Teverino by George Sand


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Page 64

--Et si j'�tais un artiste capricieux, inconstant, et d'autant plus
sujet aux acc�s de paresse et de langueur que l'id�e de travailler pour
de l'argent glacerait mes inspirations? Les grands, les vrais artistes
sont ainsi pourtant; et vous-m�me, ne me reprochiez-vous pas hier d'�tre
n� dans un milieu o� le succ�s est facile � �tablir et la lutte peu
m�ritoire?

--Ne me rappelez rien d'hier, L�once, je voudrais pouvoir arracher cette
page-l� du livre de ma vie.

On avait franchi rapidement le plateau o� la ville est situ�e. Pour
regagner la fronti�re, il fallait remonter au pas le colima�on escarp�
que Teverino avait descendu la veille avec tant d'audace et de s�curit�.
Il y en avait au moins pour une heure. Tout le monde avait mis pied �
terre, except� Sabina, qui pria L�once de rester aupr�s d'elle dans
le fond du wurst. Le jockey se tint � port�e des chevaux, la n�gresse
fol�trait le long des foss�s, poursuivant les papillons avec une
certaine gr�ce sauvage qui faisait ressortir la finesse et la force de
ses formes voluptueuses. Le cur�, qui avait d�cid�ment horreur de cette
mauricaude, de ce lucifer en cotillons, comme il l'appelait, marchait
devant avec Teverino. Celui-ci avait r�solu de le r�concilier avec le
bon ami de Madeleine, ce vagabond que le bonhomme n'avait jamais vu,
mais qu'il se promettait de faire _pincer_ par les gendarmes � la
premi�re occasion. Sans lui parler de cet inconnu, le marquis, pr�voyant
le moment o� il lui faudrait peut-�tre lever le masque, se fit
conna�tre lui-m�me sous ses meilleurs aspects, et s'attacha � capter la
bienveillance et la confiance du bourru. Ce ne fut pas difficile, car le
bourru �tait au fond le meilleur des hommes, quand on ne contrariait pas
ses id�es religieuses ni ses habitudes de bien-�tre.

--�coutez, L�once, dit Sabina, apr�s avoir r�v� quelques instants, j'ai
une confession �trange � vous faire, et si vous me jugez coupable,
j'aurai � me disculper � vos d�pens; car vous �tes la cause de tout le
mal que j'ai subi, et vous semblez avoir pr�m�dit� ma souffrance.
Vous avez donc de si grands torts envers moi, que je me sens la force
d'avouer les miens.

--Dois-je vous sauver cette honte? r�pondit L�once en lui prenant la
main; partag� entre la piti� d�daigneuse et l'int�r�t fraternel. Oui,
c'est le devoir d'un ami, en m�me temps que son droit. Vous n'avez pu
voir impun�ment mon marquis, vous avez senti sa puissance invincible,
vous avez reni� toutes vos th�ories fanfaronnes, vous l'aimez enfin!

Une rougeur br�lante couvrit les joues de Sabina, et elle fit un geste
de m�pris: mais elle dit apr�s un effort sur elle-m�me:--Et si cela
�tait, me bl�meriez-vous? Parlez franchement, L�once, ne m'�pargnez pas.

--Je ne vous bl�merais nullement; mais j'essaierais de vous mettre en
garde contre cette naissante passion. Teverino n'en est point indigne,
j'en fais le serment devant Dieu, qui sait toutes choses et les juge
autrement que nous. Mais il y a, entre cet homme et vous, des obstacles
que vous ne pourriez ni ne voudriez surmonter, pauvre femme! Une vie de
hasards, de revers, de bizarreries inexplicables encha�ne Teverino dans
une sph�re o� vous ne sauriez le suivre. Un lien entre vous serait
d�plorable pour tous deux.

--Vous r�pondez � ce que je ne vous demande pas. Que m'importe l'avenir,
que m'importe la destin�e de cet homme?

--Ah! comme vous l'aimez! s'�cria L�once avec amertume.

--Oui, je l'aime en effet beaucoup! r�pondit-elle avec, un rire glac�.
Vous �tes fou, L�once. Cet homme m'est compl�tement indiff�rent.

--Alors que me demandez-vous donc? Vous jouez-vous de ma bonne foi?

--A Dieu ne plaise! Je vous ai demand� si cet amour vous semblerait
coupable, au cas qu'il f�t possible.

--Coupable, non; car je conviens que le coupable ce serait moi.

--Et il ne m'�terait rien de votre amiti�?

--De mon amiti�, non; mais de mon respect...

--Dites tout. Pourquoi votre respect, se changerai!-il en piti�?

--Parce que vous n'auriez pas �t� franche avec moi dans le pass�. Quoi!
tant d'orgueil, de froideur, de d�dain pour les femmes faibles, de
railleries pour les chutes soudaines, pour les entra�nements aveugles;
et tout � coup vous vous d�voileriez comme la plus faible et la plus
aveugle de toutes? Vous vous seriez garantie pendant des ann�es d'un
amour vrai et profond, pour c�der en un instant � un prestige passager?
Votre caract�re perdrait dans cette �preuve toute son originalit�, toute
sa grandeur.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 10:54