Teverino by George Sand


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Page 62

Aux clameurs du bonhomme, L�once et Teverino accoururent et pr�serv�rent
la n�gresse, qui avait perdu la t�te et ne savait plus par o� s'enfuir
pour �viter le chandelier du cur� roulant � grand bruit � travers la
chambre. Tout s'expliqua. La tremblante L�l� motiva comme elle le voulut
sa promenade nocturne; Teverino la mena�a de la d�noncer � milady,
si elle ne se tenait pas coite dans sa chambre, o� il retourna
l'emprisonner, et le cur�, enchant� d'avoir �chapp� aux griffes de
Satan, reprit son vertueux somme jusqu'au grand jour.



XII.

LE CALME.

Sabina n'avait pas mieux dormi que ses compagnons de voyage. La
pr�diction de L�once s'�tait r�alis�e plus qu'il ne l'avait pr�vu, car
lorsqu'il avait parl� au hasard, il n'avait song� qu'� l'amuser et �
l'agiter un peu par l'attente de quelque aventure sur laquelle il ne
comptait gu�re. La pauvre jeune femme, inqui�te et afflig�e, ne se
laissait point de repasser dans son esprit les �tranges incidents de
la journ�e. D'abord les bizarreries de L�once, la violente et
am�re d�claration d'amour qu'il lui avait faite dans le bois, et
l'attendrissement subit de leur r�conciliation. Puis son soudain d�pit
lorsqu'elle avait voulu s'en tenir � l'ancienne amiti�, sa disparition
de deux heures dans les montagnes, son retour avec cet inconnu rempli
de prestiges et de singularit�s, qui d'abord lui avait paru le plus
noblement passionn�, puis tout � coup le plus prosa�quement frivole des
hommes; tant�t �pris d'elle jusqu'� l'adoration, tant�t indiff�rent et
d�sint�ress� jusqu'� l'implorer pour un autre: tant�t le mod�le et
la fleur des gentilshommes, et tant�t le vrai type de l'histrion des
carrefours, passant d'une discussion p�dantesque avec le cur� � de
divines inspirations musicales, et d'un �quivoque chuchotement avec
l'oiseli�re � une conversation g�n�rale pleine d'�l�vation, de
philosophie et d'enthousiasme po�tique. Toutes ces alternatives avaient
confondu le jugement et bris� enfin le coeur de Sabina. Toutes ces
sc�nes, tous ces entretiens lui apparaissaient � travers le mouvement
rapide de la voiture qu'elle croyait sentir encore, et les changements
de d�coration des montagnes, qu'elle voyait passer devant ses yeux
ferm�s. Elle ne distinguait plus l'illusion de la r�alit�, et
lorsqu'elle commen�ait � s'assoupir un instant, elle se r�veillait en
sursaut, croyant sentir le baiser de Teverino sur ses l�vres, au sommet
de la tour. Des applaudissements moqueurs et des rires de m�pris
frappaient son oreille, la tour s'�croulait avec fracas, et elle se
trouvait dans une rue fangeuse, au bras du saltimbanque, en face de
L�once, qui leur jetait l'aum�ne de sa piti� en d�tournant la t�te.

[Illustration: A l'aspect de ce triste personnage.]

La n�gresse, charg�e de l'�veiller de bonne heure, la trouva assise sur
son lit, l'oeil terne et le sein oppress�. Elle lui pr�senta le burnous
de cachemire blanc qui lui servait de robe de chambre � la villa, du
linge frais et parfum�, son riche n�cessaire de toilette, enfin presque
toutes les recherches accoutum�es. Elle s'en servit machinalement
d'abord; puis, revenue � la r�flexion, elle demanda � L�l� qui donc
avait eu toutes ces pr�voyances d�licates. Sur la r�ponse de L�l�, que
L�once avait fait faire ces pr�paratifs minutieux, elle ne put douter
de l'intention qu'il avait eue, en partant, de prolonger leur promenade
jusqu'au lendemain, et, tout en se laissant coiffer et habiller, elle se
perdit dans mille r�veries nouvelles.

A la mani�re dont Teverino s'�tait conduit la veille, il n'�tait que
trop certain pour elle qu'il ne l'aimait point. Apr�s ces flatteries
passionn�es et ce fatal baiser, comment, au lieu d'�tre recueilli et
agit� le reste de la soir�e, avait-il pu jouer une sc�ne burlesque? Et
lorsqu'il s'�tait retrouv� seul avec la femme � demi-vaincue, comment,
au lieu de lui t�moigner ce repentir hypocrite qui demande davantage,
et qu'une orgueilleuse beaut� attend pour se d�fendre ou pour c�der,
avait-il pu lui tenir t�te dans une esp�ce de dispute philosophique, et
enfin lui parler de l'amour de L�once au lieu du sien propre? Sabina
�tait profond�ment humili�e: elle avait h�te de se montrer, afin de
reprendre ses airs de hauteur ironique et le calme menteur de sa
pr�tendue invuln�rabilit�. Mais alors, si le marquis �tait impertinent
et dangereux, quel autre appui que celui de L�once pouvait-elle esp�rer?

[Illustration: Il se crut s�rieusement attaqu� par le diable.]

Une douce et l�gitime habitude la ramenait donc vers ce d�fenseur
naturel, et, certaine de la g�n�rosit� de son ami, elle se demandait
avec effroi comment elle avait pu �tre assez injuste et assez l�g�re
pour s'exposer � en avoir besoin. Lorsqu'elle comparait ces deux hommes,
l'un rempli de s�ductions et de probl�mes, l'autre rigide et s�r; un
inconnu et un ami �prouv�; celui-ci qu'un baiser d'elle e�t � jamais
encha�n� � ses pas, celui-l� qui l'acceptait en passant, comme une
aventure toute simple, et ne s'en souvenait plus au bout d'une heure:
elle s'accusait et rougissait jusqu'au fond de l'�me.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 6:29