Teverino by George Sand


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Page 61

--Madeleine? pensa-t-il, changeant de soup�on; ah! ce serait plus
inf�me encore, et je la sauverai. Pourquoi cette n�gresse de malheur
l'abandonne-t-elle ainsi?

Il allait faire du bruit pour mettre le s�ducteur en fuite, lorsqu'il
vit Teverino s'agenouiller devant la figure radieuse de l'enfant. Sa
figure, � lui, avait chang� d'expression: l'inqui�tude �tait remplac�e
par un attendrissement profond et une sorte de religieux respect. Il
resta quelques instants comme plong� dans de douces et secr�tes pens�es.
On e�t dit qu'il priait na�vement, et jamais sa beaut� n'avait paru plus
id�ale. Au bout de quelques minutes, il se pencha, d�posa un silencieux
baiser sur le chapelet que la petite fille tenait encore dans sa main
pendante au bord du lit. Elle s'�tait endormie en le r�citant. Malgr�
les pr�cautions du boh�mien, elle s'�veilla � demi, et se croyant sans
doute dans sa chaumi�re:

--Oh! mon bon ami, dit-elle d'une voix douce, est-ce qu'il fait d�j�
jour? est-ce que mon fr�re est rentr�?

--Non, non, Madeleine, dors encore, mon ange, r�pondit Teverino. Je m'en
vais au-devant de Joseph.

--Eh bien, allez, dit-elle d'une voix �teinte par le sommeil. Je me
l�verai quand vous serez sorti. Et comme l'habitude lui mesurait ses
heures de repos, elle se rendormit apr�s avoir ainsi parl� sans en avoir
conscience.

Teverino sortit et se trouva face � face avec L�once, qui ne cherchait
point � l'�viter. Une grande �motion le saisit tout � coup, et, se
retournant brusquement, il prit la clef de la porte de Madeleine et
l'arracha de la serrure, apr�s l'y avoir fait tourner. Puis, prenant
le bras du jeune homme:--Monsieur, dit-il d'une voix tremblante, vous
n'aurez pas cette distraction. Allez, si bon vous semble, troubler
le sommeil des grandes dames; mais l'enfant de la montagne n'est pas
destin�e � vous servir de pis-aller.

--Si j'avais eu cette infernale pens�e, r�pondit L�once, dont le calme
et l'air de loyaut� rassur�rent vite le p�n�trant vagabond, j'en serais
bien honteux en ta pr�sence, brave jeune homme! J'ai surpris le secret
de ton coeur, et je connaissais celui de Madeleine. Mes pr�occupations
personnelles m'ont emp�ch� jusqu'� pr�sent de reconna�tre en toi le bon
ami dont elle m'avait parl�, et je t'accusais d'un crime, lorsque tu
ob�issais � une paternelle sollicitude.

--Paternelle sollicitude! dit Teverino en s'�loignant avec L�once de
la chambre de l'oiseli�re. Oui, c'est le mot, le vrai mot, L�once! En
entendant marcher dans la galerie, j'ai craint quelque danger pour
l'enfant sans d�fense et sans pr�vision du mal; quelque ignoble valet,
que sais-je, votre jockey � la mine effront�e!... Je r�ponds de
Madeleine � ce brave contrebandier qui, depuis huit jours, me confie
saintement la garde de sa soeur et de sa chaumi�re. O loyaut� de l'�ge
d'or, tu t'es retrouv�e au fond d'un d�sert entre un boh�mien, un bandit
et une jeune fille! Voil� L�once, ce que le cur� bourru appelle un �tat
de p�ch� mortel, et ce que votre noble lady ne comprendrait jamais, elle
qui m�prise tant la vie de mis�re et de d�sordre. H�las! pourrait-elle
comprendre le coeur de Madeleine! Cette sainte ing�nuit� qui ne sait pas
seulement qu'elle est un tr�sor, et cette confiance sublime que Sabina
elle-m�me, avec toute la puissance de son esprit et de sa beaut�, n'a
point �branl�e! N'admirez-vous pas, L�once, le calme et la discr�tion de
cette enfant qui s'est content�e d'un mot, lorsqu'elle m'a vu d�guis�,
et qui n'a troubl� par aucun acc�s de folle jalousie mon r�le de
flatteur aupr�s de votre ma�tresse? Ah! si vous aviez entendu ses
questions na�ves, lorsqu'elle �tait avec moi sur le si�ge de la voiture
et ses r�ponses pleines de grandeur et de bont�, lorsque je lui
demandais si, de son c�t�, elle ne s'exposait pas � vous trouver trop
aimable et trop beau! Nos amours diff�rent bien des v�tres, ami, nous
ne nous soup�onnons point, nous savons que nous ne pourrions pas nous
tromper. Et faut-il que je vous le confesse? l'oiseli�re me para�t plus
charmante et plus d�sirable depuis que j'ai respir� le parfum d'une
grande dame. Mais o� sera donc all�e cette maudite n�gresse, qui laisse
sa porte ouverte comme si nous �tions ici dans un couvent de chartreux?
Je gage que si milady lui avait confi� la garde d'un petit chien, elle
en aurait pris plus de soin que de l'honneur de cette jeune fille!

O� avait �t� la n�gresse, en effet? Nous ne voulons pas supposer
qu'elle e�t un rendez-vous avec le jockey de L�once. Peut-�tre Sabina,
tourment�e par l'insomnie, l'avait-elle sonn�e; peut-�tre encore
�tait-elle somnambule. Tout ce que nous savons sur cette partie peu
int�ressante de notre roman, c'est qu'en essayant de regagner la porte
de sa chambre, qu'elle ne s'attendait pas � trouver ferm�e, et ne
sachant point lire les chiffres, elle alla pousser celle qui lui offrit
le moins de r�sistance, et promena ses mains noires sur la face du cur�
pour savoir si c'�tait la lampe qu'elle avait laiss�e allum�e pr�s de
son lit. Le nez du saint homme, un peu anim� par le vin de Chypre, put
lui faire l'illusion d'un bec de lampe qui vient de s'�teindre et
fume encore. Dans la crainte de se br�ler, elle laissa �chapper une
exclamation � laquelle r�pondit un rugissement d'�pouvant�, car le cur�
s'�tait r�veill� en sursaut; et, voyant devant lui cette sombre figure
coiff�e de linge blanc, qui se dessinait sur le clair de la porte
ouverte, il se crut s�rieusement attaqu� par le diable et lan�a contre
lui son br�viaire, en fulminant tous les exorcismes qui lui vinrent �
l'esprit.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 4:28