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Page 65
--Comme vous �tes peu d'accord avec vous-m�me, L�once! Hier vous faisiez
une guerre acharn�e, f�roce, � cet odieux caract�re; vous le taxiez
d'�go�sme et de froide barbarie. Vous �tiez pr�t � me ha�r de ce que je
n'avais jamais aim�.
--Alors vous vous �tes piqu�e d'honneur, et vous avez voulu faire voir
de quoi vous �tiez capable!
--Soyez calme et g�n�reux: ne me supposez pas la l�chet� de m'�tre trac�
un r�le et d'avoir tranquillement r�solu de vous faire souffrir.
--Souffrir, moi? Pourquoi aurais-je donc souffert?
--Parce que vous m'aimiez hier, L�once. Oui, vous me parliez d'amour en
me t�moignant de la haine; vous m'imploriez en me repoussant. Je sais
que vous en �tes humili� aujourd'hui; je sais qu'aujourd'hui vous ne
m'aimez plus.
--Eh bien, dit L�once tristement, voil� ce qui s'appelle lire dans les
coeurs. Mais il vous est, je suppose, aussi indiff�rent de me voir gu�ri
aujourd'hui, qu'il vous l'�tait hier de me savoir malade?
--Connaissez donc toute la perversit� de mon instinct. Je n'�tais pas
plus indiff�rente hier que je ne le suis aujourd'hui. J'avais presque
accept� votre amour hier en le repoussant, et aujourd'hui, tout en ayant
l'air de l'implorer, j'y renonce.
--Vous faites bien, Sabina, ce serait un grand malheur pour tous deux
qu'il put persister apr�s ce que j'ai vu et ce que je fais.
--Et pourtant vous n'avez pas tout vu, et je veux que vous sachiez tout.
Hier, au sommet de la tour, j'ai �t� attendrie jusqu'aux larmes par la
voix-de cet Italien; un vertige m'a saisie, j'ai senti ses l�vres
sur les miennes, et si je ne vous eusse entendu revenir, je n'aurais
peut-�tre pas d�tourn� la t�te.
--Il vous est facile de vous confesser � qui n'a rien perdu de celle
sc�ne pittoresque. J'ai cru voir Fran�oise de Rimini recevant le premier
baiser de Lanciotto! Vous �tiez fort belle.
--Eh bien, L�once, pourquoi ce frisson, ce regard courrouc� et cette
voix tremblante? Que vous importe aujourd'hui, puisque, pour cette
faute, vous ne m'aimez plus? puisque vous me m�prisez au point de
vouloir m'�ter le m�rite de la confiance et du repentir?
--On ne se repent pas quand on se confesse avec tant d'audace.
--Eh bien, que ce soit de l'audace si vous voulez, je ne me pique pas du
contraire, et ce n'est pas le pardon d'un amant que je demande, c'est
l'absolution de l'amiti�. Tenez, L�once, l'humiliante exp�rience que
j'ai faite hier � mes d�pens, m'a fait changer de sentiments sur l'amour
et d'opinion sur moi-m�me. Je r�vais quelque chose d'inou� et de
sublime; j'y croyais encore; je vous supposais � peine digne de me
guider � la d�couverte de cet id�al. Maintenant j'ai reconnu le n�ant de
mes songes et l'infirmit� honteuse de la nature humaine. Un oeil de feu,
de flatteuses paroles, une belle voix, la fatigue et l'�motion d'une
journ�e d'aventures, l'enivrement d'une belle nuit, d'un beau site, et,
par-dessus tout, un m�chant instinct de d�pit contre vous, m'ont rendue
aussi faible � un moment donn�, que j'avais �t� forte et invincible
durant plusieurs ann�es pass�es dans le monde. Un trouble inconcevable a
pes� sur moi, un nuage a couvert mes yeux, un bourdonnement a rempli
mes oreilles. J'ai senti que moi aussi j'�tais un �tre passif, domin�,
entra�n�, une femme, en un mot! Et d�s lors tout mon �chafaudage
d'orgueil s'est �croul�; j'ai pleur� la foi que j'avais en moi-m�me, et,
me sentant ainsi d�chue et d�sillusionn�e sur mon propre compte, j'ai
cru, du moins, pouvoir remercier Dieu d'avoir plac� pr�s de moi un
ami g�n�reux, qui, apr�s m'avoir pr�serv�e d'une chute compl�te, me
consolerait dans ma douleur. Me suis-je donc tromp�e, L�once, et
n'essaierez-vous pas de fermer cette blessure qui saigne au fond de
mon coeur? Faudra-t-il que je pleure dans la solitude, et que je sois
foudroy�e � toute heure par le cri de ma conscience? Et si ce d�sespoir
ach�ve de me briser, si une premi�re chute me place sur une pente
fatale, si je dois encore subir de si mis�rables tentations et sentir la
gravit� de ces dangers que j'ai tant m�pris�s, n'aurai-je personne
pour me tendre la main et me prot�ger? Sera-ce mon mari, cet Anglais
flegmatique et intemp�rant qui ne sait pas pr�server sa raison de
l'attrait du vin, et qui ne con�oit pas qu'on c�de � celui de l'amour?
Seront-ce mes adorateurs perfides, ces gens du monde, impitoyables et
d�prav�s, qui ne reculent devant aucun mensonge pour s�duire une femme,
et qui la m�prisent d�s qu'elle �coute les mensonges d'un autre? Dites,
o� faudra-t-il que je me r�fugie d�sormais, si le seul homme � l'amiti�
duquel je peux livrer le secret de ma rougeur me repousse et me dit
froidement: �De la piti�, oui; mais du respect, non!
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