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Page 59
--Oui, d'�tre furieux, si vous �tes amoureux. Sinon, ce n'est qu'un
d�lire de la vanit�, et je ne comprends pas qu'un homme dont l'esprit
est aussi �clair� que le v�tre, se laisse �mouvoir par une telle
v�tille. Si vous aviez pris l'habitude d'�tre supplant� � toute heure
par la loi fatale du destin, vous seriez aguerri contre ces petits
revers. Vous sauriez que la femme est l'�tre le plus impressionnable de
la cr�ation, et par cons�quent celui qui peut nous donner le plus de
jouissance et le moins de droits, le plus d'ivresse et le moins de
s�curit�.
--C'est une philosophie de boh�mien, s'�cria L�once, et je me sens
incapable d'aimer ainsi. Tu es tout tendresse et tout tol�rance,
Teverino; mais tu ne portes pas dans l'amour l'instinct de dignit� que
tu poss�des � l'endroit de l'honneur.
--Je ne place pas l'honneur o� il n'est pas, et ne cherche dans l'amour
que l'amour.
--Aussi tu es aim� souvent et tu n'aimes jamais; tu ne connais que le
plaisir.
--Et pourtant je sacrifie souvent le plaisir � des id�es d'honneur. Ne
vous h�tez pas de me juger, L�once; vous ne savez pas ce qui se passe en
moi � cette heure.
--Je le sais, ami, s'�cria L�once avec feu. Tu combats des d�sirs que tu
pourrais satisfaire � l'heure m�me. Il n'y a pas loin de cette chambre
� celle d'une certaine grande dame, orgueilleuse et faible entre toutes
celles de sa race, et je sais fort bien qu'il te suffirait de
chanter une romance sous sa fen�tre et de lui tourner un compliment
d'irr�sistible flatterie pour animer ce pr�tendu marbre de Carrare et
embraser ces l�vres d�daigneuses...
--Halte-l�, L�once, je n'ai pas cette confiance, et ne m'attribue pas ce
pouvoir!
--Est-ce dissimulation, modestie ou loyaut�? Sois d�gag� de tout
scrupule. J'ai tout vu, tout entendu; je sais comment tu as �t� curieux,
et puis tent�, et puis vainqueur de toi-m�me par g�n�rosit� envers moi.
Je t'en sais gr�; mais l'estime que tu m'inspires augmente le m�pris que
j'ai con�u pour cette femme, et je veux qu'elle porte la peine de son
hypocrite froideur. Je veux que tu te livres � l'emportement de ta
jeunesse, et que tu lui donnes ces plaisirs que son oeil humide implore
depuis ce matin. Va, enfant du hasard, et roi de l'occasion! l'heure
est propice, et tu as d�j� cueilli le premier baiser, ce baiser d'amour
apr�s lequel une femme ne peut rien refuser. Tu me rendras un grand
service, tu me d�livreras d'une agonie mortelle et d'un attrait fatal,
trop longtemps combattu en vain. La seule chose que j'exige de toi c'est
la discr�tion, et d'ailleurs ta vie me r�pond de ton silence. Sois
heureux cette nuit, tu mourras demain... si tu parles!
--Un duel � mort serait un stimulant c�leste si j'�tais v�ritablement
tent�, r�pondit Teverino avec calme; mais je ne le suis pas, parce que
je vois que tu es �perdument �pris, pauvre L�once! ta fureur et ton
injustice r�v�lent, malgr� toi, le fond de ton �me. Allons, calme-toi,
cette belle cr�ature n'est ni fausse ni coupable. Elle n'est que
m�fiante et irr�solue, et si elle ne t'a pas encore aim�, L�once, c'est
ta faute!
--Non, non, c'est la sienne. Peut-elle ignorer que je l'aime, et que ma
respectueuse amiti� n'est qu'un jeu timide?
--Tu en conviens, � la fin!
--Je conviens que je l'aime depuis longtemps, et que ce matin encore...
j'�tais pr�t � me d�clarer; eh quoi! ne l'ai-je pas fait cent fois
depuis ce matin, insens� que je suis! Mes emportements, mes railleries
am�res, ma tristesse, mon inqui�tude, mes soins jaloux, mes efforts pour
�tre amoureux de Madeleine, ne sont-ce pas l� autant d'aveux par trop
na�fs pour un homme du monde?
--L�once! L�once! vous avez �t� compris!
--Oui, et c'est ce qu'il y a de plus odieux de sa part, de plus
humiliant pour moi. Elle a feint de ne rien voir; elle s'est obstin�e
dans sa superbe impudence, elle a cherch� tous les moyens de me
d�courager; et quand elle a vu que je souffrais bien, elle s'est jet�e
dans les bras d'un inconnu avec une sorte de cynisme.
--Tais-toi, blasph�mateur! tu me scandalises, s'�cria Teverino. Tu es
aveugle et grossier dans la passion. Quoi! tu ne vois pas que cette
femme t'aime, et c'est � moi de t'enseigner les d�licatesses de son
coeur! Tu ne vois pas que c'est par d�pit qu'elle m'�coute, et que son
�me, agit�e par la passion, cherche un refuge dans l'ivresse de quelque
fatale catastrophe? Tu choisis pour arriver � elle des chemins remplis
d'�pines, et les douceurs que tu lui pr�pares sont m�l�es de fiel: tu
l'irrites par d'orageux d�sirs, et aussit�t tu t'�loignes, hautain et
plein d'�pigrammes, offens� de ce qu'elle ne te fait pas des avances
contraires � la pudeur de son sexe! tu veux qu'elle t'exprime sa
passion, qu'elle te rassure contre tout hasard, qu'elle te promette des
jours fil�s d'or et de soie; qu'elle s'excuse et se justifie d'avoir
�t� jusqu'� ce jour insensible � tes s�ductions; qu'elle te demande en
quelque sorte pardon de sa lenteur � se soumettre; enfin, qu'elle te
verse, en �change de l'amer breuvage de v�rit�s que tu lui pr�sentes,
les flots d'ambroisie de l'amoureuse adulation! Vous �tes absurde,
L�once, et vous ne savez pas ce que c'est qu'une telle femme. Vous
croiriez d�roger en vous courbant sous ses pieds, en vous tra�nant dans
la poussi�re, en vous confessant indigne de sa tendresse, et vous ne
voyez pas que c'est l� tout bonnement l'expression naturelle d'un amour
vrai, la gratitude na�ve d'un bonheur exalt�?
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