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Page 70
--Voil� un r�cit tr�s-touchant, dit L�once, et il n'y a pas moyen d'y
r�sister. Sabina, vous ne pouvez refuser votre pardon � une contrition
si parfaite. Tendez la main au coupable, c'est moi qui vous en supplie,
et relevez-le de ses voeux terribles.
Sabina, satisfaite de l'explication un peu hypocrite, mais infiniment
respectueuse du marquis, lui permit de baiser sa main, et l'engagea, en
s'effor�ant de sourire, de se pardonner une faute qu'elle avait d�j�
compl�tement oubli�e. Elle insista sur ces derni�res paroles, de mani�re
� lui faire sentir qu'elle n'attachait aucune importance au ridicule
incident du baiser, et Teverino admira en lui-m�me, avec une bonhomie
malicieuse, l'aplomb d'une femme du monde aux prises avec de si
d�licates apparences.
--Je suis d'autant plus glorieux de mon pardon, dit-il, que je vois bien
que mon crime n'a tourn� qu'� ma confusion et au triomphe de l'amour
v�ritable.
--Maintenant, dit L�once, veux-tu nous expliquer comment tu as d�rob� �
la vigilance des bons moines cet habit de l'innocence que tu portes si
fi�rement?
--Cet habit m'appartient, r�pondit Teverino; il est tout neuf, il me
sied, il est commode, et je compte l'user ici.
--Ah �a, tr�ve de plaisanteries. Je ne crois pas que le diable te tente
de prendre le froc?
--Si fait: le diable, en me suscitant cette envie, m'a dit � l'oreille
qu'il ne manquait pas ici d'orties pour m'en d�barrasser. Devinez ce qui
m'arrive! Ma fortune n'est pas brillante et ne r�pond gu�re � mon titre
de marquis. Vous avez pu, sans indiscr�tion, confier cette circonstance
� milady. De plus, je suis capricieux comme un artiste, paresseux comme
un moine, r�veur comme un po�te. J'ai toujours aim� les couvents et r�v�
cette vie molle et b�ate, pourvu qu'elle ne se prolonge�t pas au del� du
terme assign� par ma fantaisie. Tout � l'heure, en �coutant les novices
qui prenaient leur le�on de chant, j'ai fait au prieur quelques
remarques judicieuses sur la mauvaise m�thode qu'ils suivaient. Il m'a
avou� que son ma�tre-chantre �tait en mission aupr�s du Saint-P�re,
et ne reviendrait de Rome que dans deux mois. Pendant cette absence,
l'�cole d�p�rit et la m�thode se perd. J'ai chant� alors un motet � ma
mani�re, et ce bon prieur, qui se trouve �tre un enrag� m�lomane, ne
savait plus quelle f�te me faire. �Ah! Monsieur, me disait-il quel
dommage que vous soyez un riche seigneur! quel ma�tre de chant vous
auriez fait!--Qu'� cela ne tienne, ai-je r�pondu, je m'en vais donner la
le�on � vos novices sous vos yeux.�
En moins de cinq minutes, je leur ai fait comprendre qu'ils ne savaient
ni �mettre ni poser la voix, et, joignant l'exemple au pr�cepte, avec
beaucoup de douceur et de modestie, je les ai tellement charm�s et
enthousiasm�s, qu'ils r�p�taient � l'envi avec le prieur: �Quel dommage
de ne pas pouvoir nous attacher un tel ma�tre!�
Bref, j'ai �t� si attendri de leurs d�monstrations, et la vie du moine
musicien m'est apparue sous des couleurs si agr�ables, que j'ai consenti
� passer ici les deux mois qui doivent s'�couler avant le retour du
ma�tre-chantre. Je me suis fait conduire � l'orgue, que j'ai fait
r�sonner de mani�re � enchanter mes auditeurs; et enfin me voil� moine
pour le reste de l'�t�: c'est-�-dire que, bien nourri et bien log�,
habill� comme me voil� dans l'int�rieur du clo�tre, pour mon amusement
particulier, ayant six heures par jour d'une occupation qui me pla�t, et
le reste du temps pour courir dans la montagne, chasser, p�cher, lire,
composer ou dormir, je me trouve le plus heureux des hommes, et je
m'identifie avec mon patron Jean Kreyssler, qui se plut si bien dans son
asile monastique, qu'il y oublia, entre la grande musique et le bon vin,
ses malheurs, ses amours et toutes les choses de ce monde p�rissable!
--Bravo! dit L�once, je t'approuve et compte venir te voir souvent; mais
je doute que tu restes ici deux mois entiers. Je sais que tout ce qui
est nouveau te sourit, et que tout ce qui dure te fatigue.
--C'est vrai; mais quand je prends un engagement, j'y persiste avec
scrupule. Tu dois me rendre cette justice que je ne m'engage pas sans
conditions, et que je porte dans mes conditions une certaine pr�voyance.
Je sais d'avance que j'aurai ici du plaisir pour deux mois. Les �l�ves
sont intelligents et doux; il y a de belles voix que j'aimerai �
d�velopper. Et puis, il y a dans le chapitre de vieux grimoires musicaux
couverts d'une v�n�rable poussi�re que je me promets de secouer. C'est
dans de telles archives que se trouvent les tr�sors de l'art et la
fortune des artistes.
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