Teverino by George Sand


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Page 71

--Soit! dit L�once, mais j'ai encore plusieurs questions � t'adresser,
et puisque voici le prieur et le cur� qui viennent saluer milady, je lui
demanderai la permission de t'entretenir en particulier.

Ils entr�rent sous les arcades du clo�tre, d'o� l'on d�couvrait la
campagne, et l�, L�once prenant le bras de l'aventurier:

--Voyons! lui dit-il; tu me parais vouloir mettre un peu d'ordre et de
travail dans ta vie. Tu as des facult�s naturelles extraordinaires, et
je ne doute pas qu'avec ce que tu as plut�t devin� qu'appris, tu ne
puisses en peu de temps te faire un sort brillant et acqu�rir de la
r�putation.

--Je le sais parfaitement, r�pondit Teverino, mais cela ne me tente pas.

--Tu n'as donc pas de vanit�? Tu m�riterais d'�tre moine!

--J'ai de la vanit�, et je ne suis pas fait pour la r�gle. Je ne serai
donc pas moine et je resterai voyageur sur la terre, satisfaisant ma
vanit� quand il me plaira, me d�barrassant d'elle quand elle voudra
m'asservir. Car la vanit� est le plus despote et le plus inique des
ma�tres, et je ne prendrai jamais l'engagement d'�tre l'esclave de mon
propre vice.

--Ne peux-tu �tre un artiste s�rieux sans �tre l'esclave du public?
Allons, �coute-moi. Les commencements sont rebutants pour une fiert�
sauvage comme la tienne. Tes protecteurs ont d� �tre jusqu'ici injustes
ou parcimonieux, puisque tu as la protection d'autrui en horreur! Mais
une amiti� �clair�e, d�licate, digne de toi, j'ose le dire, ne peut-elle
donc t'offrir les moyens de commencer et d'�tablir ta fortune? L'argent
et l'appui des ma�tres sont des moyens n�cessaires. Accepte mes offres,
viens me trouver � Paris, o� je serai dans deux mois, et je te r�ponds
que l'hiver ne se passera pas sans que tu sois � la place qui te
convient dans le monde.

--Merci, cher L�once, merci, dit Teverino en lui pressant la main. Je
sais que tu parles dans la sinc�rit� de ton coeur, mais je peux
d'autant moins accepter le moindre service de toi, que nous nous sommes
rencontr�s dans des situations d�licates et sur un terrain br�lant. J'ai
pu �tre pendant vingt-quatre heures un mod�le de chevalerie, un miroir
de loyaut�. Mais, quoique je ne sois pas amoureux de milady, l'�preuve
a �t� assez p�rilleuse et assez difficile pour que je ne d�sire pas
la recommencer. Ne prends pas ceci pour une bravade; je suis certain
qu'elle t'aime, j'en ai �t� s�r avant toi. J'en suis heureux; je
m'applaudis d'avoir servi de chemin � une victoire que je d�sirais pour
toi seul; mais nous pourrions nous rencontrer sur le bord de quelque
autre ab�me, et la pens�e que je suis ton oblig�, c'est-�-dire ta
cr�ature et ta propri�t�, me forcerait � m'abjurer et � m'effacer en
toute rencontre. Je serais ou coupable d'ingratitude ou victime de ma
vertu. Et puis, tu ne serais pas longtemps sans renoncer � arranger
convenablement l'existence de ton pauvre vagabond. Je me d�go�terais
vite de tout ce qui me serait sugg�r�. En mainte rencontre, je me
repentirais d'avoir c�d� � la persuasion; je t'ennuierais, malgr� moi,
des in�vitables d�go�ts sem�s sur ma carri�re, et tu te fatiguerais � me
ramener de mes �carts. Enfin, ne fusses-tu pour rien dans tout cela,
je ne sens rien qui m'attire vers la gloire tranquille et les revenus
assur�s par-devant notaire. J'ai vu de bonne heure toutes les coulisses
de toutes les sc�nes de la vie humaine; je pourrais �tre com�dien sur
ces diff�rents th��tres; mais � la porte de tous, dans le monde comme
sur les planches, il y a une arm�e d'exploiteurs, de critiques, de
rivaux et de claqueurs, que je ne pourrais ni tromper, ni m�nager, ni
flatter, ni payer. Dieu m'a fait l'ennemi de tout mensonge s�rieux et
de toute froide supercherie; je ne sais me farder que pour rire,
et bient�t, ma vigoureuse franchise prenant le dessus, j'ai besoin
d'essuyer mes joues et de me sentir un homme pour tendre la main au
faible et souffleter l'insolent. Je n'ai pas d'illusions possibles, et,
avant d'avoir v�cu pour mon compte, je savais le dernier mot de ceux qui
ont vieilli dans le combat. Oh! vive ma sainte libert�! ne rougis pas de
moi, sage et noble L�once! Ta route est toute fray�e, et tu y marcheras
avec majest�; moi, je ne connais que la ligne bris�e et la course �
tire-d'aile, comme ma petite Madeleine.

--Et Madeleine, � propos? Voil� o� ta philosophie devient effrayante, et
ton crime imminent. Hier, tu dormais dans sa chaumi�re; aujourd'hui, tu
t'abrites sous la vo�te du couvent; demain, tu erreras sur le pav� des
villes; et cette enfant sera bris�e, si elle ne l'est d�j�!

--Tenez! dit le boh�mien arr�tant L�once devant une arcade, regardez
ce torrent qui roule l�-bas au fond du ravin. Regardez-le, juste �
l'endroit o� un pont rustique joint le sentier qui descend d'ici et
celui qui remonte sur la montagne en face.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 27th Dec 2025, 1:33