Teverino by George Sand


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Page 44

En parlant ainsi, Sabina leur tendit la main � l'un et � l'autre, et se
mit � courir, entra�n�e par eux vers une cabane de planches grossi�res,
au seuil de laquelle se dessinait un douanier, vieux soldat farouche, en
habit d'un vert sombre comme le feuillage des sapins, et en moustaches
blanches comme la neige des cimes.

--Gardien de l'Italie, lui dit le marquis en riant, Cerb�re attach� au
seuil du Tartare, ouvre-nous la porte de l'�den, et laisse-nous passer
de la terre au ciel! Saint Pierre en personne a sign� nos passe-ports.

Le douanier regarda d'un air de surprise et de doute la figure du
vagabond que, huit jours auparavant, il avait laiss� passer apr�s mille
formalit�s, quoique sa feuille de route f�t en r�gle. Mais Teverino vit
bien, en cette rencontre, qu'une bonne mine et de beaux habits sont les
meilleures lettres de cr�ance; car, � peine L�once eut-il exhib� ses
papiers et r�pondu de toutes les personnes qui se trouvaient avec lui,
que le vagabond put passer son chemin la t�te haute.

La voiture fut arr�t�e un instant et visit�e pour la forme. Une pi�ce
d'or, n�gligemment jet�e dans la poussi�re par L�once, au pied du
douanier, aplanit toutes les difficult�s.

--Et maintenant, dit Sabina en courant toujours on avant avec L�once et
le marquis, c'est bien vraiment et sans m�taphore la terre d'Italie
que je foule; ce sont bien ses parfums que je respire et son ciel qui
m'�claire!

--Arr�tez-vous ici, Signera, dit Madeleine en la saisissant par sa robe;
j'ai promis de vous faire voir au coucher du soleil quelque chose de
merveilleux, et M. le cur� ne se coucherait pas content ce soir si je ne
lui tenais parole.

--Pourvu que je couche quelque part, je me tiendrai pour trop heureux!
r�pondit le cur� essouffl� de la course qu'il venait de faire pour
suivre Sabina.

Et, la voyant s'asseoir sur les bords du chemin, r�solue � admirer les
talents de l'oiseli�re, il se laissa tomber sur le gazon, en se faisant
un �ventail de son large chapeau. Il n'y avait plus de forces en lui
pour la r�sistance ou la plainte.

--Voici l'heure! dit l'oiseli�re en s'�lan�ant sur les rochers qui
marquaient le point culminant de cette cr�te alpestre; et, avec
l'agilit� d'un chat, elle grimpa de plateau en plateau, jusqu'au
dernier, o�, dessinant sa silhouette d�li�e sur le ton chaud du ciel,
elle commen�a � faire flotter son drapeau rouge. En m�me temps, elle
faisait signe aux spectateurs de regarder le ciel au-dessus d'elle, et
elle tra�ait comme un cercle magique avec ses bras �lev�s, cour marquer
la r�gion o� elle voyait tournoyer les aigles.

Mais Sabina regardait en vain; ces oiseaux �taient perdus dans une telle
immensit� que la vue ph�nom�nale de l'oiseli�re pouvait seule pressentir
ou discerner leur pr�sence. Enfin, elle aper�ut quelques points noirs,
d'abord ind�cis, qui semblaient nager au del� des nuages. Peu � peu
ils parurent les traverser; leur nombre augmenta, et en m�me temps
l'intensit� de leur volume. Enfin, on distingua bient�t leur vaste
envergure, et leurs cris sauvages se firent entendre comme un concert
diabolique dans la r�gion des temp�tes.

Ils tourn�rent longtemps, dessinant de grands circuits qui allaient
en se resserrant, et quand ils furent r�unis en groupe compacte,
perpendiculairement sur la t�te de l'oiseli�re, ils se laiss�rent
balancer sur leurs ailes, descendant et remontant comme des ballons, et
paralys�s par une invincible m�fiance.

Ce fut alors que Madeleine, couvrant sa t�te, cachant ses mains dans
son manteau, et ramassant ses pieds sous sa jupe, s'affaissa comme
un cadavre sur le rocher, et � l'instant m�me cette nu�e d'oiseaux
carnassiers fondit sur elle comme pour la d�vorer.

--Ce jeu-l� est plus dangereux qu'on ne pense, dit Teverino en prenant
le fusil de L�once dans la voiture et en s'�lan�ant sur le rocher;
peut-�tre que la petite ne voit pas � combien d'ennemis elle a affaire.

Madeleine, comme pour montrer son courage, se releva et agita son
manteau. Les aigles s'�cart�rent; mais prenant ce mouvement passager
pour les convulsions de l'agonie, ils se tinrent � port�e, remplissant
l'air de leurs clameurs sinistres, et d�s que l'oiseli�re fut recouch�e,
ils revinrent � la charge. Elle les attira et les effraya ainsi �
plusieurs reprises, apr�s quoi elle se d�couvrit la t�te, �tendit les
bras, et, debout, elle attendit immobile. En ce moment, Teverino �leva
le canon de son fusil, afin d'arr�ter ces b�tes sanguinaires au passage,
s'il �tait besoin. Mais Madeleine lui fit signe de ne rien craindre,
et apr�s avoir tenu l'ennemi en respect par le feu de son regard, elle
quitta le rocher lentement, laissant derri�re elle un oiseau mort dont
elle s'�tait munie sans rien dire, et qu'elle avait envelopp� dans un
chiffon. Pendant qu'elle descendait, les aigles se pr�cipit�rent sur
cette proie et se la disput�rent avec des cris furieux.--Voyez, dit
Madeleine en rejoignant les spectateurs, comme ils se mettent en
col�re contre mon mouchoir que j'ai oubli� l�-haut! comme ils font
les insolents, maintenant que je ne m'occupe plus d'eux! Allons,
laissons-les chanter victoire; ce sont des animaux l�ches et m�chants
qui ob�issent et qui n'aiment pas. Je suis s�re que mes pauvres petits
oiseaux, quoique bien loin, les entendent, et qu'ils se meurent de peur.
Si je leur faisais souvent de pareilles infid�lit�s, je crois qu'ils
m'abandonneraient.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 13:20