Teverino by George Sand


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 31

Malgr� cette na�vet� de vanterie italienne, l'effusion du jeune homme
ne d�plut point � L�once. Sa figure �clair�e par la joie et la
reconnaissance avait un �clat, une franchise sympathique, qui gagnaient
l'affection. En dix minutes, il transforma le vagabond en un jeune
�l�gant du meilleur ton, en tenue de voyage. Il n'y avait dans la valise
de L�once que des habits du matin, de quoi suffire � une charmante
toilette de campagne, vestes l�g�res et bien coup�es, cravates de
couleurs fines et d'un ton frais, linge magnifique, pantalons d'�t� en
�toffes de caprice, souliers vernis, gu�tres de Casimir clair � boutons
de nacre. L'Italien choisit sans fa�on tout ce qu'il y avait de mieux.
Il �tait � peu pr�s de la m�me taille que L�once, et tout lui allait
� merveille; il n'oublia pas de prendre une paire de gants, dont il
respira le parfum avec d�lices. Et quand il se vit ainsi rafra�chi et
par� de la t�te aux pieds, il se jeta dans les bras de son nouvel ami,
en s'�criant, qu'il lui devait la plus grande jouissance qu'il e�t
�prouv�e de sa vie. Puis il poussa du bout du pied dans le lac ses
haillons, qui lui faisaient horreur, et, d�nouant son petit paquet, dont
il noya aussi l'enveloppe grossi�re, il en tira, � la grande surprise de
L�once, un portrait de femme entour� de brillants; une cha�ne d'or assez
lourde, et deux mouchoirs de batiste garnis de dentelle. C'�tait l� tout
ce que contenait son havresac de voyage.

--Vous �tes surpris de voir qu'une esp�ce de mendiant e�t conserv� ces
objets de luxe, dit-il en se parant de sa cha�ne d'or, qu'il �tala de
son mieux sur son gilet blanc; c'�tait tout ce qui me restait de
ma splendeur pass�e, et je ne m'en serais d�fait qu'� la derni�re
extr�mit�. _Che volete, Signor mio? pazzia!_

--Vous avez donc �t� riche? lui demanda L�once, frapp� de l'aisance avec
laquelle il portait son nouveau costume.

--Riche pendant huit jours, je l'ai �t� cent fois. Vous voulez savoir
mon histoire? je vais vous la dire.

--Eh bien, racontez-la-moi en marchant, et suivez-moi, dit L�once. Nous
allons reporter � nous deux cette valise dans ma voiture.

--Vous �tes en voyage, Signor?

--Non, mais en promenade, et pour plusieurs jours peut-�tre. Voulez-vous
�tre de la partie?

--Ah! de grand coeur, d'autant plus que je peux vous �tre � la fois
utile et agr�able. J'ai plusieurs petits talents, et je connais d�j� �
fond ces montagnes dans lesquelles j'erre depuis huit jours. Je ne puis
rester nulle part. Ma t�te emporte sans cesse mes jambes pour se venger
de mon coeur, qui l'emporte elle-m�me � chaque instant. Mais pour vous
faire comprendre ma mani�re de voyager, c'est-�-dire ma mani�re de
vivre, il faut que je me fasse conna�tre tout entier.

�J'ignore le lieu de ma naissance, et je ne sais � quelle grande dame
coupable ou � quelle malheureuse fille �gar�e je dois le jour. La femme
d'un marchand de poissons me recueillit un matin dans la campagne de
Rome, au bord du Tibre, et me donna le nom de Teverino, autrement dit
Tiberinus. J'avais environ deux ans; je ne pouvais dire d'o� je venais,
ni le nom de mes parents. Cette bonne �me m'�leva malgr� sa mis�re.
Elle n'avait plus de fils, et elle compta sur moi pour l'assister et
la soutenir quand je serais en �ge de travailler. Malheureusement, je
n'�tais pas n� avec le go�t du travail: la nature m'a gratifi� d'une
paresse de prince, et c'est ce qui m'a toujours fait croire que j'�tais
d'un sang illustre, bien que par mon esprit j'appartienne au peuple. Il
faut que l'un des deux auteurs de mes jours ait �t� de cette race de
pauvres diables qui sont destin�s � tout conqu�rir par eux-m�mes; et,
dans mon origine probl�matique, c'est le c�t� dont je suis le moins
port� � rougir. Tant que je fus un petit enfant, j'aimai la p�che, mais
plut�t comme un art que comme un m�tier. Oui, je me sentais d�j� n� pour
les inventions de l'intelligence. Ardent aux exercices p�rilleux et
violents, je n'avais pas le go�t du lucre. J'�prouvais un plaisir
extr�me � guetter, � surprendre et � conqu�rir la proie. Je ne savais
pas la faire marchander pour la vendre. Je perdais l'argent, ou je me le
laissais emprunter par le premier venu. J'avais trop bon coeur pour
rien refuser � mes petits camarades. Je les aidais � bien placer leurs
marchandises au lieu de demander la pr�f�rence sur eux. Enfin je mettais
ma pauvre m�re adoptive au d�sespoir par mon d�sint�ressement et ma
lib�ralit�, qu'elle appelait b�tise et inconduite.

�A mesure que j'acqu�rais des forces, l'�ge lui en �tait, si bien qu'un
jour, n'ayant plus la force de me battre, la seule consolation qu'elle
e�t go�t�e avec moi jusqu'alors, elle me mit � la porte en me donnant sa
mal�diction et deux carlini.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 11:33