Teverino by George Sand


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Page 54

--J'�tais donc bien laid sous ces m�chants habits? reprit-il moins
touch� du compliment que Sabina ne devait s'y attendre, apr�s ce qui
s'�tait pass� entre eux.

--Je ne dis pas cela, r�pliqua-t-elle d'un ton moins tendre; mais toute
l'�l�gance de vos mani�res ayant disparu, et toute la dignit� de votre
personne ayant fait place � je ne sais quoi de cynique et de honteux, je
souffrais de vous voir ainsi, et je ne pouvais me persuader que ce f�t
vous!

--Et c'�tait moi, pourtant, c'�tait bien moi!...

--Non, marquis, c'�tait le personnage que vous vouliez repr�senter, et
ce personnage n'avait rien de vous.

--Mes mani�res et mon langage �taient affect�s, j'en conviens; mais
enfin c'�tait toujours ma figure, ma voix, mon esprit, mon coeur, ma
personne, mon �tre, en un mot, qui se cachaient sous ces apparences.
J'avais donc enti�rement disparu � vos yeux? Cela est �trange!

--Ce que je trouve �trange, c'est que vous vous �tonniez de ma stupeur.
Les mani�res et le langage sont l'expression de l'esprit et du
caract�re, et l'�tre moral semble se transformer quand l'�tre ext�rieur
se d�compose.

--Et les habits y sont pour beaucoup aussi, dit Teverino avec une
philosophique ironie.

--Les habits? dites-vous? Je ne crois pas.

--Si fait; pensez-y bien, Signora. Je suppose que je me pr�sente de
nouveau devant vous avec les habits r�p�s et mesquins du fils de notre
h�te... supposons m�me que je sois ce fils, qui est, je crois, garde
forestier ou employ� � la gabelle...

--O� voulez-vous donc en venir? Achevez.

--Eh bien! je suppose que, conservant ma figure, mon coeur et mon esprit
tels que Dieu les a faits, je vous apparaisse pour la premi�re fois
pauvrement accoutr� et appartenant tout de bon � une condition
tr�s-humble...

--Votre supposition n'a pas le sens commun: on ne trouve gu�re dans ces
races obscures le cachet de noblesse et de gr�ce qui vous distingue.

--Gu�re, c'est possible; mais enfin cela se trouve quelquefois. Il y a
des dons naturels que Dieu semble avoir d�partis � de pauvres h�res,
comme pour railler les pr�tentions de l'aristocratie.

--Vous voil� dans les id�es de L�once; je ne les discute pas; mais
ce que je puis vous r�pondre, c'est que de tels dons ont une rapide
influence sur l'existence et la condition de celui qui les poss�de.
Un pauvre h�re, comme vous dites, lorsqu'il se sent investi
providentiellement de l'intelligence et de la beaut�, transforme
activement le milieu f�cheux o� le caprice du sort l'a jet�; il se fraie
une route nouvelle; il aspire sans cesse � l'�l�gance de la vie, aux
nobles occupations, aux jouissances de l'esprit, aux privil�ges de la
beaut�, et il se place bient�t au rang qui semblait lui �tre d�.

--Il est tr�s-vrai qu'il y aspire fortement, reprit Teverino, et
tr�s-vrai encore qu'il y arrive quelquefois; mais il est plus vrai
encore de dire qu'il �choue la plupart du temps, parce que la soci�t� ne
le seconde pas; parce que les pr�jug�s le repoussent, parce qu'enfin il
n'a pas contract� dans sa jeunesse l'habitude de se complaire dans la
contrainte, et que son �ducation premi�re le ram�ne sans cesse vers
l'insouciance, ennemie de la lutte et de l'esclavage.

--Eh bien! ce que vous dites l� donne tort � votre premier raisonnement.
Les habits ne prouvent donc rien, mais bien les habitudes, c'est-�-dire
le langage et les mani�res.

--Habits, langage et mani�res, tout cela fait partie des habitudes de la
vie: c'en est l'expression; et la condition de l'homme pauvre et obscur
est la chose la plus significative pour le vulgaire; mais ce sont l� des
habitudes pour ainsi dire ext�rieures, et l'�tre moral n'en a pas moins
de prix devant Dieu.

--Je ne con�ois rien � de telles distinctions, marquis! Dans votre
bouche, c'est un raisonnement g�n�reux et d�sint�ress�; mais dans la
bouche du personnage que vous vous amusiez tout � l'heure � repr�senter,
ce seraient d'insolentes et vaines pr�tentions. La philanthropie vous
�gare; l'�tre moral ne peut se d�tacher ainsi de l'�tre ext�rieur. L� o�
le langage est ridicule, les habitudes grossi�res, le d�sordre habituel,
la mine impertinente et le m�tier ignoble, pouvez-vous esp�rer de
d�couvrir un grand coeur et un grand esprit?

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Books | Photos | Paul Mutton | Thu 25th Dec 2025, 2:37