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Page 58
Ayant ainsi parl� avec un amer d�pit, Sabina se leva, souhaita le
bonsoir au marquis, et se retira dans sa chambre.
Nous avons dit d�j� que toutes les chambres de nos personnages �taient
situ�es sur cette galerie planch�t�e qu'abritait un large auvent, �
la mani�re des constructions alpestres, et qui longeait la face de la
maison tourn�e vers la place. L�once et Teverino occupaient la m�me
chambre, et lorsque ce dernier y entra, il trouva son ami encore habill�
et marchant avec agitation.
--Jeune homme, dit L�once en venant � sa rencontre, la main ouverte,
tu as de nobles sentiments et tu �tais digne d'un noble sort. Je t'ai
grossi�rement offens� au passage du torrent, veux-tu l'oublier?
--Je vous le pardonnerai de grand coeur, L�once, si vous m'avouez que
la jalousie, c'est-�-dire l'amour, vous a caus� cet emportement
involontaire?
--Et autrement tu ne l'oublieras point?
--Autrement, je persisterai � vous en demander raison. Plus ma condition
vous semble abjecte, plus vous me deviez d'�gards, m'ayant attir� dans
votre compagnie; et si la diff�rence de nos fortunes vous faisait
h�siter � me donner satisfaction, je vous dirais, pour vous stimuler,
que je suis de premi�re force � toutes les armes, et que je n'en suis
pas � mon premier duel avec des gens de qualit�.
--Je n'ai point de l�che pr�jug� qui me fasse h�siter sur ce point; je
suis de mon si�cle, et je sais qu'un homme en vaut un autre. Je ne suis
pas maladroit non plus, et j'aurais quelque plaisir � me mesurer avec
toi, si ma cause �tait bonne; mais je la sens mauvaise, et je souffre
d'autant plus de t'avoir outrag�, que je vois en toi cette fiert�
d'honn�te homme.
--Vos excuses sont d'un honn�te homme aussi, et je les accepte, dit
Teverino en lui serrant la main avec une m�le dignit�; mais, pour mettre
ma susceptibilit� en repos, vous auriez d� avouer que l'amour et la
jalousie �taient seuls coupables.
--Vous voulez des confidences, Teverino? Eh bien! vous en aurez. La
jalousie, oui, j'en conviens, mais l'amour, non!
--Voil� encore des subtilit�s fran�aises! Une femme nous pla�t ou
ne nous pla�t pas. L� o� il n'y a point d'amour, il n'y a point de
jalousie.
--C'est le langage de la droiture et de la na�vet�; mais admettons, j'y
consens, que la civilisation des moeurs fran�aises et le raffinement
de nos id�es produisent cette �trange contradiction: ne pouvez-vous
comprendre que ce que vous pouvez �prouver? Vous qui avez vu tant
de choses, �tudi� tant de natures diverses, ne savez-vous pas que
l'amour-propre est une cause de d�pit et de jalousie aussi bien que la
passion v�ritable?�
Teverino s'assit sur le bord de son lit, garda un silence m�ditatif
pendant quelques instants, puis reprit en se levant: �Oui! ce sont des
maladies de l'�me, produites par la sati�t�. Pour ne point les conna�tre
il faut �tre, comme moi, visit� par la mis�re, c'est-�-dire par
l'impossibilit� fr�quente de satisfaire toutes ses fantaisies. Ch�re
pauvret�! tu es une bonne institutrice des coeurs. Tu nous ram�nes �
la simplicit� primitive des sentiments et des id�es, quand l'abus des
jouissances menace de nous corrompre. Tu nous donnes tant de na�ves
le�ons, qu'il faut bien que nous restions na�fs sous ta loi aust�re!
--Quel rapport �tablissez-vous donc entre votre mis�re et la droiture de
votre coeur?
--La mis�re, Monsieur, est toute une philosophie. C'est le sto�cisme,
et l'�me sto�que est faite toute d'une pi�ce. Que ma ma�tresse me soit
enlev�e par un homme puissant (la puissance de ce si�cle c'est la
richesse), je courbe la t�te, et mon orgueil n'en souffre pas. Ce coeur,
auquel mon coeur n'a pas suffi, ne me semble digne ni de regret ni de
col�re. Si je pouvais soutenir la lutte et donner � mon infid�le les
jouissances de la vie, je pourrais alors conna�tre la jalousie et
m'indigner de ma d�faite. Mais l� o� mon rival dispose de s�ductions que
la fortune me d�nie, je ne puis m'en prendre qu'� la destin�e... et les
personnes ne me paraissent plus coupables.
--Tu es tr�s-philosophe, en effet, et je t'en fais mon compliment. Mais
ceci ne peut s'appliquer au mouvement de jalousie que tu m'as inspir�.
Tu n'as rien, et l'on te pr�f�re � moi qui suis riche. J'ai donc sujet
d'�tre doublement humili�.
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