Teverino by George Sand


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Page 9

--Vous savez bien que je ne suis pas d�vote, lui dit-elle apr�s la
messe, en parcourant avec lui la nef bord�e de petites chapelles; j'ai
la religion de mon temps.

--C'est-�-dire que vous n'en avez pas?

--Je crois qu'au contraire aucune �poque n'a �t� plus religieuse, en ce
sens que les esprits �lev�s luttent contre le pass�, et aspirent vers
l'avenir. Mais le pr�sent ne peut s'abriter sous aucun temple. Pourquoi
m'avez-vous fait entrer dans celui-ci?

--N'allez-vous pas � la messe le dimanche?

--C'est une affaire de convenance, et pour ne pas jouer le r�le d'esprit
fort. Le dimanche est d'obligation religieuse, par cons�quent d'usage
mondain.

--H�las! vous �tes hypocrite.

--De religion? Non pas. Je ne cache � personne que j'ob�is � une
coutume.

--Vous vous �tes fait un dieu de ce monde profane, et vous le trouvez
plus facile � servir.

--L�once, seriez-vous d�vot? dit-elle en le regardant.

--Je suis artiste, r�pondit-il; je sens partout la pr�sence de Dieu,
m�me devant ces grossi�res images du moyen �ge, qui font ressembler le
lieu o� nous sommes � quelque pagode barbare.

--Vous �tes plus impie que moi: ces f�tiches affreux, ces _ex-voto_
cyniques me font peur.

--Je vois, le pass� est votre effroi; il vous g�te le pr�sent. Que ne
comprenez-vous l'avenir? Vous seriez dans l'id�al.

--Tenez, artiste, regardez! lui dit Sabina en attirant son attention
sur une figure agenouill�e sur le pav�, dans la profondeur sombre d'une
chapelle fun�raire.

C'�tait une jeune fille, presque un enfant, pauvrement v�tue, quoique
avec propret�. Elle n'�tait pas jolie, mais sa figure avait une
expression saisissante, et son attitude une noblesse singuli�re. Un
rayon de soleil, �gar� dans cette cave humide o� elle priait, tombait
sur sa nuque ros�e et sur une magnifique tresse de cheveux d'un blond
p�le, presque blanch�tre, roul�e et serr�e autour d'un petit b�guin de
velours rouge brod� d'or fan�, et garni de dentelle noire, � la mode du
pays. Elle �tait haute en couleur, malgr� le ton fade de sa chevelure.
Le bleu tranch� de ses yeux paraissait plus brillant sous ses longs cils
d'or mat tirant sur l'argent. Son profil trop court avait des courbes
d'une finesse et d'une �nergie extraordinaires.

--Allons, L�once, ne vous oubliez pas trop � la regarder, dit Sabina �
son compagnon, qui �tait comme p�trifi� devant la villageoise, c'est
de moi seule qu'il faut �tre occup� aujourd'hui; si vous avez une
distraction, je suis perdue, je m'ennuie.

--Je ne pense qu'� vous en la regardant. Regardez-la aussi. Il faut que
vous compreniez cela.

--Cela? c'est la foi aveugle et stupide, c'est le pass� qui vit encore,
c'est le peuple. C'est curieux pour l'artiste, mais moi je suis po�te,
et il me faut plus que l'�trange, il me faut le beau... Cette petite est
laide.

--C'est que vous n'y comprenez rien. Elle est belle selon le type rare
auquel elle appartient.

--Type d'Albinos.

--Non! c'est la couleur de Rubens, avec l'expression aust�re des vierges
du Bas-Empire. Et l'attitude?

--Est raide comme le dessin des ma�tres primitifs. Vous aimez cela?

--Cela a sa gr�ce, parce que c'est na�f et impr�vu. La Madeleine de
Canova pose, les vierges de la Renaissance savent qu'elles sont belles;
les mod�les primitifs sont tout d'un jet, tout d'une pi�ce, on pourrait
dire tout d'une venue, comme la pens�e qui les fit �clore.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 10th Jan 2025, 18:22