Teverino by George Sand


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Page 42

Il lui fallut bien une demi-heure pour chasser ce remords et retrouver
le calme de son orgueil. Enfin, elle commen�ait � se sentir victorieuse,
et le charme lui semblait ne pouvoir plus agir sur elle. Teverino, pour
distraire le cur�, qui se flattant toujours d'�tre en route pour son
village, s'�tonnait un peu de ne pas reconna�tre le pays, avait entam�
avec lui une grave discussion sur des mati�res th�ologiques. Il s'�tait
frott� � toutes gens et � toutes choses dans sa vie d'aventures. Il
avait vu de pr�s quelques pr�lats, quelques moines instruits, et il
�tait de ces esprits qui entendent, comprennent et se souviennent sans
faire le moindre effort. Il avait dans la m�moire une certaine quantit�
de lambeaux de citations, de commentaires et d'objections qu'il avait
entendu d�battre, peut-�tre en passant des plats sur une table de
gourmets apostoliques, ou en �poussetant les stalles d'un chapitre de
th�ologiens r�guliers. Il �tait loin de l'instruction du bon cur�,
mais il pouvait para�tre, � l'occasion, beaucoup plus fort en ergotage
m�taphysique. Le cur� �tait � la fois �merveill� et scandalis� de ce
m�lange de subtilit� et d'ignorance, et le boh�mien, plus habile en ceci
que le _M�decin malgr� lui_ de Moli�re, vu qu'il avait affaire � plus
forte partie, r�ussissait � l'�blouir en �ludant les questions positives
et en l'accablant de demandes p�dantesquement oiseuses; si bien que le
bourru se demandait de bonne foi si c'�tait un rude h�r�tique arm� de
toutes pi�ces, ou un ignorant fac�tieux qui riait de lui dans sa barbe.

De temps en temps quelques phrases de leur dispute arrivaient aux
oreilles de leurs compagnons. �Ceci est une h�r�sie, une h�r�sie
condamn�e! s'�criait le cur�, qui ne faisait plus attention aux cahots
et aux difficult�s de la route.--Je le sais, monsieur l'abb�, reprenait
Teverino, et il s'agit de la r�futer. Comment vous y prendrez-vous? Je
gage que vous ne le savez pas?--J'invoquerais la gr�ce, Monsieur,
rien que la gr�ce!--Ce ne serait que tourner la difficult�. Un savant
th�ologien d�daigne les moyens �chappatoires!--Une �chappatoire,
Monsieur! vous appelez cela une �chappatoire!--En ce cas-l�, oui,
monsieur l'abb�; car vous avez pour vous le concile de Trente, et vous
ne vous en doutez point!--Le concile de Trente n'a rien interpr�t�
l�-dessus, Monsieur! Vous allez m'interpr�ter quelque d�cret tir� par
les cheveux; c'est votre habitude, je le vois bien!�

--Notre bourru me para�t hors de lui, dit Sabina � L�once; votre ami
est-il r�ellement savant? Je regrette de ne pas les entendre d'un bout �
l'autre.

--Le marquis sait un peu de tout, r�pondit L�once.

--Seulement un peu? Je le croirais, � son assurance. Beaucoup d'Italiens
sont ainsi, c'est le caract�re m�ridional.

--Ce caract�re a ses charmes et ses travers; les uns si pu�rils qu'on
est forc� de s'en moquer, les autres si puissants qu'on est forc� de s'y
soumettre.

--Mon cher L�once, dit Sabina, qui comprit l'�pigramme effac�e sous
l'intonation m�lancolique de son ami, apercevoir, c'est tout au plus
remarquer; ce n'est, � coup s�r, pas se soumettre. Permettez-moi de vous
parler de votre ami comme d'un �tranger, et de vous dire que c'est la
statue d'argile aux veines d'or.

--C'est possible, reprit-il; mais l'or est chose si pr�cieuse et si
tentante qu'on le cherche parfois m�me dans la fange.

--Voil� un mot qui fait fr�mir.

--Prenez que j'ai dit argile, embl�me de fragilit�; seulement n'en
faites aucune application au caract�re du marquis. �tudiez-le vous-m�me,
Sabina; c'est le plus remarquable sujet d'observations que je puisse
vous offrir, et je ne l'ai pas fait sans dessein. Seulement, ne vous
laissez pas �blouir si vous voulez voir clair. Je vous avoue que
moi-m�me, ayant perdu de vue cet ami, depuis longtemps, et sachant
combien sont mobiles ces puissantes organisations, je ne le connais pour
ainsi dire plus. J'ai besoin de l'examiner de nouveau, et je ne puis
vous r�pondre de lui que jusqu'� un certain point. Soyez avertie, et
tenez-vous sur vos gardes.

--Que signifie cette derni�re parole? Me croyez-vous en danger
d'enthousiasme?

--Vous savez bien vous-m�me que vous venez de courir ce danger-l�,
jusqu'� vouloir traverser le torrent au p�ril de vos jours, pour lui
prouver votre confiance et votre soumission.

--Ne vous servez pas de mots impropres et offensants. On dirait que vous
en avez eu du d�pit?

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 9:17