Teverino by George Sand


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Page 50

[Illustration: Je suis s�re que vous nous faites un chef d'oeuvre.]

C'est par un tel flux de phrases �logieuses que Teverino versa le poison
de la flatterie dans l'�me de la fi�re lady. Il y avait loin de cette
admiration sans bornes et manifest�e avec cet _entrain_ italien qui
ressemble tant � l'�motion, � la philosophique taquinerie de L�once. Ce
qui lui pr�tait un charme irr�sistible, c'est que Teverino �tait � peu
pr�s convaincu de ce qu'il disait. Il n'avait gu�re rencontr� de femmes
cultiv�es � ce point, et cette nouveaut� avait pour son esprit de
recherche avide et d'observation incessante un attrait v�ritable. Il
voulait mettre cette sup�riorit� f�minine � l'aise, afin de la voir se
manifester dans tout son �clat, et, sachant fort bien que de tels
dons sont unis � un grand orgueil, il le caressait par d'ing�nieuses
adulations. Il �tait bien difficile, pour ne pas dire impossible,-que
lady G... distingu�t cette passion de conna�tre de la passion d'aimer.
Elle n'avait jamais trouv� d'homme aussi blas� et aussi na�f en m�me
temps que Teverino; L�once �tait beaucoup moins avide d'esprit et
beaucoup moins tranquille de coeur aupr�s d'elle. Elle ne vit donc
que la moiti� du caract�re de cet Italien, v�ritable dilettante de
jouissance intellectuelle, qui, sans compromettre le calme de son propre
coeur, attaquait vivement le sien pour l'observer comme un type nouveau
dans sa vie.

Elle parla longtemps avec lui, et de quoi, entre un beau jeune homme et
une belle jeune femme, si ce n'est d'amour? Il n'est point de th�orie
plus in�puisable dans un t�te-�-t�te de ce genre, au clair de la lune.
La femme se plaint de la vie, pleure des illusions, trace l'id�al
de l'amour, et fait pressentir des transports qu'elle voile sous un
transparent myst�re de d�fiance et de pudeur. L'homme s'exalte, renie
les pr�jug�s, et condamne les crimes de ses semblables. Il veut
justifier et r�habiliter le sexe masculin dans sa personne. Par mille
adroites insinuations, il s'offre pour expier et r�parer le p�ch�
originel, tandis que, par mille d�tours plus adroits encore, on �lude
son hommage et on le ram�ne � une nouvelle ferveur. Ceci est le r�sum�
banal de tout entretien de cette nature entre gens civilis�s. C'est
le r�sum� de ce qui s'�tait pass�, avec plus d'art encore et de
dissimulation, entre Sabina et L�once, le matin m�me. Mais avec Teverino
Sabina eut moins d'effroi et plus de douceur. Au lieu de reproches et
d'inculpations agit�es, elle n'eut que le tranquille parfum de l'encens
� respirer. Aussi courut-elle un danger beaucoup plus grand, celui de
donner de la tendresse � qui ne lui demandait que de l'imagination.

Comme l'aventurier, au fort de ses dithyrambes, parlait haut dans la
nuit sonore, Sabina fut un peu effray�e de voir repara�tre L�once au bas
du rempart.

--Voici L�once! dit-elle pour r�primer sa faconde.

--Il est bien soucieux et r�veur, ce soir, le pauvre L�once! dit
Teverino en baissant la voix.

--Je ne l'ai jamais vu si maussade, reprit-elle; on dirait qu'il
s'ennuie avec nous.

--Non, Madame; il est amoureux et jaloux.

--De l'oiseli�re, sans doute? dit-elle d'un ton d�daigneux.

--Non, de vous; vous le savez bien.

--Vous vous trompez, marquis. Il y a quinze ans que nous nous
connaissons, et il n'a jamais song� � me faire la cour.

--Eh bien, Madame, je vous jure qu'il y pense s�rieusement aujourd'hui.

--Ne faites pas cette plaisanterie, elle me blesse.

--N'est-il pas un galant homme, un grand artiste, un aimable et beau
gar�on? Son amour vous �tait d�, et vous ne pouvez pas en �tre offens�e.

--J'en serais mortellement pein�e, car je ne pourrais le partager.

--Cela est effrayant, Madame. En ce cas, je vois bien que nul homme ne
sera aim� de vous; car nul homme ne peut se flatter d'�galer L�once.

--Vous vous trompez, marquis; il a toutes sortes de perfections dont
je le tiendrais quitte, s'il ne lui manquait une toute petite qualit�,
qu'on peut esp�rer de trouver ailleurs.

--Laquelle?

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 1:36