|
Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 68
L�once et sa compagne, apr�s avoir admir� la vigueur des plantes
cultiv�es avec tant d'amour et de science dans le pr�au, retourn�rent
dans la premi�re cour, dont les b�timents d�labr�s et les grandes herbes
abandonn�es avaient plus de caract�re et de po�sie. Ce lieu �tait
compl�tement d�sert, et ses antiques constructions, ouvertes sur le
paysage, ne servaient plus que de hangars et de celliers. La mule du
prieur, blanchie par l'�ge, paissait d'un air m�lancolique, et le
roucoulement des pigeons sur les toits couverts de mousse interrompait
seul, avec le murmure uniforme de la fontaine et le tintement de
l'horloge qui annon�ait minutieusement chaque parcelle du temps �coul�,
le silence de cette demeure o� le temps n'avait pas d'emploi v�ritable
et o� la vie semblait s'�tre arr�t�e.
Sabina, assise sur un banc aupr�s de la fontaine de marbre noir,
ressemblait � la statue de la M�lancolie. Une r�volution compl�te
s'�tait op�r�e depuis le matin dans les mani�res, l'attitude et
l'expression de cette belle personne, et L�once, en la contemplant,
sentait que tout �tait chang� entre elle et lui. Ce n'�tait plus la
d�daigneuse beaut�, sceptique � l'endroit de l'amour r�el, fi�rement
exalt�e � l'id�e de je ne sais quel amour id�al et impossible, auquel
nul mortel ne lui semblait digne d'�tre associ� dans ses r�ves. Cette
force de caract�re, cette tension p�nible de la volont�, qui avaient
tant effray� et tant irrit� L�once, avaient fait place � une molle
langueur, � une tristesse touchante, � une r�verie profonde, � un
ensemble de mani�res tendres et douces, dont lui seul �tait l'objet.
C'�tait une femme timide, tremblante et bris�e, et pour la premi�re fois
elle avait pour lui un attrait que ne gla�aient plus la m�fiance et
la peur. Il se sentait � l'aise aupr�s d'elle, il pouvait parler et
respirer sans craindre ces piquantes et spirituelles railleries qui, en
�veillant son esprit, tenaient son coeur en garde contre elle et contre
lui-m�me. Il n'avait plus besoin d'affecter, comme la veille, ce r�le de
docteur et de p�dagogue myst�rieux, plaisanterie froide et forc�e qui
avait cach� tant d'�motion et de d�pit. Il �tait d�sormais pour elle un
v�ritable protecteur, un m�decin de l'�me, presque un ma�tre; et l� o�
l'homme sent qu'il dirige et domine, il est capable de tout pardonner,
m�me l'infid�lit� qui a fait saigner son amour-propre.
Il s'assit aux pieds de sa docile p�nitente, et apr�s un long silence o�
il se plut peut-�tre � prolonger son inqui�tude et sa timidit�, il lui
demanda si son affection, � elle, ne serait pas diminu�e par cette
p�nible confidence qu'elle avait os� lui faire.
--Peut-�tre, lui dit-elle, si je voyais en vous autre chose qu'un amant
qui me quitte et un ami qui m'est rendu. Mais si l'ami me gu�rit des
blessures que je me suis faites, je verrai avec joie l'amant dispara�tre
pour jamais. De cette fa�on ma fiert� ne peut pas souffrir; car si
l'amour est orgueilleux et susceptible, si son pardon est humiliant et
inacceptable; celui de l'amiti� est le plus saint et le plus doux des
bienfaits. Ah! voyez, mon cher L�once, combien ce sentiment divin est
plus pur et plus pr�cieux que l'autre! comme, au lieu d'amoindrir et de
torturer, il ennoblit et purifie! Hier, je n'eusse accept� de vous ni
secours ni piti�. Aujourd'hui je ne rougirais pas de vous les demander �
genoux.
[Illustration: Il �tait seul et marchait lentement.]
--Eh bien, mon amie, vous n'�tes pas encore dans le vrai; vous avez
pass� d'un exc�s � l'autre. Hier, vous m�prisiez trop l'amiti�;
aujourd'hui, vous l'exaltez sans mesure. Vous ne pouvez perdre la fausse
notion que vous vous �tes faites si longtemps de ces deux sentiments,
et vous voulez toujours les rendre exclusifs l'un de l'autre; pourtant
l'union des sexes n'est vraiment id�ale et parfaite que lorsqu'ils se
r�unissent dans deux nobles coeurs. Qu'est-ce donc qu'un amour vrai, si
ce n'est une amiti� exalt�e? Oui, l'amour, c'est l'amiti� port�e jusqu'�
l'enthousiasme. On dit que l'amour seul est aveugle! L� o� l'amiti�
est clairvoyante, elle est si froide, qu'elle est bien pr�s de mourir.
Croyez-moi, si votre faute me semblait grave et impardonnable, si un
instant de trouble et de d�faillance vous rendait, � mes yeux, indigne
de conna�tre et de ressentir l'amour, je ne serais pas votre ami, et
vous devriez repousser mes consolations au lieu de les accepter. Dans la
jeunesse, on n'aime pas la femme qu'on ne d�sire plus et qu'on voit
sans jalousie dans les bras d'un autre. Le mot d'amiti� est alors un
mensonge, et Dieu me pr�serve de vous dire que je vous aime ainsi! Oh!
laissez-moi vous confesser que je souffre mortellement de ce qui s'est
pass� hier, et que je suis irrit� contre vous jusqu'� �tre encore en
ce moment plus pr�s de la haine que de l'amiti� telle que vous la
d�finissez. Ce n'est pas d�chue et m�prisable que je vous trouve, c'est
injuste, cruelle, coupable envers moi seul, qui vous aime, et qui
m�ritais le bonheur que vous avez donn� � un autre..
Previous Page
| Next Page
|
|