Teverino by George Sand


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Page 23

--Et je suis s�r que votre gouvernante sera f�ch�e? dit le malicieux
groom d'un ton dolent.

--Inqui�te, � coup s�r, r�pondit le cur�, tr�s-inqui�te, la pauvre
Barbe! Enfin, il faut prendre son mal en patience. O� sont vos ma�tres?

--L�-bas, de l'autre c�t� de l'eau; ne les voyez-vous point?

--Quel caprice les a pouss�s � traverser cette planche qui ne tient
� rien. Je ne me soucie point de m'y risquer avec ma corpulence. Si
j'avais au moins une de mes lignes pour p�cher ici quelques truites!
Elles sont renomm�es dans cet endroit.

Et le cur� se mit � fouiller dans ses poches, o�, � sa grande
satisfaction, il trouva quelques crins garnis de leurs hame�ons. Le
jockey l'aida � tailler une branche, � trouver des amorces, et lui
offrit ironiquement un livre pour charmer les ennuis de la p�che. Le
bon homme n'y fit pas de fa�ons, il prit _Wilhem-Meister_, autant par
curiosit� pour juger des principes de ses convives � leurs lectures que
pour se distraire lui-m�me; et, remontant le cours de l'eau, il alla
s'asseoir dans les rochers, partag� entre les ruses de la truite et
celles de _Philine_. Au moment o� la premi�re proie mordit, il �tait
juste � l'endroit des _petits souliers_. L'histoire ne dit pas s'il
ferma le livre ou s'il manqua le poisson.

Cependant la noire L�l� et la blonde oiseli�re avaient attach�
solidement le hamac aux branches des sapins. La belle Sabina,
gracieusement �tendue sur cette couche a�rienne, s'offrait aux regards
de L�once dans l'altitude d'une chaste volupt�. Ses larges manches de
soie �taient relev�es jusqu'au coude, et le bout de son petit pied,
d�passant sa robe, pendait parmi les franges de plume, moins moelleuses
et moins l�g�res.

L�once avait �tendu son manteau sur l'herbe, et, couch� aux pieds de
la belle lady, il agitait la corde du hamac et le faisait voltiger
au-dessus de sa t�te. L�l� s'�tait arrang�e aussi pour faire la sieste
sur le gazon, � peu de distance; et Madeleine s'enfon�a dans l'�paisseur
du bois, o� les cris de ses oiseaux la suivirent comme une fanfare
triomphale pour c�l�brer la marche d'une souveraine.

Sabina et L�once se retrouvaient donc dans un t�te-�-t�te assez
�mouvant, apr�s avoir agit� entre eux des id�es br�lantes dans des
termes glac�s. L�once gardait un profond silence et fixait sur lady G...
des regards p�n�trants qui n'avaient rien de tendre, et qui cependant
lui caus�rent bient�t de l'embarras.

--Pourquoi donc ne me r�pondez-vous pas? lui dit-elle apr�s avoir
vainement essay� d'engager une conversation frivole. Vous m'entendez
pourtant, L�once, car vous me regardez dans les yeux avec une
obstination fatigante.

--Moi? dit-il, je ne regarde point vos yeux. Ce sont des �toiles fixes
qui brillent pour briller, sans rien communiquer de leur feu et de leur
chaleur aux regards des hommes. Je regarde votre bras et les plis de
votre v�tement que le vent dessine.

--Oui, des manches et des draperies, c'est tout votre id�al, � vous
autres artistes.

--Est-ce que cela vous d�pla�t d'�tre un beau mod�le?

--Pourvu que je ne sois que cela pour vous, c'est tout ce qu'il me faut,
dit-elle avec hauteur; car les yeux de L�once n'annon�aient plus
la froide contemplation du statuaire. Ils reprirent pourtant leur
indiff�rence � cette parole d�daigneuse. Vous feriez une superbe
sibylle, reprit-il, feignant de n'avoir pas entendu.

--Non, je ne suis point une nature �chevel�e et palpitante.

--Les sibylles de la renaissance sont graves et s�v�res. N'avez-vous pas
vu celles de Rapha�l? c'est la grandeur et la majest� de l'antique, avec
le mouvement et la pens�e d'un autre �ge.

--H�las! je n'ai point vu l'Italie! nous y touchons, et, par un caprice
f�roce de lord G..., il lui pla�t de s'installer � la fronti�re comme
pour me donner la fi�vre, et m'emp�cher de m'y �lancer, sous pr�texte
qu'il y fait trop chaud pour moi.

--Il fait partout trop froid pour vous, au contraire, votre mari est
l'homme qui vous conna�t le moins.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 12th Jan 2025, 9:43