup, j'entendis un
hurlement si aigre, si per�ant, que mes cheveux se h�riss�rent. Ce
n'�tait pas le hurlement du chien ni celui plus affreux du loup;
c'�tait quelque chose de satanique. Mes deux chiens y r�pondirent par
des cris de douleur, comme si on leur e�t bris� les os. J'h�sitai;
mais l'orgueil l'emportant, je sortis arm� de mon fusil charg� �
trois balles; mes deux chiens, si f�roces, ne me suivirent qu'en
tremblant. Tout �tait cependant retomb� dans le silence et je me
pr�parais d�j� � rentrer lorsque je vis sortir du bois un homme suivi
d'un �norme chien noir; cet homme �tait au-dessus de la moyenne
taille et portait un chapeau immense, que je ne pourrais comparer
qu'� une meule de moulin, et qui lui cachait enti�rement le visage.
Je l'appelai, je lui criai de s'arr�ter; mais il passa, ou plut�t
coula comme une ombre, et lui et son chien s'engloutirent dans le
fleuve. Mes chiens tremblant de tous leurs membres s'�taient press�s
contre moi et semblaient me demander protection.
Je rentrai dans ma cabane, saisi d'une frayeur mortelle; je fermai et
barricadai mes trois portes avec ce que je pus me procurer de
meubles; et ensuite mon premier mouvement fut de prier ce Dieu que
j'avais tant offens� et lui demander pardon de mes crimes: mais
l'orgueil l'emporta, et repoussant ce mouvement de la gr�ce, je me
couchai, tout habill�, dans le douzi�me lit, et mes deux chiens se
plac�rent � mes c�t�s. J'y �tais depuis, environ, une demi-heure,
lorsque j'entendis gratter sur ma cabane comme si des milliers de
chats, ou autres animaux, s'y fussent cramponn�s avec leurs griffes;
en effet je vis descendre dans ma chemin�e, et remonter avec une
rapidit� �tonnante, une quantit� innombrable de petits hommes hauts
d'environ deux pieds; leurs t�tes ressemblaient � celles des singes
et �taient arm�es de longues cornes. Apr�s m'avoir regard�, un
instant, avec une expression maligne, ils remontaient la chemin�e
avec la vitesse de l'�clair, en jetant des �clats de rires
diaboliques. Mon �me �tait si endurcie que ce terrible spectacle,
loin de me faire rentrer en moi-m�me, me jeta dans un tel acc�s de
rage que je mordais mes chiens pour les exciter, et que saisissant
mon fusil je l'armai et tirai avec force la d�tente, sans r�ussir
pourtant � faire partir le coup. Je faisais des efforts inutiles pour
me lever, saisir un harpon et tomber sur les diablotins, lorsqu'un
hurlement plus horrible que le premier me fixa � ma place. Les petits
�tres disparurent, il se fit un grand silence, et j'entendis frapper
deux coups � ma premi�re porte: un troisi�me coup se fit entendre,
et la porte, malgr� mes pr�cautions, s'ouvrit avec un fracas
�pouvantable. Une sueur froide coula sur tous mes membres, et pour
la premi�re fois depuis dix ans, je priai, je suppliai Dieu d'avoir
piti� de moi. Un second hurlement m'annon�a que mon ennemi se
pr�parait � franchir la seconde porte, et au troisi�me coup, elle
s'ouvrit comme la premi�re, avec le m�me fracas. � mon Dieu! mon
Dieu! m'�criai-je, sauvez-moi! sauvez-moi! Et la voix de Dieu
grondait � mes oreilles, comme un tonnerre, et me r�pondait: non,
malheureux, tu p�riras. Cependant un troisi�me hurlement se fit
entendre et tout rentra dans le silence; ce silence dura une dizaine
de minutes. Mon coeur battait � coups redoubl�s; il me semblait que
ma t�te s'ouvrait et que ma cervelle s'en �chappait goutte � goutte;
mes membres se crispaient et lorsqu'au troisi�me coup la porte vola
en �clats sur mon plancher, je restai comme an�anti. L'�tre
fantastique que j'avais vu passer entra alors avec son chien et ils
se plac�rent vis-�-vis de la chemin�e. Un reste de flamme qui y
brillait s'�teignit aussit�t et je demeurai dans une obscurit�
parfaite.
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