Teverino by George Sand


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Page 69

--Vous m'effrayez davantage de ma faute, dit Sabina tremblante.
Croyez-vous donc que cette pens�e ne me soit pas venue, et que je ne me
reproche pas de vous avoir fait ce mal personnel? C'est � Dieu que je
m'en confesse.

--Et pourquoi n'est-ce pas � moi aussi, � moi surtout? s'�cria L�once en
saisissant avec force ses deux mains agit�es. Dieu vous a d�j� pardonn�;
vous le savez bien; mais moi, vous ne voulez donc pas que je vous
pardonne comme ami et comme amant?

--�pargnez-moi cette souffrance, dit Sabina en voyant son orgueil r�duit
aux abois. Lisez dans mon coeur, et comprenez donc quel est son plus
grand motif de douleur.

--Eh bien, humilie-toi jusque-l�, reprit L�once exalt�, puisque c'est
la plus grande preuve d'amour qu'une femme telle que toi puisse donner!
Dis-moi que tu as p�ch� envers moi; l�ve vers le ciel ta t�te alti�re,
et brave-le si tu veux; peu m'importe. Je n'ai pas mission de te menacer
de sa col�re; mais je sais que tu m'as bris� le coeur, et que tu me dois
d'en convenir. Si tu ne te repens pas de ce crime, c'est que tu ne veux
pas le r�parer.

--Eh bien, pardonne-le-moi, L�once, et pour me le prouver, efface �
jamais la trace de cet odieux baiser.

--Il n'y est plus, il n'y a jamais �t�! s'�cria L�once en la pressant
contre son coeur; et � pr�sent, dit-il en retombant � ses pieds, marche
sur moi si tu veux, je suis ton esclave; et qu'un fer rouge br�le mes
l�vres s'il en sort jamais un reproche, une allusion � tout autre baiser
que le mien!

En ce moment, l'horloge du couvent sonna deux heures, et la porte du
pr�au s'ouvrit pour laisser sortir un jeune fr�re v�tu de l'habit blanc
des novices.

Il �tait seul et marchait lentement, la t�te baiss�e sous son capuchon,
les mains crois�es sur sa poitrine, et comme plong� dans un modeste
recueillement.

L�once et Sabina se lev�rent pour aller � sa rencontre, et il s'inclina
jusqu'� terre pour leur t�moigner son respect et son humilit�. Mais tout
� coup, se relevant de toute sa grande taille, et jetant son capuchon en
arri�re, il leur montra, au lieu d'une t�te ras�e, la belle chevelure
noire et la figure riante de Teverino.

--Quel est ce nouveau d�guisement? s'�cria L�once. Teverino, pour toute
r�ponse, �leva la main vers le campanille du couvent et montra le cadran
de l'horloge, qui marquait l'heure en lettres d'or sur un fond d'azur.
Puis il dit d'une voix creuse, en s'agenouillant comme un p�nitent:

--L'heure est pass�e, ma confession va �tre entendue.

--Pas un mot! dit L�once en lui mettant les deux mains sur les �paules,
et en le secouant avec une affectueuse autorit�. Sur ton �me et sur ta
vie, fr�re, tais-toi! Me crois-tu assez l�che pour t'avoir trahi? Que
ton secret meure avec toi; il ne t'appartient pas, et ton coeur est trop
g�n�reux pour faire la confession des autres.

--Je ne suis pas un enfant, pour ne point savoir ce que je puis taire ou
r�v�ler, r�pondit le boh�mien; mais il est des choses dont j'aurais la
conscience charg�e si je ne m'en accusais ici; d'autant plus que, sous
ce rapport, nous voici trois qui n'avons rien � nous cacher. �coutez
donc, noble et g�n�reuse Signora, la plainte d'un pauvre p�cheur, qui
vient demander l'absolution � vous et au seigneur L�once.

Ce mis�rable, attach� � votre noble ami par les liens sacr�s de
l'affection et de la reconnaissance, eut le malheur de rencontrer un
jour, au milieu d'un bois, une dame d'une naissance illustre et d'une
beaut� ravissante. Il ne put la voir et l'entendre sans �tre fascin� par
les charmes de sa personne et de son esprit. Tout en se laissant aller
au bonheur supr�me de la regarder et de l'entendre, il faillit oublier
que L�once �tait �perdument �pris d'elle, et que lui-m�me avait d'autres
affections � respecter. Il eut la sotte vanit� de chanter pour la
distraire, car cette admirable dame �tait triste. Quelque nuage s'�tait
�lev� entre elle et L�once, et elle avait comme un besoin de pleurer en
pensant � lui. Le p�cheur indigne �tait passionn� pour son art, et ne
pouvait chanter sans s'�mouvoir lui-m�me jusqu'� en perdre l'esprit. Il
arriva donc que lorsqu'il eut dit sa romance, il vit la dame attendrie,
et il eut comme une bouff�e de ridicule fatuit�, comme un �blouissement,
comme un acc�s de d�lire. Oubliant ses devoirs personnels, son amiti�
sainte pour L�once et le profond respect qu'il devait � la signora, il
eut l'audace de profiter de sa pr�occupation douloureuse, de s'asseoir
aupr�s d'elle, et de chercher � surprendre une de ces pures caresses qui
ne lui �taient pas destin�es. Si la noble dame irrit�e n'e�t d�tourn�
la t�te avec horreur, il allait ravir un baiser qui n'e�t pas �t� assez
pay� de sa vie. Heureusement L�once parut, et prot�gea son amie contre
l'audace d'un sc�l�rat. Depuis ce moment, la dame ne l'a plus regard�
qu'avec m�pris; et lui, sentant le remords dans son �me coupable, voyant
qu'� un grand crime il fallait une grande expiation, il a rompu le pacte
de Satan, il a renonc� au monde, et, se pr�cipitant dans la paix du
clo�tre, il a pris cet habit de la p�nitence que le repentir colle � ses
os, et qu'il ne quittera que pour un linceul.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 21:06