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Page 49
--Moi, je vous demanderai la permission d'aller voir mon lit, dit le
cur�; je suis rompu de fatigue.
--Quoi! pour avoir fait sept ou huit lieues dans une bonne voiture bien
suspendue? reprit Sabina.
--Non, mais pour avoir eu chaud, et puis faim, et puis froid, et puis
faim encore, enfin pour n'avoir pas mang� � mes heures. D'ailleurs, il
en est neuf, et je ne vois rien que de naturel dans mon envie de dormir;
pourvu que ma pauvre gouvernante ne passe pas la nuit � veiller pour
m'attendre!
--_Felicissima notte_, l'abb�, dit Teverino. Vous venez, L�once?
--Pas encore, r�pondit-il, je veux faire un autre croquis de cette
dormeuse.
--Il faut que la dormeuse aille dormir ailleurs, dit le cur� d'un ton
s�v�re. Ne va-t-elle pas tra�ner toute la nuit comme un objet perdu sur
ce canap�? Allons, _Sans-Souci_, r�veillez-vous! Et il �venta de son
grand chapeau la figure de Madeleine, qui fit le mouvement de chasser un
oiseau importun, et se rendormit de plus belle.
--Laissez-la donc, cur�, vous �tes impitoyable! dit L�once, en faisant
mine de s'asseoir aupr�s de l'oiseli�re.
--Cette fille, observa Sabina, ne peut pas rester ainsi endormie sous
l'oeil de tout le monde.
--Pardon, cher L�once, s'�cria Teverino en s'approchant; mais il faut
ob�ir aux intentions de milady et de M. l'abb�.
Et prenant la jeune fille dans ses bras, comme un petit enfant, il passa
dans une pi�ce voisine, o� il avait vu la n�gresse se retirer pour
pr�parer son lit.
--Tenez, reine du Tartare, voici un objet qu'on vous confie et que votre
noble ma�tresse, la blanche Phoeb�, vous ordonne de garder comme la
prunelle de vos yeux.
[Illustration: Teverino poussa rapidement les chevaux � la descente.]
Il d�posa Madeleine sur le lit, et dit tout bas � la n�gresse, en se
retirant:--Enfermez-vous, c'est l'ordre de milady.
L�once affecta une grande indiff�rence � ce qui se passait autour de
lui, et il suivit nonchalamment Sabina, qui, apr�s avoir vainement
attendu qu'il lui offr�t son bras, accepta celui du marquis.
Ce dernier paraissait conna�tre la ville, bien qu'il n'y f�t connu de
personne, pas m�me de l'h�te _del Leon-Bianco_. Il conduisit Sabina
prendre des glaces dans un caf� qui touchait aux vieilles murailles; car
c'�tait une petite place anciennement fortifi�e et qui portait encore la
trace des boulets de la France r�publicaine. Il fit servir en plein
air, sur une plate-forme, d'o� l'on dominait les foss�s et un p�le-m�le
d'antiques constructions massives, rong�es de lierre et de mousse. A
quelque distance se dressait une tour en ruines, dont la lune argentait
la silhouette �lanc�e, et qui servait de repoussoir au vaste paysage
perdu dans une vague blancheur. Le ciel �tait magnifique. L�once
s'�loigna et se mit � errer dans les d�combres, plong�, en apparence,
dans la contemplation d'une si belle nuit et d'un si beau lieu.
--Je crois bien, dit Teverino en essayant la force de ses doigts sur un
d�bris de ciment qu'il ramassa sous ses pieds, que cette construction
est d'origine romaine.
--Je n'en veux rien savoir, r�pond�t Sabina; j'aime mieux n'en pas
douter, et r�ver ici un pass� grandiose, que de faire des observations
arch�ologiques. On ne jouit de rien quand on veut s'assurer de quelque
chose.
--Eh bien, vous �tes dans la vraie po�sie, admirable Fran�aise! s'�cria
Teverino en s'asseyant vis-�-vis d'elle, et je veux me perdre avec vous
dans ce paradis de l'intelligence o� le divin Alighieri fut introduit
par la divine B�atrix. Quand cette comparaison m'est venue tant�t
sur les l�vres, je ne me rendais pas compte de la justesse de mon
inspiration. Oui, vous avez la lumi�re de l'esprit jointe � l'id�ale
beaut�, et jamais je n'ai rencontr� de femme aussi extraordinaire que
vous. C'est la premi�re fois que je quitte l'Italie, et je n'y avais pas
connu de Fran�aise essentiellement diff�rente de nos femmes, comme vous
l'�tes. La femme du Midi a bien des instincts de po�te ou d'artiste,
mais dans le caract�re plus que dans l'intelligence; et d'ailleurs, son
�ducation born�e, sa vie lascive et paresseuse ne lui permettent pas
de se rendre compte de ses �motions comme vous savez le faire, vous,
Madame! Et comme vous exprimez vos pens�es, m�me dans notre langue, �
laquelle vous donnez une forme �trange, toujours noble, et saisissante!
Oui, vos sentiments sont des id�es, et il me semble, en causant avec
vous, que je vous suis dans une r�gion inconnue aux autres �tres. Vous
jugez toutes choses, rien ne vous est �tranger, et votre science ne vous
emp�che pas de vous �mouvoir et de vous passionner comme ces pauvres
cr�atures qui aiment et admirent sans discernement. Votre imagination
est encore aussi riche que si vous n'aviez pas la connaissance de tous
les secrets de l'humanit�, et, au del� de votre sagesse �tonnante,
l'id�al vous transporte toujours vers l'infini! En v�rit�, mon cerveau
s'enflamme au foyer du v�tre, et il me semble que je m'�l�ve au-dessus
de moi-m�me en vous �coutant!
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