Teverino by George Sand


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Page 66

Sabina avait parl� avec �nergie; ses joues �taient d'une p�leur mortelle
que faisaient ressortir de l�gers points br�lants sur ses pommettes
d�licates. Elle avait r�ellement la fi�vre, et la brise du matin, qui
soulevait sa magnifique chevelure, lui donnait un aspect inaccoutum� de
d�sordre et d'�motion violente. L�once la trouva plus belle que jamais;
il saisit sa main, et la sentant r�ellement agit�e d'un frisson glac�,
il la porta � ses l�vres pour la ranimer. Un torrent de larmes brisa la
poitrine de Sabina; et, se penchant sur l'�paule de son ami, elle fut
re�ue dans ses bras qui la serr�rent passionn�ment.

L�once garda le silence; il lui �tait impossible de dire un mot. Les
pr�jug�s de son orgueil luttaient contre l'�lan de son coeur. S'il ne se
f�t agi en r�alit� que du pardon de l'amiti�, rien ne lui e�t �t� plus
facile que de prodiguer de tendres consolations; mais L�once �tait
amoureux, amoureux fou peut-�tre, et depuis trop longtemps pour que les
devoirs de l'amiti� pussent se pr�senter � son esprit. Il �tait aux
prises avec une passion bien autrement exigeante et jalouse, et il
souffrait de v�ritables tortures en songeant qu'� deux pas de lui se
trouvait un homme qui avait r�ussi, en un instant, � bouleverser ce
coeur ferm� pour lui depuis des ann�es. Malgr� ce combat int�rieur,
L�once �tait vaincu sans se l'avouer; car il �tait n� g�n�reux, et de
plus, il �prouvait le sentiment qui devient en nous le plus g�n�reux de
tous, quand nous r�ussissons � d�gager sa divine essence des souillures
de l'�go�sme et de la vanit�.

--Ne m'interrogez pas, dit-il � Sabina; et moi aussi, je souffre... mais
restez ainsi pr�s de mon coeur, et t�chons d'oublier, tous les deux!

Il la retint dans ses bras, et elle �prouva bient�t la douceur de ce
fluide magn�tique qui �mane d'un coeur ami, et qui a plus d'�loquence
que toutes les paroles. Tous deux respiraient plus librement, et comme
les yeux de Sabina se fermaient pour savourer cette pure ivresse, il lui
dit en l'attirant plus pr�s de lui: �Dormez, ch�re malade, reposez-vous
de vos fatigues.� Elle c�da instinctivement � cette invitation, et
bient�t un sommeil bienfaisant, doucement berc� par la marche lente de
la voiture et la sollicitude de son ami, r�para ses forces et ramena sur
ses joues le p�le coloris uniforme, qui est la fra�cheur des brunes.



XIII.

HALTE!

Sabina ne s'�veilla qu'� la cabane du douanier; mais, avant qu'elle e�t
song� � se d�gager de la longue et silencieuse �treinte de L�once, le
regard per�ant de Teverino avait surpris le chaste myst�re de cette
r�conciliation. L�once vit son sourire amical, et, comme il essayait
de n'y r�pondre qu'avec r�serve, le boh�mien, lui montrant le ciel, et
reprenant le r�citatif de _Tancredi_, qu'il avait entonn� la veille au
m�me endroit, il chanta ce seul mot, o�, en trois notes, Rossini a su
concentrer tant de douleur et de tendresse: _Amena�de_!

Teverino y mit un accent si profond et si vrai, que L�once lui dit,
en descendant de voiture pour parler au douanier:--Il suffirait de
t'entendre prononcer ainsi ce nom et chanter ces trois notes pour
reconna�tre que tu es un grand chanteur, et que tu comprends la musique
comme un ma�tre.

--Je comprends l'amour encore mieux que la musique, r�pondit Teverino,
et je vois avec plaisir que tu commences � en faire autant. Crois-moi,
quand l'amour parle � ton coeur, �l�ve ton coeur vers Dieu qui est toute
mansu�tude et toute bont�. Tu sentiras alors ce coeur bless� redevenir
calme et na�f comme celui d'un petit enfant.

--Vous allez donc encore nous conduire? dit le cur� en voyant Teverino
monter sur le si�ge. Serez-vous plus sage qu'hier, au moins?

--�tes-vous donc m�content de moi, cher abb�? vous est-il arriv� le
moindre accident? D'ailleurs, n'allez-vous pas vous placer pr�s de moi
pour mod�rer ma fougue si je m'emporte?

--Allons, vous faites de moi tout ce que vous voulez, et si Barbe voyait
comme vous me menez par le bout du nez, elle en serait jalouse et
r�clamerait son monopole. Le fait est que je commence � m'habituer �
vos folies, et que je ne peux pas dire que vous ne soyez un aimable
compagnon. Allons, fouette, cocher! pourvu que nous retournions tout de
bon � Sainte-Apollinaire aujourd'hui, et que nous ne repassions pas par
ce maudit torrent, qui semble vouloir � chaque instant emporter le pont
et ceux qui y passent!...

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 15:02