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Page 28
--Savez-vous nager, au moins? lui demanda L�once. Ceci est un large
puits; il n'y a point de rivage du c�t� o� nous sommes, le rocher tombe
� pic � une grande profondeur vraisemblablement.
--Oh! Monsieur, fiez-vous � un ex-professeur de natation dans le golfe
de Baja, r�pondit l'�tranger; et, enlevant lestement le lambeau qui lui
servait de chemise, il s'�lan�a dans le lac avec l'aisance d'un oiseau
amphibie.
L�once prit plaisir � le voir plonger, dispara�tre pendant quelques
instants, puis revenir � la surface sur un point plus �loign�, traverser
la nappe �troite du petit lac en un clin d'oeil se laisser porter sur
le dos, se placer debout comme s'il e�t trouv� pied, puis fol�trer
en lan�ant autour de lui des flots d'�cume, le tout avec une gr�ce
naturelle et une vigueur admirable.
Bient�t, pourtant, il revint au pied du roc, et, comme le bord �tait en
effet tr�s-escarp�, il pria L�once de lui tendre la main pour l'aider �
remonter. Le jeune homme s'y pr�ta de bonne gr�ce, tout en se tenant sur
ses gardes, pour n'�tre pas entra�n� par surprise, et, le voyant assis
sur la pierre �chauff�e par le soleil, il ne put s'emp�cher d'admirer la
force et la beaut� de son corps, dont la blancheur contrastait avec sa
figure et ses mains un peu h�l�es.--Cette eau est plus froide que je
ne pensais, dit le nageur; elle n'est �chauff�e qu'� la surface, et je
n'aurai de plaisir qu'en m'y plongeant pour la seconde fois. D'ailleurs,
voici l'occasion de faire un peu de toilette.
Et il tira de son maigre paquet une grande coquille qui lui servait
de tasse, mais dont il avait d�daign� de se servir pour boire. Il la
remplit d'eau � diverses reprises et s'en arrosa la t�te et la barbe,
lavant et frottant avec un soin extr�me et une volupt� minutieuse cette
riche toison noire qui, toute ruisselante, le faisait ressembler � une
sauvage divinit� des fleuves. Puis, comme le soleil, tombant d'aplomb
sur sa nuque et sur son front, commen�ait � l'incommoder, il arracha
des touffes de joncs et d'iris qu'il roula ensemble, et dont il fit un
chapeau ou plut�t une couronne de verdure et de fleurs. Le hasard ou un
certain go�t naturel voulut que cette coiffure se trouv�t dispos�e d'une
fa�on si artiste qu'elle compl�ta l'id�e qu'on pouvait se faire, en le
regardant, d'un Neptune antique.
Il bondit une seconde fois dans le lac, atteignit la rive oppos�e, et
courant sur la pente qui �tait adoucie et couverte de v�g�tation de ce
c�t�-l�, il cueillit de superbes fleurs du _nymph�a_ blanc qu'il pla�a
dans sa couronne. Enfin, comme s'il eut devin� l'admiration r�elle qu'il
causait � L�once, il se fit une sorte de v�tement avec une ceinture de
roseaux et de feuilles aquatiques; et alors, libre, fier et beau comme
le premier homme, il s'�tendit sur un coin de sable fin et parut r�ver
ou s'endormir au soleil, dans une attitude majestueuse.
L�once, frapp� de la perfection d'un semblable mod�le, ouvrit son album
et essaya de faire un croquis de cet �tre bizarre, qui, refl�t� dans
l'eau limpide, � demi nu et � demi v�tu d'herbes et de fleurs, offrait
le plus beau type qu'un artiste ait jamais eu le bonheur de contempler,
dans un cadre naturel de rochers sombres, de feuillages �clatants et de
sables argent�s, merveilleusement appropri�s au sujet. Les flots de
la lumi�re coup�e des fortes ombres du rocher, le reflet que l'eau
projetait sur ce corps humide d'un ton titianesque, tout se r�unissait
pour donner � L�once une des plus compl�tes jouissances d'art et un des
plus vifs sentiments po�tiques qu'il e�t jamais �prouv�s; car, bien que
statuaire, il �tait aussi sensible � la beaut� de la couleur qu'� celle
de la forme.
Tout � coup il ferma son album, et le jetant loin de lui: �Honte �
moi, se dit-il, de vouloir retracer une sc�ne que Rapha�l ou V�ron�se,
Giorgion, Rubens ou le Poussin eussent �t� jaloux de contempler! Oui,
les grands ma�tres de la peinture eussent �t� seuls dignes de reproduire
ce que moi j'ai surpris et comme d�rob� � la bienveillance du hasard.
C'est bien assez pour moi, qui ne saurais manier un pinceau, de le voir,
de le sentir et de le graver dans ma m�moire.�
Le vagabond sembla deviner sa pens�e, car, � sa tr�s-grande surprise,
il lui cria en italien, apr�s lui avoir demand� s'il comprenait cette
langue: �C'est de l'antique, n'est-ce pas, _Signore_? Voulez-vous du
Michel-Ange? En voici.� Et il prit une attitude plus bizarre, mais
belle encore, quoique tourment�e. �Maintenant du Rapha�l, reprit-il en
changeant de posture; c'est plus gracieux et plus naturel; mais quoi
qu'on en dise, le muscle y joue encore un peu trop son r�le... Le Jules
Romain s'en ressentira encore, mais ce n'est pas � d�daigner.� Et quand
il se fut pos� _� la Jules Romain_, il reprit sa premi�re attitude, en
ajoutant:--Celle-ci est la meilleure, c'est du Phidias, et on aura beau
chercher on ne trouvera rien de mieux.
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